L’ancien directeur général de CAMTEL, David Nkoto Émane est décédé depuis samedi 17 septembre 2022 matin à l’hôpital de la CNPS où il était hospitalisé. Nkoto Emane a été Directeur général de Camtel du 23 février 2005 au 14 décembre 2018. Depuis, les hommages se font rares pour cet homme d’Etat.
Le Pr Shanda Tonme n’est fendu d’un hommage repris par le confrère Actu Cameroun qui change le regard sur David Nkoto Émane qui serait un grand gestionnaire
Le danger qui nous guette dorénavant et qui risque non seulement de compromettre notre destin en tant que nation unie, mais plus grave de fracturer radicalement tous les rapports humains dans notre société, c’est la prolifération d’un discours accusateur aveugle qui ne laisse la place à aucune réserve ni modération. Ce discours construit une ingratitude chronique qui secrète le négationnisme sur toutes les réalisations, sur des compétences pourtant avérées.
Rien n’est fait et rien n’a jamais été fait, tout est mauvais et tout le monde est pourri. Et pourtant, même chez le plus grand diable, on trouvera un espace vivable, et que même dans le terrible des tsunamis, on dénichera une âme vivante, une respiration, une digue debout, une bouée de sauvetage, une aiguille utile et salvatrice symbole d’une œuvre humaine relativement forte et digne. Il y partout et dans toutes les circonstances, même les plus désespérées, un message positif pour la postérité.
Peu de nos compatriotes y compris de très hauts responsables, connaissent l’histoire de la fibre optique qui fait aujourd’hui la fierté de notre pays, et nous met dans une position de force presque exceptionnelle, non seulement vis-à-vis de nos voisins immédiats mais mieux par rapport aux grandes nations de la planète.
C’est un de ces heureux hasards opportuns pour l’ordonnancement de l’apaisement et de la compréhension dans les relations humaines de toute nature, qui me gratifie du privilège de me retrouver dans le somptueux bureau du directeur général de CAMTEL d’alors, David Dieudonné Nkoto Emane.
En effet sur la base de multiples lectures mettant en cause la gestion de cette société publique, j’avais saisi directement son patron d’une correspondance de protestation suffisamment dure au nom de la commission indépendante contre la corruption et la discrimination. Deux jours après que la correspondance eut été rendue publique, je reçu un appel du DG en personne.
C’est bien monsieur Shanda Tonme ?
C’est bien moi, à qui ai-je l’honneur ?
Je suis Nkoto Emane, le Directeur général de Camtel. Bonjour !
Bonjour Monsieur le Directeur Général !
Ecoutez, j’ai reçu votre correspondance. Je sais que vous ne faites que votre travail de société civile, mais je trouve qu’il y a trop d’exagérations, et même des choses qui vous échappent. Vous auriez peut-être dû vous approcher de moi ou même simplement de mes services, que vous auriez apprécié autrement et écrit autrement.
Vous avez sans doute raison, monsieur le Directeur général, je le fais souvent autant que possible, mais s’il fallait toujours attendre, on n’en sortirait pas, et des innocents crèveraient des abus.
D’accord, mais je pense que pour votre crédibilité, ne vaudrait-il pas mieux attendre et rencontrer toutes les parties, au lieu de faire involontairement le jeu des champions de la destruction, des intrigues, du dénigrement systématique et des règlements des comptes ?
Bien compris, d’ailleurs, je dois vous révéler que je n’hésite pas à corriger, à rectifier voire à m‘excuser dans des cas où je découvre la vérité après coup.
C’est plus sage ainsi. Si vous avez le temps, je vous reçois demain ou après-demain selon votre convenance.
Très d’accord monsieur le directeur général
Deux jours plus tard, je faisais mon entrée dans le bureau de monsieur Nkoto Emane. Je trouvai un homme souriant, décontracté, accueillant et ouvert, disposé à échanger le plus largement que possible.
Prenez place et sentez-vous à l’aise, mon frère. Ici, je reçois tout le monde, même si c’est vrai, la sécurité est parfois dissuasive, mais c’est un simple protocole d’usage. Quelque chose me frappa tout de suite, une carte du monde sur le mur à ma droite. Je commençai donc par une remarque à propos :
Tenez, monsieur le Directeur général, je vois que vous vous intéressez à la géopolitique, auquel cas c’est une bonne chose pour un ingénieur.
Ah oui, et même mieux. Je sais que vous, vous c’est votre domaine, mais moi aussi, j’ai bâti tout le développement de Camtel sur le challenge d’intégrer le principe de la compétitivité technologique mondiale, de positionner la société sur les segments les plus avancées des nouvelles technologies. Est-ce que vous avez entendu parler de notre fibre optique ?
Pas vraiment, mais je suis au courant vaguement que des choses sont en cours au Cameroun.
Bien, alors je vous en parle. Lorsque j’arrive à la tête de cette maison, nous sommes endettés auprès des deux principales sociétés de téléphonie mobile, Orange et MTN, de près de 13 (treize) milliards. C’était très stressant et nous étions en situation de dépendance, de détresse et de subordination face à des sociétés étrangères dans notre propre pays, au lieu que ce soit le contraire. J’ai réuni les meilleurs cadres de la maison, j’ai recruté et parfois débauché des bons ingénieurs un peu partout, et j’ai mis tout le monde au travail. Je leur ai dit que nous devons relever le défi en tant qu’entreprise publique et nous imposer, car après tout, c’est nous les patrons.
J’ai rédigé un programme, planifié des stratégies, réorganisé le cadre de coopération avec les sociétés de téléphonie mobile et surtout rationnalisé au maximum nos ambitions budgétaires. La tutelle m’a suivi, le conseil d’administration a avalisé, et surtout, j’ai obtenu la confiance et le grand OK du chef de l’Etat. Je voyais loin, vraiment loin, et voilà comment nous avons presque miss KO les sociétés qui hier nous commandaient, nous imposaient et nous faisaient du chantage. Au moment où je vous parle, elles nous sont redevables d’au moins six milliards de Francs Cfa. Nous tenons tout le monde y compris les Etats voisins avec la fibre optique. Nous avons compris très top et vite, que c’était l’outil magique du futur dans les technologies de la communication. Mes ingénieurs et moi avons travaillé durement, méthodiquement et assidument. Aujourd’hui, Je n’ose même pas vous révéler, que même certains chefs d’Etat de la sous-région, passent par notre fibre optique pour leurs communications internationales. Bon, vous êtes diplomate, et vous savez que je ne devrais pas dire ça, mais je le fais pour que vous compreniez bien, tout ce que nous avons pu faire.
Nkoto ceci, Nkoto cela !
Je ne dis pas que nous sommes parfaits, que Camtel n’a pas ses problèmes, ou que le DG est sans faute, mais il faut souvent savoir apprécier le travail des autres, avant de se lancer dans des critiques dont la plupart chez nous, procèdent soit de la jalousie, soit de la haine et des règlements des comptes. Nous avons construit douze (12) mille kilomètres de fibre optique et comptons parmi les leaders dans le monde en termes de couverture du territoire. A titre de comparaison, la Suisse n’a que quatre mille kilomètres.
L’homme se leva, alla vers la grande carte et commença les démonstrations avec des points fléchés. J’étais débordant d’admiration devant une telle passion du métier, un tel professionnalisme. C’est vrai qu’en profane, je pouvais être plus impressionné et même dérouté face à un si haut et expérimenté ingénieur, mais il était tellement limpide que je ne crois pas qu’un autre ingénieur, l’aurait contredit facilement.
Lorsque le DG vint retrouver son fauteuil, le trouble avait changé de camp. Il était serein, calme et souriant, rassuré que son message était passé. J’étais bouche bée, et tout était terminé. C’est moi qui était pressé de repartir.
Merci monsieur le Directeur général, merci vraiment et merci pour vos explications, étaient mes mots de la fin. J’eus néanmoins le courage de lui faire remarquer le délabrement du bâtiment, du hall d’entrer, de l’ascenseur.
Sa réponse : On est dessus, nous sommes en travaux comme vous le voyez dehors. On a commencé par la façade, et nous attaquerons l’intérieur après.
Un mois plus tard, je me retrouvai à déjeuner au restaurant du palais des nations à Genève, siège du bureau européen de l’ONU. J’étais à table avec deux Camerounais et trois étrangers, dont l’un était un haut cadre à l’Union internationale des télécommunications. Un débat s’engagea sur les facilités de communications en Afrique. Je suivi sans mot dire, et jusqu’à ce qu’un de mes compatriotes, fonctionnaire international se mette aussi à regretter les difficultés de communiquer avec l’Afrique trop souvent. J’assistai alors à quelque chose de rare. En effet le fonctionnaire de l’UIT, repris notre compatriote en ces termes : Ah non, si tout va mal, un des pays qui va s’en sortir vite, qui a fait des progrès importants et qui sert d’exemple pour tous, c’est le vôtre, le Cameroun. Nous avons reçu le directeur général de votre société publique ici et nous avons visité et expertisé le projet de fibre optique qu’il est en train de construire. C’est bien avancé et le Cameroun va dominer tous les autres pays avec la fibre optique. Les communications seront plus faciles, denses et moins chers par rapport à d’autres y compris même par rapport à l’Europe. Lorsque j’ouvris la bouche pour confirmer sur la base de ma rencontre avec le DG Nkoto, c’était le comble de la satisfaction. Je ne me suis jamais senti aussi fier de mon pays et des louanges à lui faites par un étranger, de surcroît un haut fonctionnaire du système des nations unies et expert en sa matière.
Après le repas, le compatriote s’exclama : on parle, on parle, mais le pays fait quand même des progrès. C’est très bien. Il faut souvent la visite des compatriotes comme toi pour nous renseigner un peu. Avec notre éloignement on est parfois un peu perdu.
Rentré à ma chambre d’hôtel le soir, je m’empressai d’appeler mon frère et compatriote David pour lui raconter la scène, non sans une certaine excitation. Sa réaction fut des plus simples : Merci mon frère. Vous voyez vous-même maintenant que je ne vous ai pas raconté des histoires. Dans tous les cas, moi je travaille et je sais que j’ai des faiblesses, mais comme tout le monde, comme tout gestionnaire et non les histoires que certains vont raconter au chef de l’Etat en demandant qu’on m’enlève.
Voilà pour ainsi dire, l’homme que j’ai connu par un hasard heureux et découvert les compétences et le travail. Je ne défends et ne protège personne automatiquement, opportunément ou malicieusement. Je défends et défendrai la vérité, la tolérance, le dialogue, l’amour propre des uns et des autres, la patrie avec nos justes et légitimes intérêts nationaux. Je défends après tout et dans le cas précis, l’honneur et la dignité d’un homme sur lequel et contre lequel, on a écrit tant de choses, raconté tant de choses, tout sauf ce qu’il a fait de bon et de bien, ce qu’il a fait pour son pays, pour sa patrie. David en a immensément souffert les trois dernières années de sa vie sur terre, sa famille et ses amis aussi.
Parce que la fibre optique, à cause de la fibre optique et avec cette fibre optique, le travail, le travail, le génie, la passion et la détermination de David, les Camerounais bénéficient d’un coût d’internet parmi les plus moins chers du monde. D’autres projets n’ont pas marché comme il avait voulu, avait espéré ou planifié, mais il aura pour l’essentiel travaillé et donné le meilleur de lui-même.
Sur la tombe de David, il faudra déposer une gerbe de fleur majestueuse aux couleurs nationales, barrée de l’inscription ci-dessous :
LA NATION RECONNAISANTE POUR LA FIBRE OPTIQUE
J’ai dis la vérité et rien que la vérité, pour la mémoire de compatriote qui s’est éteint à Yaoundé ce jour de samedi 17 septembre 2022, afin que les vivants et la postérité ne se trompent point, ne le sanctionnent pas au-delà de qu’il mérite réellement, et reconnaissent son travail dans la plénitude de son utilité et de son apport pour l’avancement de notre pays.