Le correspondant de RFI en langue haoussa au Cameroun a été libéré vendredi 22 décembre. Ahmed Abba avait été arrêté en 2015 alors qu’il enquêtait sur le groupe terroriste Boko Haram.
Si le gouvernement camerounais assure qu’il n’exerce aucune pression sur les journalistes, il estime néanmoins que le terrorisme est un sujet particulièrement sensible. Plusieurs défenseurs de la liberté de la presse considèrent quant à eux que l’affaire d’Ahmed Abba a en partie modifié l’exercice du métier dans le pays.
Condamné jeudi à deux ans de prison – une peine qu’il avait déjà effectuée en détention préventive – Ahmed Abba a été libéré ce vendredi 22 décembre. Il avait été arrêté en 2015 à Maroua alors qu’il couvrait la crise liée au groupe terroriste Boko Haram dans l’Extrême-Nord du pays.
Le ministre camerounais de la Communication assure qu’il n’existe pas de sujet tabou dans le pays. Il estime cependant que la lutte contre Boko Haram est une situation qui impose des conditions de travail particulières.
« Ahmed Abba retrouve la liberté, je lui souhaite bonne carrière. Je souhaite simplement qu’il fasse attention dans l’exercice de sa profession de journaliste. Les journalistes sont libres et le gouvernement n’a jamais cherché à intimider qui que ce soit. Je préside à la marche de la communication, je protège et promeus les intérêts de la presse de manière générale et des journalistes en particulier », assure Issa Tchiroma.
« En revanche, nous sommes un pays en guerre contre Boko Haram et les journalistes doivent savoir – et c’est une formule que nous répétons à volonté – que la liberté de la presse s’arrête là où commence la menace à l’intégrité territoriale de notre nation. »
« La loi anti-terroriste est utilisée pour faire taire les critiques »
Pour plusieurs organisations de défense des journalistes, l’affaire Ahmed Abba aura des conséquences à long terme pour tous les journalistes camerounais. Angela Quintal dirige le bureau Afrique du Comité pour la protection des journalistes.
« Cela a envoyé un message. Les journalistes avaient tellement peur d’être arrêtés à leur tour qu’on a observé plusieurs cas d’autocensure. Les journalistes ont délibérément ignoré certains sujets jugés sensibles par les autorités. Au Cameroun, la loi anti-terroriste est utilisée pour faire taire les critiques. »
« Et les rares journalistes suffisamment courageux pour traiter de questions d’intérêt public et raconter ce qui se passe, en particulier concernant la crise dans les régions anglophones, ces journalistes-là ont été visés par leurs propres employeurs, sous la pression du gouvernement.
Des journalistes ont été retirés de l’antenne, des émissions ont été déprogrammées. Très peu de journalistes se sont sentis en position de dire la vérité à partir du moment où Ahmed Abba a été arrêté. »