Malgré le cessez-le-feu, les combats font rage dans la région du Darfour occidental, au Soudan, les milices arabes s'en prenant aux entrepôts, aux marchés et aux habitations.
Un policier de haut rang a été tué et un travailleur humanitaire soudanais a déclaré à la BBC qu'il se cachait sous son lit à cause de la violence.
"Je ne peux même pas aller aux toilettes", a déclaré Abdallalateif Eltayeb au téléphone depuis la ville d'El Geneina.
Selon lui, le conflit a attisé des tensions ethniques déjà très vives.
Le Darfour est en proie depuis des années à des violences entre les communautés africaines et arabes.
Lorsque les non-Arabes ont pris les armes contre le gouvernement en 2003, se plaignant de discrimination, le gouvernement a riposté en mobilisant des milices essentiellement arabes, qui ont été accusées d'atrocités à grande échelle. Aujourd'hui encore, de nombreux groupes africains darfouris vivent dans des camps pour leur propre sécurité.
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"Les affrontements ont commencé il y a quatre jours", explique M. Eltayeb, un consultant humanitaire de 26 ans, originaire de Khartoum, la capitale du Soudan. "Les milices attaquent les marchés, les entrepôts, les bureaux, les organisations, les hôpitaux et, maintenant, les maisons. J'attends mon tour."
"Il y a beaucoup de tirs dans la cour avant, près de l'endroit où se trouvent les toilettes. Chaque fois que je veux aller aux toilettes, je dois attendre cinq à dix minutes pour voir s'il y a des tirs ou pas."
De violents combats ont été signalés dans l'ouest du Darfour, tout au long de la semaine. Mercredi, le directeur adjoint de la police de l'État du Darfour occidental, le général de brigade Abdel-Baqi Al-Hassan Mohamed, aurait été tué par balle.
Cette fusillade a eu lieu un jour après que des civils ont pris d'assaut le poste de police de l'État du Darfour occidental et se sont emparés d'armes.
"Les milices arabes ont attaqué les personnes déplacées à l'intérieur du pays, explique M. Eltayeb. Elles ont brûlé tous les camps de personnes déplacées."
"Les personnes déplacées se sont ensuite rendues au QG de la police et sont maintenant armées. Ils ont essayé de se défendre, mardi, mais ils n'ont pas pu. Il y a eu beaucoup de morts."
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"J'ai vu des camionnettes remplies de morts et des milices arabes armées, qui nous regardaient avec des yeux furieux. Après cela, je suis rentré chez moi et j'ai utilisé ma banque d'énergie, mais la batterie est presque épuisée. Il se peut que je n'aie plus de batterie d'ici à la fin de la journée."
Il veut à tout prix sortir.
"Mes collègues et moi avons parlé d'essayer de nous échapper, mais il n'y a aucune chance, aucune chance d'y arriver."
War Child, l'organisation caritative pour laquelle il travaille, affirme qu'elle collabore avec les Nations unies pour relocaliser son personnel soudanais qui n'est pas originaire de la région, mais qui est confronté à d'énormes difficultés.
"Nous faisons tout ce que nous pouvons pour soutenir notre personnel, mais en ce moment, à El Geneina, la violence s'est intensifiée à un point tel que, même pour l'ONU, essayer de procéder à une quelconque réinstallation sera incroyablement difficile", a déclaré Dara Mcleod, directrice exécutive de War Child Canada, à la BBC.
L'envoyé spécial des Nations unies au Soudan, Volker Perthes, a reconnu que des groupes au Darfour "exploitent la situation…"
"Cette situation est aggravée par le fait que les acteurs censés assurer la sécurité de la population du pays, au Darfour et dans d'autres régions, sont eux-mêmes activement impliqués dans les combats", a-t-il déclaré à la BBC.
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Elles se sont déchaînées, tuant des centaines de milliers de personnes, brûlant et pillant des villages. Ce génocide a été décrit comme le premier du XXIe siècle.
Les RSF sont constituées d'anciens membres des Janjawids et on craint qu'elles ne ravivent les vieilles tensions dans la région, à leur propre profit.
La nouvelle selon laquelle des partisans d'el-Bechir impliqués dans les atrocités commises par les Janjawids se sont échappés de la prison de Khartoum pourrait potentiellement compliquer la situation déjà volatile dans la région.
"Ils pillent, volent, détruisent les biens des gens et tuent"
Parmi eux figure Ahmed Haroun, un ancien ministre de l'intérieur recherché par la Cour pénale internationale (CPI) pour des crimes de guerre commis au Darfour.Le Darfour occidental n'est pas la seule région touchée. Le journaliste et militant des droits de l'homme Ahmed Gouja a déclaré que les miliciens terrorisaient les civils dans la ville de Nyala, au Darfour-Sud.
"Ils pillent, volent, détruisent les biens des gens et tuent", a-t-il déclaré à l'émission "Newsday" de la BBC.
M. Eltayeb souhaite simplement que les combats cessent pour qu'il puisse partir.
"Je veux voir ma famille à Khartoum. Sinon, j'irai à Port-Soudan : j'ai de la famille là-bas. Ou bien la frontière tchadienne est très proche de nous, alors j'irai au Tchad et j'attendrai que la situation se calme, puis j'irai à Khartoum pour voir ma famille."
Mais comme le cessez-le-feu n'étant pas observé au Darfour, on ne sait pas quand il pourra revoir ses proches.