Dans son édition du 5 décembre 2016, le quotidien Le Jour rapporte le point de vue du Pr Claude Abé sur la répression policière dans les Régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest.
Le sociologue fait une analyse de la violence «physique» au Cameroun. Une violence dénoncée par les populations des Régions anglophones qui estiment que les forces de l’ordre ont fait subir un traitement inhumain aux avocats, aux enseignants et aux étudiants en grève.
Répondant à la question de savoir la raison d’être des répressions des manifestations dites «particulièrement violentes» par le journal, le Pr Claude Abé déclare que «deux ou trois clés peuvent être mobilisées ici pour rendre compte de cette facilité du recours à la violence par les forces de l’ordre. La première est liée à la nature de l’ordre politique qui a cours au Cameroun, un ordre politique qui place l’observateur en présence d’un décor libéral qui n’a que très peu à voir avec la réalité fonctionnelle.
Deuxième clé de lecture, la formation de ces forces de l’ordre, qui ne semble pas pencher au respect des droits de l’homme et des libertés publiques à l’occasion des manifestations collectives tant leur quotidien les montre en permanence dans une surexploitation de la violence. Pour les policiers qui ont tendance à vouloir respecter ces droits, cet écart observé est en partie justifié par le fait que l’autorité ferme constamment les yeux sur les dérapages qui sont plutôt jugés normaux.
Troisième clé de lecture enfin, c’est la loi de l’omerta qui est observée par les victimes de cette violence».
Interrogé sur la récurrence des violences et sur leur origine, le sociologue déclare: «la récurrence de ces violences est si permanente que l’on ne peut penser qu’il s’agit des brebis galeuses. C’est plutôt une marque de fabrique de la gestion des protestations collectives au Cameroun. On n’a comme l’impression que c’est l’ardeur à violenter les manifestants qui constitue le critère d‘efficacité et de professionnalisme de la plupart des éléments de notre police nationale. Ils violentent les citoyens au vu et au su de tout le monde y compris leur hiérarchie. L’on suppose donc que s’ils persévèrent dans cette logique, c’est en toute complicité de cette dernière».