Les batailles pour le financement et le contrôle des marchés de gestion des ordures fait rage et plombent l’activité. La dernière trouvaille : un forum national des ordures projeté les 25 et 26 Avril 2025, malgré la mise en place d’une Bourse Nationale de Déchets (BND) pour engloutir davantage l’argent du contribuable camerounais. La géopolitique des ordures se dessine au Cameroun. Décryptage.

Les deux métropoles politique et économique du Cameroun offrent depuis cinq ans une mine hideuse due à l’insalubrité chronique que leur imposent les municipalités. La société Hygiène et Salubrité du Cameroun (Hysacam), qui a perdu le monopole de la gestion des déchets ménagers en Janvier 2023 à Yaoundé argue que le budget est structurellement déficitaire ; entrainant une accumulation des arriérés qui déteint sur la qualité du service. Et que la multiplication des opérateurs dans la collecte des ordures entraine au mieux une multiplication des problèmes. Elle prêche donc pour sa chapelle en invoquant les problèmes conjoncturels et structurels sans la solution desquels l’on ne saurait trouver une issue durable.

Dans la même foulée, elle ne cesse de plaider prodomo sua auprès des pouvoirs publics sur la nécessité entre autres de mettre en place un mécanisme qui permettrait de collecter la taxe spéciale dédiée au financement de cette activité et de verser directement dans un compte d’opérations, sans passer par le compte unique du trésor trop sollicité. D’investir dans les infrastructures de transfert, de regroupement et de déchetterie dans les quartiers. Pour elle, la ville de Douala a bien perçu le problème en construisant par ses soins deux centres de transfert modernes à Yaoundé et Bonabéri (le premier est déjà en service et le second en cours de construction).

Les atermoiements des pouvoirs publics à prendre une solution durable n’arrangent rien. Ni les actions ponctuelles. Comme celle engagée le 28 Juillet 2024 à Yaoundé baptisée « Coup de poing, Yaoundé sans poubelle ». Opération au cours de laquelle les autorités administratives du département du Mfoundi ont banalisé la fonction préfectorale en supervisant l’enlèvement des ordures. L’introduction d’un nouvel opérateur Thychlof en Janvier 2023 n’a pas empêché les immondices à s’accumuler et à envahir les rues. La nouvelle opératrice disposant des moyens opérationnels limités.

(Re) déploiement

Yaoundé suffoquant davantage sous les ordures, la ministre de l’Habitat et du Développement Urbain, Célestine Ketcha Courtes, pour montrer patte blanche et sa fidélité à la France, a exigé du Maire de la ville, Luc Messi Atangana, le déploiement immédiat d’Hysacam dans les zones attribuées à l’entreprise Thychlof. Afin de relancer la collecte des déchets, la société Hysacam a fait une démonstration de force le 04 Avril 2025 à Yaoundé. Elle a présenté dix nouveaux camions bennes acquis sur les quatre-vingt prévus par la société.

Bien plus l’autre point de divergence est le tiraillement sur le financement et le contrôle de ramassage des ordures. L’appel d’offre internationale pour le recrutement de quatre prestataires en vue d’assurer la collecte des déchets, a aiguisé les appétits des uns et des autres. Pendant que la ministre de l’Habitat et du Développement Urbain demande la contractualisation d’avenant avec les entreprises Thychlof et Hysacam ainsi que la révision des contrats d’attribution pour mieux planifier les objectifs de collecte, le Maire de ville de Yaoundé critique les lenteurs dans le recrutement des nouveaux opérateurs pour remplacer les contrats des entreprises cités plus haut.

Il plaide pour un déblocage spécial des fonds. Car argue-t-il le seul budget de la Mairie de la ville de Yaoundé, déjà faible par rapport à l’ampleur des missions à accomplir, ne peut pas faire face aux charges d’enlèvement des ordures ménagères qui est une activité permanente et non ponctuelle. Il plaide également pour un assouplissement des procédures de sélection des entreprises ou la création des marchés spéciaux pour les opérations de gestion des déchets. Cette guerre d’intérêts perdure au point où sur les quatre lots, deux ont seulement été attribués à deux entreprises (Thychlof et Hysacam). Des voix se sont élevées pour soutenir que l’assainissement de Yaoundé n’est pas seulement une affaire d’argent. Il est avant tout une question d’organisation et de planification.

Instructions du PM

Nonobstant les efforts engagés par les pouvoirs publics pour lutter contre l’insalubrité galopante, la situation dans les deux métropoles politique et économique du pays reste préoccupante et le Premier ministre, chef du gouvernement est monté au créneau pour mettre la pression sur les édiles. Chief Dr Joseph Dion Ngute a successivement tenu deux rencontres les 25 et 26 Février 2025 avec les maires des villes de Yaoundé et Douala pour instruire un renforcement des actions en cours et plus de synergie dans les interventions et a appelé à des solutions pragmatiques.

« Cela fait des années que ça dure. Il faut trouver en urgence des solutions concrètes à implémenter dans les délais cours », a-t- il martelé. Et l’une des solutions en urgence a été trouvée par le ministre de l’Environnement, de la Protection de la Nature et du Développement Durable, Hélé Pierre, qui a mis en place une Bourse Nationale des Déchets (BND). Une initiative louable qui n’est pas du tout du goût des géostratèges des ordures. Réfractaires à toute idée contraire à leur dessein, ceux-ci ont projeté la tenue d’un forum national des ordures non seulement pour garder la main mise sur cette activité, mais aussi pour engloutir davantage l’argent du contribuable camerounais sur des monstres sans têtes. Vivement que les mairies et les privés prennent illico presto les actions à la Bourse Nationale des Déchets pour lui permettre un démarrage efficace et efficient de ses activités pour le bien-être des populations et pour la croissance économique.