Présidente de la Fédération des associations des supporters du Cameroun, Mme Emvoutou revient sur ses longues et douloureuses semaines en prison et nous présente également son projet qui a pour but entre autres d’instaurer la discipline dans les gradins pour que cesse le cafouillage dans les rangs des fans des sélections nationales, précisément en cette veille de CAN féminine.
Marlène Emvoutou, après un séjour à la prison centrale de Kondengui, vous vous venez de lancer la fédération des associations nationales des supporters. Que cache cette nouvelle vie ?
Rien du tout ! Je veux juste passer un message positif. Que le système carcéral, ça marche. Qu’on peut entrer en prison comme mauvaise personne et en ressortir avec le statut de quelqu’un de bien, qui peut contribuer au développement de son pays.
Qu’on peut sortir en étant respectueuse des valeurs de la République ; en mettant son intelligence au service de la Nation. Je veux être l’exemple vivant que le système carcéral n’est pas ce monstre que certains tendent à présenter. Je veux également montrer que la jeunesse qui peut parfois manquer d’expérience, ne doit pas se décourager malgré les obstacles.
Je peux vous assurer que c’est le manque d’expérience qui m’a conduit en prison. J’ai pris le temps de m’interroger sur ce que je devais faire ; de la contribution que je devais apporter à mon pays. Et je crois que ce message a été bien capté par les plus hautes autorités de ce pays qui m’ont délivré l’autorisation d’exercer. La Fécafoot aussi m’a fait confiance en faisant de moi l’interlocuteur des supporters camerounais.
Je pense que c’est à moi aujourd’hui, après avoir fais la prison, de montrer aux yeux du monde que je mérite cette confiance. Je n’ai pas droit à l’erreur. André Gide disait que « l’expérience vaut mieux qu’un conseil ». Je pense que je dois implémenter toutes les valeurs que j’ai apprises en prison dans cette lourde responsabilité qui est la mienne aujourd’hui.
A quoi renvoie cette fédération concrètement pour le citoyen lambda qui n’en a qu’une perception vague ?
C’est une fédération citoyenne. Elle a pour but de rassembler tous les Camerounais et les sympathisants du Cameroun autour des équipes nationales, et autour du football Camerounais. Il question pour nous, d’apporter un soutien efficient au développement du football, à travers l’animation, à travers des attitudes positives dans les stades.
A travers des mesures d’auto-défense pour prévenir d’éventuelles attaques terroristes dans les stades de football également. Vous savez, en 2016 et 2019, notre pays accueille deux grands évènements de football. Il est question de nous rassembler et de nous organiser pour que ce soit de grands moments de fêtes. Et que nous puissions donner un visage très positif du supporter camerounais.
Qui peut adhérer à la fédération ?
Tout le monde. A condition de respecter la charte du supporter qui est celle de s’engager à condamner tout acte de violence. A respecter les officiels pendant les matches. A respecter les valeurs de la République, notamment l’hymne national. Vous savez, nous interdisons que l’hymne national soit sifflé dans les stades. Donc, toute personne qui s’engage à respecter cette charte là, peut rejoindre la fédération des supporters.
Avez-vous pensé à ces autres associations de supporters qui existaient avant la fédération et qui craignent que celle-ci ne les engloutisse finalement ?
Ecoutez, la fédération est là pour regrouper toutes les associations. Et nous invitons toutes celles qui ne l’ont pas encore rejoint, à la faire. Nous ne savons pas comment on peut engloutir une ferveur. Etre supporter c’est avoir une ferveur, une passion pour un sport, une passion pour une équipe que l’on ne peut pas engloutir.
Nous pensons tout simplement qu’il faut un seul son de cloche. Quand nous crions dans le stade, on n’entend qu’une seule voix. Nous ne voulons pas de groupe de supporter qui viennent pour insulter les joueurs. Nous ne voulons pas des groupes supporters qui viennent pour insulter la fédération de football. Nous pensons que nous devons rester dans notre rôle qui est celui d’apporter notre énergie.
La transmettre sur le terrain pour qu’elle puisse gagner. Nous ne rentrons pas dans les querelles politiques ou religieuses. Et c’est la seule condition. S’il y avait des associations des supporters qui étaient là pour s’occuper de la politique du football, pour s’occuper de la politique sportive du gouvernement de la République, nous ce n’est pas ce qui nous intéresse.
Ce qui nous concerne, c’est de venir chanter, accompagner les équipes nationales sur le terrain. Et dans toutes les associations qui sont dans cette ligne là, elles sont les bienvenues au sein de la fédération.
Depuis cette entrevue au terme de laquelle vous avez reçu l’onction de la Fédération camerounaise de football, qu’avez-vous déjà fait de concret sur le terrain ?
Après cette entrevue comme vous le dites, il s’en est suivi la signature effective du contrat de collaboration. Je pense que c’est un grand pas que le supportering vient de marquer. Vous savez, c’est la première fois dans l’histoire du football camerounais qu’un statut est attribué aux supporters à la Fédération camerounaise de football.
Désormais, le supporter à un statut à la fédération. C’est-à-dire qu’il est collaborateur de la Fécafoot. Et c’est très important. Dans tous les pays où le football est professionnel, cela existe. Nous ne créons pas au Cameroun. Les supporters sont considérés. Si vous me permettez une petite digression, c’est grâce à la fédération des supporters de football en France qu’on a évité le carnage le 13 novembre 2015 au stade de France.
Parce que la fédération est identifiée. Elle réserve ses places pour les membres qu’elle connaît à l’avance. Et quand les terroristes sont arrivés, ils n’ont pas pu acheter des billets pour accéder au stade. Dons c’est très important la collaboration entre la fédération des supporters et la Fécafoot. Parce que c’est nous qui pouvons identifier les groupes qui sont probablement dangereux, et ne pas leur donner la possibilité d’accéder au stade.
Nous voulons vous dire que, l’idée est que, comme le président de la République l’a dit dans son discours le 31 décembre 2015, de promouvoir l’auto-défense pour nous même dans les stades. Nous sommes là pour accueillir des supporters positifs, et pas ceux qui viendront dans les stades, insulter, ou faire de la propagande politique dans les stades. Donc, c’est très important. Et la Fécafoot a demandé qu’il y ait un seul interlocuteur des supporters.
La seule fédération qui existait jusqu’alors était la fédération des associations nationales des supporters qui avait elle, déjà rassembler les associations qu’on connaît à la Fécafoot. C’est la raison pour laquelle la fédération a signé la convention avec cette fédération des associations nationales des supporters.
Que gagnerais un supporter, fan des Lions à choisir une place dans la tribune plutôt que de regagner les rangs de la Fédération ?
Je vous ai dis que cela sera très difficile désormais. Parce que nous faisons entre le spectateur et le supporter. Un spectateur c’est celui qui vient, paye sa place, et demande un spectacle à sa convenance. Mais une supporter c’est celui qui soutient son, équipe, dans la défaite comme dans la victoire. Donc il y a une différence dans le statut. Il y aura toujours des spectateurs.
Mais nous les supporters, nous venons pour chanter. Apporter notre voix, pour crier, pour soutenir quelque soit l’enjeu. Et voilà la différence entre nous. Vous ne pouvez pas être supporter si vous ne chantez pas, si vous ne dansez pas, si vous ne donnez pas votre voix. Donc, les spectateurs vont continuer à exister, ca c’est leur droit.
Mais nous notre idée c’est de transformer les spectateurs camerounais en supporters de football. Et bien sûr derrière il y des avantages. Nous avons obtenus des réductions de 30% chez de nombreux opérateurs économiques. Donc, quand vous avez une carte de membre de supporter, vous pouvez bénéficiez des ces avantages là. Après chaque victoire, nous offrons des rafraichissants dans des débits de boissons partenaires de la Fédération.
Cela veut dire que désormais tout le monde ressentira la victoire si vous êtes supporter des Lions indomptables. Nous, ce n’est que des bonus. Et désormais, seul les supporters détenteurs d’une carte de supporter auront accès aux entrainements des Lions. Ils auront accès aux photos avec les Lions. Ils auront un accès direct aux Lions indomptables.
Cela est très important, c’est plutôt un avantage. Parce que ces personnes seront identifiées à la Fécafoot. Et on peut leur faire confiance. Jusqu’aujourd’hui, vous voyez un peu les rapports distants entre les Lions et les spectateurs. Parce qu’ils ne savaient pas qui est qui dans la foule. Et il y avait des insultes.
Je pense que nous voulons créer un climat convivial, que les Lions soient rassurés que ces personnes soient connues de la Fécafoot. Et nous pouvons nous approcher d’elles, et nous pouvons nous embrasser, et nous pouvons faire des photos avec elles. C’est très important.
Vous avez relevé qu’il y a une espèce de désamour entre le public camerounais, et les Lions, principalement l’équipe A. Est-ce que le challenge pour vous, sera de ramener ce public qui a tourné le dos à l’équipe nationale ?
Tout à fait ! Parce que nous voulons changer les mentalités. Au Cameroun, il yavait les spectateurs. Il n’y avait pas de supporters. Quand on dit supporter quelqu’un, que ce soit dans la défaite, que se soit dans la victoire, le supporter ne va pas dire que je ne viens pas au stade parce que vous ne gagner pas.
Le supporter dira, « je viendrais vous soutenir, que se soit dans la douleur, ou dans la joie, je suis avec vous ». Et quand on aura fait cette différence entre le supporter et le spectateur, je vous dirais qu’il y aura des gens quoi vont aimer les Lions quelque soit les enjeux. Que ce soit dans la victoire ou la défaite, il y aune différence.
Les sélections nationales inférieures, et même la sélection nationale féminine qui prépare la Can 2016 pourraient croire qu’elles sont un peu abandonnées…
Non. Nous avons dit « Lions indomptables » en général. C’est toutes les sélections nationales qui sont baptisées ainsi. Peut-être est-ce un abus de langage. Nous avons dit les équipes nationales du Cameroun. Vous avez vu dans notre déclaration, nous soutenons toutes les équipes nationales et les clubs locaux.
Ce la veut dire que cette énergie, cette dynamique que nous avons mis en marche va bénéficier même aux clubs locaux. Les grands clubs de première et de seconde division pourront désormais compter sur le soutien de la fédération des associations nationales des supporters pour créer une autre image, créer une autre dynamique autour du football.
Vous parlez des sélections locales, notamment celles de l’élite de ligue I et II. Mais l’absence d’infrastructures sportives, consécutive à la construction et à la réhabilitation de certaines aires de jeux va créer comme un gap, et des ces équipes seront obligées de jouer où il n’y a pas de supporter. Y avez-vous pensé ?
Il n’y aura pas de spectateurs. Il n’y aura peut-être pas de spectateurs, mais je suis sûr qu’il aura toujours des supporters. Le supporter n’agit pas seulement dans le stade. Le supporter agit également en dehors du stade. Par exemple, on sait très bien que les équipes du Cameroun ont besoin du soutien des supporter à travers l’achat de la billetterie. Mais quelqu’un peut décider de devenir mécène du football.
J’envoie 250 Fcfa par an à mon club de cœur, mais je sais que je ne peux les suivre partout. Mais c’est 250 Fcfa, quand vous allez les multiplier par un millions de supporters c’est un apport important pour une équipe locale. Pour le moment, comme nous préparons la Coupe d’Afrique des nations nous nous consacrons d’abord à encadrer les supporters de l’équipe nationale féminine de football. Et après, comme je vous l’ai dit, je vous ai parlé du Crow funding (financement participatif) des équipes.
Donc, un supporter peut également être celui qui ne va jamais au stade, mais envoie son soutien à son équipe. Dons c’est très important. Ce que nous faisons à la fédération, c’est d’abord l’identification de ceux qui aime le Cameroun, de ceux qui aiment les porte-étendards de notre drapeau, de notre fierté en tant que nous sommes des Camerounais.
C’est cela le plus important. Et comment convaincre quelqu’un d’être camerounais ? Je ne sais pas. Nous n’avons pas d’arguments plus percutants pour dire à quelqu’un aime ton pays, aimes les joueurs parce qu’ils portent le drapeau de ton pays. Nous n’avons pas d’arguments. Nous pensons que cela va de soit. Cela est viscéralement attaché à nous, le fait qu’on puisse soutenir tout ce qui porte notre étendard national.
On peut vous faire que le reproche que l’essentiel de votre activité est concentré à Douala et à Yaoundé. Qu’en est-il des autres villes ?
Je vous ai parlé des clubs locaux. Nous irons partout dans le Cameroun. Vous voyez que cela ne fait que trois jours que nous avons reçu l’autorisation de l’institution qui a délégation du gouvernement de la République d’organiser le football. Sans cette convention avec la Fécafoot, il était impossible de faire quoi que se soit.
Nous sommes des légalistes, nous respectons la Fédération, qui elle a autorité pour désigner qui doit faire quoi autour du football. Avant cela nous ne pouvions pas agir. Maintenant que nous sommes légalement en collaboration avec la Fécafoot, vous verrez que nous irons dans tous petits villages pour installer des comités de soutien.