Les tremblements de terre qui ont touché dix villes en Turquie et une partie de la Syrie ont laissé derrière leur sillage plus de 35 000 morts, 80 000 blessés et des dégâts considérables. Parmi les personnes touchées par cette tragédie, se trouvaient des étudiants africains, dont Cheick Omar Fofana, président de l'association des étudiants burkinabè en Turquie. Il raconte à la BBC comment il a vécu cet événement.
C’est en pleine nuit, un peu avant l’aube de ce 6 février que Cheick Omar s’est arraché de son lit, réveillé par les cris de ses voisins : « Les étudiants qui se sont réveillés avant nous, qui ont senti le tremblement de terre, ont commencé à crier pour la plupart. Donc, leurs cris plus quelques secousses nous ont réveillés nous aussi. »
Cheick Omar Fofana est originaire de la ville de Bobo-Dioulasso, dans le sud-ouest du Burkina Faso. Après l'obtention de son baccalauréat avec mention bien, il postule à une bourse du gouvernement turc et est retenu pour continuer ses études à la faculté de génie civil à l'université d'Alanya.
Il arrive en Turquie en décembre 2019. Deux ans plus tard, il est porté à la tête de l'association des étudiants burkinabè forte de quelque 300 membres.
Dans cet immeuble de la cité universitaire qui abrite des étudiants burkinabè, turcs, mais aussi d’autres nationalités, des cris fusent de partout.
C’est la panique. Les voix se mêlent aux bruits de verre qui se cassent sur le sol. Certains cherchent la porte pour s’enfuir du bâtiment. D’autres, sous le choc, psalmodient des prières. Cheick Omar, lui, est en position accroupie sous un meuble lourd, ses bras couvrant sa tête.
Il retient son souffle pour ce qui lui semble être une éternité. Et pourtant, tout cela n’a duré qu’une vingtaine de secondes.
À l’arrêt des secousses, les étudiants retrouvent leurs lits. Il faut dire qu’ils ont l’habitude. « En principe, nous vivons les tremblements de terre en Turquie. Vous savez que c'est un pays qui est situé sur les failles. Donc les tremblements de terre, ça ne manque pas ; de magnitude 4…5, c'est fréquent. Il n'y a pas de problème à ce niveau », explique Cheick Fofana.
Un réveil brutal
« Aux environs de sept heures trente, quand nous avons vérifié les informations, nous avons vu que la situation était très grave parce que la magnitude était très élevée » raconte-t-il.Il affirme avoir alors contacté les représentants des étudiants burkinabés dans les zones touchées : « J'ai été rassuré quant au bien-être de tous les étudiants dans cette zone et nous n'avons pas beaucoup d'étudiants au sud de la Turquie. La plupart des étudiants Burkinabè en réalité, pour ne pas dire plus de la moitié, se trouvent à Istanbul. »
Au fil des heures, les chiffres ont commencé à augmenter. Le nombre de bâtiments écroulés a été publié et il était évident que la situation était dramatique.
Le nombre de morts et de blessés a augmenté de façon exponentielle, atteignant finalement trente-cinq mille morts et quatre-vingts mille blessés.
Du Burkina Faso, les appels des parents et amis se multiplient pour s’enquérir de leur situation.
Au sein de ses compatriotes en Turquie, « les esprits sont inquiets » révèle Cheick Omar. L’expérience traumatisante d’une tragédie de cette ampleur laisse forcément des traces.
« Chacun prend ses précautions, on s’intéresse de près aux prédictions sismiques des scientifiques » dit-il. Mais à sa connaissance, personne n’a encore parlé de quitter le pays.
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À Alanya, comme dans les autres villes, l’ambiance est au deuil mais aussi à la solidarité. À Istambul, les cours à l’université se font en ligne pour permettre aux amphithéâtres de pouvoir accueillir les personnes sinistrées.
Solidaires dans l’épreuve
Face à cette tragédie qualifiée de « catastrophe du siècle » par le président turc Erdogan, Cheick Omar Fofana et les membres de l'association décident aussi de se mobiliser et d’apporter leur concours : « Nous avons lancé également une collecte d’argent et des biens matériels. Donc si vous avez de l'argent à donner, vous donnez. Si vous avez des chaussures, des habits ou autre chose pouvant, dans un premier temps, aider ceux qui ont été touchés par le tremblement de terre, nous les recueillons aussi. Jusqu'à présent, nous n'avons pas fait de don au peuple turc parce que nous aimerions d’abord atteindre un montant consistant. »Cheick Omar lance un appel aux autorités de son pays et du continent africain pour une présence plus marquée auprès du peuple turc dans ces moments difficiles.
Même s’il s’est habitué aux secousses sismiques depuis son arrivée en Turquie, ce qu’il s’est passé restera à jamais gravé dans sa mémoire : « Ce tremblement de terre changera ma vie. C'est ma première fois de vivre deux tremblements de terre dans un intervalle de neuf heures. Enfin, c'est ma première fois de vivre un tremblement de terre avec une superficie aussi large, parce que c'est un tremblement de terre qui a frappé dix villes à la fois. »
Il se dit aussi interpellé par l’effondrement de bâtiments censés résister aux séismes, lui étudiant en génie civil et futur ingénieur : « Vous savez, le tremblement de terre, à lui seul, ne tue pas. C’est plutôt le bâtiment qui tue. Par conséquent, ce sont les bâtiments de mauvaise qualité qui tuent. Donc la responsabilité et les normes doivent primer pour sauver la vie de milliers de personnes qui se trouve entre les mains des ingénieurs que nous sommes actuellement. »