Alors qu’il avait été avancé jusqu’au sommet dans le corps de la police, Pierre Bilong a vu le décret de nomination invalidé du fait d’irrégularités d’après les patrons de la police. Pour ne pas tout perdre, il demande au tribunal administratif l’annulation de cette décision du chef de l’Etat qui le rétrograde en omettant de tenir compte des années de gel de ses avancements au rang de commissaire de police principal.
Dans sa tenue civile, Pierre Bilong, commissaire de police principal à la retraite, se fait toujours appeler «le divisionnaire» par son avocat. La présidente du tribunal administratif de Douala insiste elle-même ce mercredi 25 novembre 2021 pour mieux comprendre : «Mais, il dit qu’ils ont reçu leurs attributs au cours d’une cérémonie…» Cela ne donne pas droit à un avantage statutaire que seule la notification formelle de l’administration permettrait d’exciper, répond la police. «Il n’a tout de même pas organisé la cérémonie ou demandé lui-même à être présenté comme commissaire divisionnaire», s’exclame la juge.
La conversation fort animée n’est pourtant pas le cœur du problème, car Pierre Bilong ne demande pas à être considéré comme commissaire de police divisionnaire. Ce qu’il veut, c’est que dans la gestion de l’acte de rétrogradation, qui a annulé un décret de 2019 l’élevant au grade de divisionnaire, l’on tienne compte des reclassements non actés. En fait, en 2020, un décret présidentiel avait rapporté un précédent de 2019 au détriment de 151 commissaires de police promus divisionnaires. Le requérant demande que ce décret défavorable soit annulé afin d’annihiler certains de ses effets spécifiques.
La promotion est perdue, admet M. Bilong. Il faut cependant que le blocage des avancements pendant huit ans, après sa nomination comme commissaire de police principal, ne passe pas à la trappe comme le lui impose le décret querellé. Dans un bref exposé au tribunal, il analyse : dès lors que les commissaires de police bénéficiaires de l’élévation au grade de divisionnaire avant la fournée recalée de 2019 ont vu leurs reclassements tenir compte des années de gel, la même formule de rattrapage doit bénéficier aux générations suivantes, même si elles sont déchues du grade de divisionnaire.
Bredouille
Le problème, pointe un membre de la cour, c’est de savoir si un des policiers dont la désignation a été retirée, serait reclassé de manière plus favorable que le plaignant. «D’où vient la discrimination dont vous parlez ?», interroge un juge. L’avocat du demandeur Bilong répète sereinement que son client a servi le Cameroun et il est aujourd’hui injustement traité par l’administration. La Délégation générale à la sûreté nationale (DGSN) elle-même ne sait pas trop quoi dire.
La juge insiste : est-ce qu’avec la même ancienneté, le même échelon, tout le monde a été pareillement reclassé comme commissaire de police principal ? Embarrassé, l’un des deux émissaires de la police nationale finit par lâcher que leur préparation de l’audience ne s’est pas penchée sur «la situation personnelle de tout un chacun». «J’avoue que…», bredouille le policier représentant l’administration.
Plus loquace et intervenant à contretemps, l’officier de police qui l’accompagne lâche : «Tout cela ne doit pas être pris en compte, car le Statut spécial des fonctionnaires de police en son article 71 dit que le fonctionnaire peut être avancé et non doit… Il aurait dû attendre d’être saisi par un acte pour revendiquer.» Une réplique qui a le don de déclencher le rire de la salle quand beaucoup la rapprochent du commentaire repris par un des juges : «il avait déjà porté les étoiles de divisionnaire et fait la fête, il était réputé être divisionnaire».
Quoi qu’il en soit, le ministère public a déjà annoncé que, pour lui, l’administration a manifestement pris un acte conférant des droits à des individus qui ne remplissaient pas les conditions pour en bénéficier. Il s’en est toutefois remis «à la sagesse du tribunal» pour prendre une décision le 16 décembre prochain.