Interpellé sur la gestion de ces fonds publics, le ministre des Finances a tout déballé à l'Assemblée nationale, le 19 novembre dernier.
En essayant de voir clair dans la gestion des chapitres 64 et 94 du budget, les députés (de l'opposition en particulier) ne s'attendaient certainement pas à ce que le ministre des Finances (Minfi) les expose sur la place publique le 19 novembre dernier, à l'Assemblée nationale. L'élu du Social Democratic Front (SDF), Jean Michel Nintcheu, est le premier à engager les hostilités face au Minfi, Louis Paul Motaze. « Pourquoi n'y a-t-il aucun appel d'offre sur la ligne 94? Quels sont les critères objectifs qui président au financement par l'Etat de projets présentés ? Quels sont les critères qui déterminent le choix des bénéficiaires ? Quelles sont les modalités de remboursement de ces fonds injectés dans les projets re tenus, puisqu'il s'agit de l'argent public donc, du contribuable? Pouvez-vous décliner à la représentation na-tionale, pour le compte de l'exercice 2021, la liste et la nature des projets qui ont été financés par les fonds issus de la ligne 94, la liste des bénéficiaires de ces lignes, ainsi que les montants mis à l'heure disposition ? » , interroge, l'air serein, le député de l'opposition, qui souligne au passage que « de 2010 à 2021, les dépenses effectuées sur la ligne 94 se chiffrent à 1844,834 milliards Fcfa » . Il a été secondé sur le même sujet par le député Parti camerounais pour la réconciliation nationale (Pcrn), Cabral Libii.
C'est sur un ton un peu narquois que Louis Paul Motaze a répondu aux interpellations à lui adressées, soulignant au passage qu'elles ont une « connotation personnelle » dirigée contre lui. Mais en guise de clarifications, les chapitres 94 et 65 du budget de l'Etat renvoient aux dépenses non-affectées aux administrations particulières. Raison pour laquelle ils sont appelés « chapitres communs, c'est-à-dire qui peuvent servir à tout, y compris ce qui n'a pas été prévu » . L'un pour les investissements (chapitre 94), l'autre pour le fonctionnement (chapitre 65). C'est ainsi par exemple que pour financer la reconstruction d'un pont récemment écroulé à Maroua (région de l'Extrême-Nord), le gouvernement a dû puiser dans le chapitre 94 parce que cela n'était pas prévu dans le budget initial du ministère des Travaux publics. A en croire le Minfi, ces mêmes ressources financent la guerre en cours dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest. Expliqué de cette manière, pas besoin de publicité, car ces ressources sont élaborées aux fins sus indiquées.
Réseaux
S'agissant des critères, « il n'y a aucune magie là-dedans » , dit le Minfi. Mais pour bénéficier de ces fonds, il suffit d'en faire la demande et d'avoir un bon projet comme l'ex député Jean Jacques Ekindi pour la foire qu'il organise à Douala, comme l'a fait l'évêque de Doumé à Abong Mbang pour sa station de captage d'eau au profit des populations ou encore comme l'ancien évêque de Yokadouma aujourd'hui à Bafoussam.
Poursuivant, le ministre prend les députés de l'opposition au dépourvu, trahissant littéralement leur secret. « Lorsque vous à l'Assemblée nationale ou certains des députés à l'Assemblée nationale, et Dieu merci on ne va pas dire que c'est seulement ceux du Rdpc, demandent au gouvernement : J'ai des problêmes de puits d'eau là-bas. Est-ce que vous pouvez m'aider ? Vous croyez que c'est financé par quoi ? Lorsqu'on (le gouvernement, Ndir) estime que le projet est bon et qu'on peut faire quelque chose, on finance. C'est la responsabilité du gouvernement et cette responsabilité nous l'assumons » , a-t-il balancé. Louis Paul Motaze va plus loin encore. « Vous les parlementaires, vous avez créé presque 35 réseaux (parlementaires, Ndlr). Mais ces réseaux ont une particularité. Aucun n'a prévu son propre budget. Mais c'est des réseaux qui sont utiles pour le pays.
Et qu'est-ce qu'on fait très souvent pour que ces réseaux fonctionnent, on vient voir le ministre des Finances (). Et que fait généralement le ministre des Finances, il finance à partir du chapitre 65 » , argumente-t-il en pinçant quelques-uns de ces réseaux, non sans susciter des rires jaunes à l'hémicycle, un peu comme si certains élus se reconnaissaient dans ses dires.