Les avocats du Cameroun ne sont contents ni du Ministre de la Justice Laurent Esso, ni des Députés de la Nation. Ils ont dit leur courroux au cours d’une session extraordinaire du Barreau qui réunissait le mardi 28 juin 2016 à Douala le Président, le Vice-Président de l’Assemblée Générale et des membres du Conseil Consultatif des Sages constitué des anciens Bâtonniers.
Ils s’indignent de ce qu’ils appellent «des propos excessifs et désobligeants tenus à la tribune de l’Assemblée Nationale par le Ministre d’État, Ministre de la Justice Garde des Sceaux à l’endroit du Bâtonnier, et partant à l’égard de l’Ordre des Avocats au Barreau du Cameroun». Ils se plaignent des Députés dont ils déplorent «la défaillance».
Ils critiquent «des parlementaires qui ont refusé d’assumer leur mission de représentation et de protection des intérêts du peuple, en adoptant des dispositions pénales qui compromettent le bien-être dudit peuple».
Dans leur déclaration en 6 points au sujet du code du Code pénal adopté la semaine passée par la chambre basse du Parlement camerounais, ils relèvent plusieurs griefs. Premièrement, ils notent que dans sa structure et son contenu, le projet de Code pénal soumis au Parlement est différent, en plusieurs points, de l’avant-projet discuté en décembre 2011; Que le projet de Code pénal en discussion institue une justice discriminatoire, en consacrant entre autres des privilèges aux puissants et riches au détriment des faibles et pauvres, notamment l’incrimination du non-paiement des loyers, le refus d’exécution d’une décision de justice, etc.; qu’il met en péril la cohésion nationale et porte gravement atteinte à l’exigence constitutionnelle du bilinguisme de la République du Cameroun.
Enfin l’ordre des avocats «décide d’adresser au Chef de l’État une requête aux fins d’attirer son attention sur les diverses atteintes que l’adoption définitive et la promulgation du projet de Code pénal pourraient engendrer dans la société».
Voici dans son intégralité le communiqué de presse qui a sanctionné la réunion de Douala
COMMUNIQUE DE PRESSE
Sur convocation de Monsieur le Bâtonnier,
LE CONSEIL DE L’ORDRE DES AVOCATS AU BARREAU DU CAMEROUN,
Réuni en session extraordinaire à Douala, le 28 juin 2016,
Avec la participation du Président, du Vice-Président de l’Assemblée Générale et des membres du Conseil Consultatif des Sages constitué des anciens Bâtonniers,
S’INDIGNE des propos excessifs et désobligeants tenus à la tribune de l’Assemblée Nationale par le Ministre d’État, Ministre de la Justice Garde des Sceaux à l’endroit du Bâtonnier, et partant à l’égard de l’Ordre des Avocats au Barreau du Cameroun;
Et PORTE à la connaissance de l’opinion nationale et internationale ce qui suit:
À l’instar de l’avant-projet de Code pénal discuté en décembre 2011, le projet de Code pénal en examen au parlement a été élaboré sans diagnostic préalable des insuffisances du texte en vigueur depuis 50 ans et en violation de plusieurs conventions internationales ratifiées par le Cameroun;
Dans sa structure et son contenu, le projet de Code pénal soumis au Parlement est différent, en plusieurs points, de l’avant-projet discuté en décembre 2011;
Le projet de Code pénal en discussion institue une justice discriminatoire, en consacrant entre autres des privilèges aux puissants et riches au détriment des faibles et pauvres, notamment l’incrimination du non-paiement des loyers, le refus d’exécution d’une décision de justice, etc.;
Ce projet de Code pénal met en péril la cohésion nationale et porte gravement atteinte à l’exigence constitutionnelle du bilinguisme de la République du Cameroun, en ce que, dans certaines de ses dispositions, il met en relief des disparités de sens entre les versions anglaise et française, toute chose qui serait de nature à compromettre l’interprétation et l’application uniformes et harmonieuses de la loi pénale sur l’ensemble du territoire;
Ce projet de Code pénal contrarie les grandes orientations de la politique pénale définies par le Président de la République dans la lutte contre la corruption, en omettant d’inclure des infractions comme l’enrichissement illicite, la non-déclaration des biens (article 66 de la constitution), initialement retenues dans le projet discuté en décembre 2011;
En conséquence de ce qui précède:
a) Déplore la défaillance des parlementaires qui ont refusé d’assumer leur mission de représentation et de protection des intérêts du peuple, en adoptant des dispositions pénales qui compromettent le bien-être dudit peuple;
b) Loue la retenue, le sens de responsabilité et le patriotisme dont ont fait montre les avocats jusqu’ici;
c) Décide d’adresser au Chef de l’État une requête aux fins d’attirer son attention sur les diverses atteintes que l’adoption définitive et la promulgation du projet de Code pénal pourraient engendrer dans la société;
d) Invite les avocats de s’abstenir de s’exprimer sur ce sujet dans les médias sans autorisation préalable du Bâtonnier;
e) Indique qu’une assemblée générale extraordinaire des avocats sera convoquée sans délai, à l’effet d’évaluer la situation et d’en tirer telles conséquences qu’il appartiendra.
Fait à Douala, le 28 juin 2016
Le Bâtonnier de l'Ordre
Jackson F. NGNIE KAMGA