La veuve de l’ancien ministre accuse le promoteur d’une entreprise de lui avoir extorqué des fonds en lui miroitant la construction d’un forage dans sa résidence à Bangangté. Le mis en cause oppose que c’est de son fait que le projet a foiré.
L’escroc est décrit dans le Code pénal camerounais en son article 318 comme étant «celui qui porte atteinte à la fortune d’autrui en déterminant la victime soit par des manœuvres, soit en affirmant ou dissimulant un fait». Pour Esther Tchouta Moussa, magistrat à la retraite, ce portrait sied parfaitement à Jean Pierre Bouwe Nganjui, patron de l’entreprise Forax, spécialisée dans l’hydraulique. La dame et le monsieur sont à couteaux depuis huit ans.
En effet, la dame connue comme étant l’épouse de feu Tchouta Moussa, un ancien ministre, impute à l’entrepreneur les faits qu’elle qualifie d’escroquerie à propos de la construction (foireuse) d’un forage dans sa résidence de Mandja, un quartier huppé de Bangangté, dans le département du Nde. Des récriminations que le mis en cause rejette en bloc.
Mme Tchouta est menée au score en tout cas elle a perdu le premier round du procès devant le Tribunal de première instance (TPI) de Yaoundé centre administratif. Traîné devant la juridiction au moyen d’une citation directe, M. Bouwe Nganjui, lui avait damé le pion. Le tribunal l’a déclaré non coupable le 11 juillet 2020, en arguant d’une «absence d’infraction». Il motivait son jugement en estimant que le litige parce que résultant «de la mauvaise exécution d’un contrat comme c’est le cas en l’espèce», précisait le tribunal, a «le caractère civile» par conséquent, «n’atteste pas du caractère délictuel des faits de la cause». Autrement dit, le juge pénal qu’il est n’a pas compétence pour examiner les litiges entourant la bonne ou mauvaise exécution d’un contrat. Un raisonnement qui n’est pas du goût de la plaignante qui a relevé appel du jugement.
François-Xavier Ngoubeyou
Cette affaire a rebondi devant la Cour d’appel du Centre le 11 juillet dernier. La veuve Tchouta Moussa estime que le «premier juge» n’a pas fait une saine interprétation des dispositions de l’article déjà cité en blanchissant son adversaire.
Pendant son témoignage, la plaignante a raconté qu’elle s’est engagée à doter sa résidence de Mandja d’un forage moderne. C’est ainsi que son «beau-frère», le sénateur François-Xavier Ngoubeyou, lui-aussi ancien ministre, l’a mise en contact avec le patron de Forax. Avant le démarrage des travaux, son adversaire a préconisé des études hydrogéologiques et géophysiques sur le site, facturées à hauteur de 330 mille francs. Un montant qu’elle a réglé. Le coût global des travaux était fixé à 4 millions de francs (forassions, installation de la pompe et du réseau de conduite d’eau dans la résidence). Une note qu’elle a payée catch en tirant un chèque au profit de Forax.
Alors que les travaux n’étaient pas livrés, l’accusé a exigé le paiement d’un montant supplémentaire d’un peu plus de 1 millions de francs. Montant qu’elle a également réglé en accordant un délai d’un mois pour la livraison des travaux «à compter du 25 mars 2014».
Mme Tchouta Moussa déclare que son adversaire ne s’est jamais conformé aux clauses du contrat. Elle en veut pour preuve, entre autres, une correspondance datée 19 juin 2014, que le mis en cause lui a fait parvenir, et dans laquelle il «s’excusait des désagréments liés au retard accusé pour la réalisation des travaux de foirassions». Entretemps, l’accusé avait conclu un marché avec son voisin pour alimenter sa résidence en eau potable à partir de son «cubiténaire», la grosse cuve en plastique qui sert à distribuer de l’eau.
Désabusée par le long retard pris par les travaux, la plaignante affirme qu’elle a souvent sommé son adversaire de se conformer à son cahier des charges. En vain. Finalement, ce n’est qu’en février 2015 que l’eau du forage querellé a coulé dans sa résidence. Malheureusement, la joie n’a été que de courte durée puisqu’une semaine après, les robinets tournaient de nouveaux à sec. Informé de la situation, l’accusé a promis d’envoyer une équipe sur le terrain résoudre le problème, sans jamais tenir parole. Ce qui, aux yeux de la magistrate, traduit la mauvaise foi.
Panne électrique
Pour sa défense, M. Bouwe Nganjui soutient avoir réalisé les travaux critiqués selon les règles de l’art. Il en veut pour preuve le fait que le paiement du contrat relatif aux travaux d’extension du réseau d’alimentation d’eau chez le voisin des Tchouta Moussa était conditionné par la coulée de l’eau.
En revanche, si l’eau a arrêté de couler dans la résidence de sa cliente, suppute l’accusé, cela peut être dû à la défectuosité des appareils électriques installés chez la plaignante, soit à des pannes de ceux-ci ou même à des aléas du climat que personne ne saurait prévenir ou maîtriser. Pour manifester sa bonne foi, lorsque Mme Tchouta Moussa s’est plainte du manque d’eau, il a dépêché une équipe de techniciens sur le terrain à deux reprises. Autant de fois, les techniciens se sont heurtés à l’opposition des vigiles à qui la plaignante a instruit de ne pas ouvrir le portail. Ses conseils ont versé aux débats des prises de vue montrant l’eau en train de couler dans la résidence des Tchouta Moussa. Néanmoins, le ministère public a requis la condamnation de l’accusé, ses avocats ont plaidé la confirmation du jugement attaqué. La cour donnera son verdict le 8 août prochain.