Actualités of Thursday, 7 April 2022

Source: www.camerounweb.com

Comice d'Ebolowa : voici comment Paul Biya a trompé les agriculteurs

Paul Biya au Comice d'Ebolowa Paul Biya au Comice d'Ebolowa

11 ans après, les nombreux projets énumérés par le chef de l'Etat au Comice agropastoral d’Ebolowa pour doper le secteur, les fruits peinent à tenir la promesse des fleurs

"Le moment est donc venu de mettre en pratique de manière résolue la grande politique agricole que j’ai souvent publiquement appelée de mes vœux. J’engage les dépar-tements ministériels concernés dans cette voie, toutes affaires cessantes et je veux des résultats substantiels. Je leur demande de tout mettre en œuvre pour assurer notre sécurité alimentaire, pour créer des emplois en milieu rural, pour réduire nos importations et développer nos exportations de produits agricoles afin que notre agriculture au sens large joue son rôle de moteur de l’économie nationale."
Le 17 janvier 2011, le ton du président de la République se veut fermer. Pour illustrer sa détermination à impulser une dynamique nouvelle dans le domaine, Paul Biya annonce «la mise en place d’une unité de production d’engrais, la mise en activité de l’usine de montage de machines agricoles dont la construction est en cours ici à Ebolowa, la réhabilitation des fermes semencières, la préparation d’une réforme foncière visant à répondre aux exigences de l’agriculture de seconde génération, la construction de marchés et de centrales d’achat de produits agropastoraux et halieutiques, la réforme de la formation et de l’enseignement agricoles, le renforcement du dispositif de financement des activités rurales par l’ouverture de la Banque agricole.»

Espoirs douchés

Des promesses qui ont suscité un enthousiasme certain au sein des agriculteurs qui y ont vu le début de la fin de leur calvaire ; eux qui souffrent, entre autres, de l’insuffisance des intrants, de l'enclavement des bassins de production, de la faiblesse de l'offre énergétique susceptible de favoriser la conservation et la transformation de leurs récoltes, etc. Hélas, les espoirs nés de ces annonces ont fini par être douchés. Car, si quelques projets ont été mis en place au forceps, l'essentiel reste encore attendu une décennie plus tard. Dans une interview accordée au quotidien Mutations en 2018, l'activiste et défenseur des intérêts des agriculteurs, le regretté Bernard Njonga répondant à une question sur la suite donnée aux annonces du Comice d'Ebolowa, disait ne pas comprendre pourquoi certaines initiatives prises par le chef de l’Etat, n’était toujours pas effectives.
« Vous parlez des sept promesses faites aux producteurs à Ebolowa. Je vous les rappelle en vous laissant en juger si vous y avez cru: la mise en place d’une unité de production d’engrais (qui n’existe toujours pas), la mise en activité de l’usine de montage de machines agricoles dont la construction est en cours ici à Ebolowa (usine achevée, mais toujours non opérationnelle), la réhabilitation des fermes semencières (on manque toujours de semences et de toutes espèces), la préparation d’une réforme foncière visant à répondre aux exigences de l’agriculture de seconde génération (encore en attente), la construction de marchés et de centrales d’achat de produits agropastoraux et halieutiques (toujours en attente), la réforme de la formation et de l’enseignement agricoles (non effective), le renforcement du dispositif de financement des activités rurales par l’ouverture de la Banque agricole (n’existe toujours pas).»
Des récriminations que le gouvernement ne réfute d’ailleurs pas. Il reconnaît que «la mise en œuvre des politiques publiques dans ce secteur a fait face à des difficultés d’ordre stratégique, notamment le fait d’avoir retenu des solutions communes aux différents types d’acteurs en charge de la production du secteur (exploitations familiales agricoles, les moyennes et les grandes exploitations) et d’avoir multiplié les programmes et projets dédiés au secteur en l’absence d’un ciblage adéquat et d’une coordination insuffisante par les services compétents.» De ce fait, plus le temps passe, moins l’on se rapproche de l’objectif affiché de parvenir à l’autosuffisance alimentaire. Une cinglante contradiction pour un pays qui a toujours voulu reposer son économie sur l’agriculture.