Enlèvement du sous-préfet Roland Ewane : Un cri d'alarme de Maurice Kamto
Dans une déclaration poignante datée du 19 novembre 2024, le président national du Mouvement pour la Renaissance du Cameroun (MRC), Maurice Kamto, dénonce l'enlèvement du sous-préfet d'Idabato, Roland Ewane, survenu dans la nuit du 1er au 2 octobre 2024. Face au silence assourdissant des autorités camerounaises et aux rumeurs persistantes sur le sort de ce fonctionnaire, Kamto interpelle le président de la République et le gouvernement sur leur apparente indifférence face à cette tragédie humaine.
DECLARATION SUR LE TRISTE SORT DU SOUS PREFET D'IDABATO, M. EWANE ROLAND : CEUX QUI NOUS DIRIGENT ONT-ILS UN CŒUR ?
Dans la nuit du 1er au 2 octobre 2024, vers 2 heures, le Sous-préfet de l'arrondissement d'IDABATO, M. Roland EWANE, a été enlevé par des assaillants armés et amené vers une destination inconnue.
Par respect pour la douleur de sa famille, et dans l'espoir que les représentants de l'État feraient le nécessaire pour le localiser, entrer en contact avec ses ravisseurs pour négocier sa libération à défaut de pouvoir procéder autrement, et prennent attache avec sa famille pour accompagner celle-ci et la rassurer dans cette épreuve, je me suis abstenu de toute prise de parole à ce sujet.
Plus d'un mois et demi après, et face à des informations en circulation, je suis obligé de rompre le silence que je m'étais imposé dans cette affaire très délicate.
Ceux qui nous dirigent ont-ils un cœur ?
Un représentant du Président de la République, le Sous-préfet EWANE, a été enlevé de son territoire de commandement, dans l'exercice de ses fonctions, et près de deux mois après, le Président de la République reste étrangement silencieux, comme s'il n'était en rien concerné par le sort de son représentant pourtant enlevé dans l'exercice de ses fonctions. Faut-il rappeler que le Sous-préfet Roland EWANE exerçait dans une zone en guerre où le simple fait pour un fonctionnaire de prendre service est en soi un acte de bravoure et de don de soi à la République ? Depuis son retour au Cameroun, le Président de la République a bien pu recevoir l'Ambassadeur du Gabon en fin de séjour, et ces jours-ci, un envoyé du Vatican, mais n'a pas trouvé une minute pour envoyer un mot à la famille du Sous-préfet enlevé, ni recevoir son épouse en détresse.
Il gouverne donc qui et est Président de qui ou pour qui, si ce n'est pour les Camerounais, des êtres humains, dont font partie les membres de la famille du Sous-préfet Roland EWANE aujourd'hui plongée dans une détresse indescriptible ? Quel message le Président de la République envoie-t-il aux fonctionnaires et autres serviteurs de l'État qui, eux aussi, pourraient se retrouver dans la situation du Sous-préfet Roland EWANE ? On ne gouverne ni par l'émotion, ni par l'indifférence à l'égard de ceux qui sont placés sous votre autorité, qui ont placé leur confiance dans l'institution que vous incarnez et qui croient pouvoir trouver sous votre autorité la protection nécessaire. Un bon gouvernement des humains repose sur une combinaison de la raison et de la compassion. Dans quel autre pays au monde un représentant de l'État, et de surcroît du Président de la République, peut-il être enlevé et torturé par ses ravisseurs sans que cela n'émeuve le Chef de l'État ? Sans qu'il ne mobilise ses compatriotes dans un élan de compassion nationale et de solidarité envers la famille de la victime ?
Que dire de la sortie hallucinante du Gouverneur de la Région du Sud-Ouest au lendemain de cet enlèvement, lui qui, de façon désinvolte, devant les caméras, menaçait les ravisseurs et les populations d'un pays frère de représailles si après 72 heures le Sous-préfet Roland EWANE n'était pas libéré ?
Il s'agit là d'un amateurisme affligeant de la part des gens supposés assumer de hautes responsabilités.
Dans des informations en circulation, on découvre que le pire était à venir après la maladresse de l'autorité administrative. L'épouse du Sous-préfet informe que faute pour la famille du ce dernier d'avoir jusqu'ici été associée aux actions éventuellement menées pour sa libération, malgré les images insoutenables de tortures du malheureux Sous-préfet, elle a pris l'initiative d'aller rencontrer le Gouverneur du Sud-Ouest ; et que tout ce que la hiérarchie de son époux a trouvé à lui dire, c'est de rester calme et de prier.
Puis, que cherchant meilleure écoute et surtout empathie ailleurs, elle a fait le déplacement de Yaoundé dans l'espoir de rencontrer Monsieur le Premier Ministre, Chef du Gouvernement. Mais que, malheureusement, le Premier Ministre, très occupé, n'a pas trouvé le moindre instant à lui consacrer. Elle s'est contentée de l'audience que lui a accordée un fonctionnaire, au nom du Premier Ministre, et qui, comme le Gouverneur du Sud-Ouest rencontré avant, lui a également demandé de rester calme et de prier beaucoup.
Cette attitude du Premier Ministre est aussi inhumaine que le silence méprisant du Président de la République, devant la tragédie qui a frappé le Sous-préfet Roland EWANE et la détresse dans laquelle elle plonge sa famille, dans une zone où ni le Président de République, ni le Premier Ministre, malgré le niveau très élevé de sécurité dont ils bénéficient respectivement, n'ont jamais osé effectuer une visite depuis le début de la guerre civile que le Gouvernement laisse perdurer inutilement.
La conclusion de tout ceci est que l'État est désormais réduit à la seule fonction répressive de ceux qu'on nomme avec mépris "les opposants".
Aux dernières nouvelles, des rumeurs persistantes font état de l'assassinat de ce serviteur de l'État. Si cette nouvelle affligeante venait à se confirmer, ce que personne ne peut souhaiter, ce serait une faute lourde pour le Président de la République, pour le Premier Ministre, le Ministre de l'Administration Territoriale, aphone sur le sujet, et pour le Gouverneur de la Région du Sud-Ouest.
Je souhaite vivement que cette rumeur soit fausse.
En mon nom personnel et au nom des militantes et militants du MRC, je souhaite envoyer à l'épouse du Sous-préfet Roland EWANE, à ses enfants et à leur famille mes sentiments de solidarité, de soutien et de compassion dans cette épreuve inhumaine.
Je voudrais le redire : on ne cherche pas à diriger les gens si on ne les aime pas.
Yaoundé, le 19 novembre 2024
Maurice KAMTO Président National du MRC