L'opération dénommée ''Sauvons Djibo ensemble'', a permis de mobiliser plus de 400 tonnes de vivres et autres consommables en 5 jours, pour venir en aide aux populations d’une localité meurtrie, et coupée du reste du pays.
Djibo, dans le nord du Burkina Faso, manque de tout : médicaments, carburant et surtout nourriture. La situation est décrite comme catastrophique par les organisations de la société civile qui ont déploré, début octobre, la mort d’au moins 8 enfants.
Depuis plusieurs mois, la ville subit le blocus de groupes armés qui ont coupé tous les accès, plongeant ses 300 000 habitants dans une profonde détresse qui interpelle et qui suscite un élan de solidarité grandissante au sein des populations.
L’opération ''Sauvons Djibo Ensemble'', lancée le 7 octobre dernier, via les réseaux sociaux, sous les hashtag #PontAerienPourdjibo #AgirPourDjibo et #BurkinaFaso, se veut une action citoyenne : « ça veut dire qu’aucune organisation formelle, politique ou apolitique ou encore associative n’est derrière ; c’est juste une initiative spontanée des citoyens burkinabés », affirme Ibrahim Guigma, responsable de la communication de cette opération.
La population burkinabè se mobilise pour Djibo
La détresse des populations de Djibo a suscité un formidable élan de solidarité au sein de la société burkinabè et un mouvement de collecte de provisions est lancé par Alain Traoré, un activiste des réseaux sociaux, appelant les burkinabè de bonne volonté à s’associer à cette activité de collecte afin de sauver Djibo.L’objectif était de collecter 100 tonnes de vivres sur l’ensemble de 10 villes identifiées.
Un objectif très vite dépassé, constate le responsable de la communication de l’opération, Sougrinoma Ibrahim Guigma : « On avait prévu d’étendre la collecte sur juste 3 jours, 72 heures.
Mais 5 jours après, les Burkinabè continuent d’affluer avec des vivres sur nos principaux sites. Nous avons quadruplé l’objectif de départ pour nous retrouver à 400 tonnes ».
La satisfaction des initiateurs de cette opération est aussi liée à l’implication de toutes les catégories sociales qui ont adhéré au projet.
« Ce ne sont pas les Burkinabè d’une catégorie précise qui ont donné… y en a qui sont venus avec juste une boite de sardines, y en a qui sont venus avec des tonnes, y en a qui sont venus avec juste un sac de maïs ou de riz, y en a qui sont venus avec un bidon d’huile. Voila un peu, l’un mis dans l’autre, comment nous sommes arrivés à collecter 400 tonnes », se réjouit Ibrahim Guigma.
Acheminer les vivres collectés vers Djibo : un autre défi à relever
Les bénévoles ayant joué leur partition, la grande question qui se pose est celle de savoir comment faire parvenir les vivres collectés aux populations de Djibo.Les initiateurs de l’opération ''Sauvons Djibo ensemble'', s’en remettent aux autorités.
Ils ont été reçus par le président de la transition et par la hiérarchie militaire, l’occasion pour eux de présenter leur projet et demander que le fruit de la solidarité des Burkinabè ne soit pas stocké en magasin.
« Nous ne pouvons pas dire comment les militaires vont faire pour que ça arrive à destination, mais nous avons reçu des assurances de leur part et nous nous en tenons à cela », assure M. Guigma.
Comment Djibo et sa population ont été pris en otage ?
Djibo fut le point de départ des activités terroristes au Burkina Faso, avec l’arrivée d’Ibrahim Malam Dicko qui s’y est installé pendant plusieurs années, et y a débuté ses activités de prédication.C’est dans cette ville qu’il a recruté ses premiers éléments, et c’est de là qu’il a lancé son mouvement insurrectionnel à partir de 2016.
Les première attaques terroristes ont eu lieu dans cette région, dans les zones de Nassoumbou et de Baraboulé.
A partir de 2019, les populations terrorisées de toutes les localités environnantes commencèrent à affluer vers Djibo.
La ville reçoit de nombreux déplacés internes qui viennent y trouver refuge. Mais Djibo, sous le contrôle des groupes armés, reste coupé de l’ensemble du pays ; ces derniers contrôlant toutes les allées et venues sur au moins 10km autour de la ville.
Les convois de ravitaillement qui rallient Ouagadougou à la localité enclavée de Djibo, sont également, dans le viseur de groupes terroristes qui ont envoyé récemment des signaux pas très rassurants sur leurs intentions dans la régions.
Deux convois ont ainsi été attaqués en l’espace de deux mois, avec des bilans humains très lourds.
Dans la première attaque, au mois d’août dernier, c’est une mine qui a explosé au passage d’un convoi dans lequel un car de civil transportant majoritairement des femmes et des enfants a été la principale cible.
Puis, un mois plus tard, le 26 septembre, à Gaskindé, un convoi humanitaire composé de plus de 200 camions transportant des vivres a été visé par une autre attaque qui a fait 27 mort dans les rangs de l’armée.
Depuis lors, les populations vivent dans le dénuement total, les stocks de vivres étant épuisés puisqu’aucun convoi n’avait pu arriver à destination depuis plus d’un mois.
Mais bien avant, depuis le mois de février, le Cadre de concertation des Organisations de la Société Civile de la Province du Soum, dans un communiqué, affichait déjà des préoccupation sur ''la situation sécuritaire et humanitaire en forte dégradation ces derniers jours dans la ville de Djibo''.
Une zone propice à l’activité pastorale
Située dans la région du Sahel, au Burkina Faso, Djibo n’est pas une zone agricole en tant que telle. Il s’agit plutôt d’une province pastorale qui abritait l’un des plus grand marchés à bétail du pays, et qui accueillait des visiteurs venant de tout le Golfe de Guinée, notamment, du Nigéria, du Ghana ou encore de la Côte d’Ivoire.Une activité florissante qui permettait aux populations de vaquer paisiblement à leurs occupations et de s’autosuffire.
Mais l’installation des groupes armés dans la région a porté un coup de massue à cette activité. Les populations, terrorisées, ont assisté impuissantes, au vol du bétail par les hommes en arme.
Au fil des années, Djibo s’est transformée en une ville sans âme, incapable de subvenir aux besoins de ses habitants.
Depuis lors, la région ne survit plus que grâce à l’assistance alimentaire. Les opérations de ravitaillement sont cruciales et doivent être régulières. La moindre défaillance entraine des pénuries importantes sur les marchés.
Privées des activités pastorales et sans aucune autre ressource pour s’approvisionner, les populations de Djibo s’en remettent aux ravitaillements effectués par l’Etat qui organise périodiquement, des escortes depuis Ouagadougou.
Les leçons de l’opération ''Sauvons Djibo ensemble''
Le mouvement citoyen né de la détresse des populations de Djibo a mis en évidence cette capacités des Burkinabè à se mettre ensemble pour défendre des causes qui appellent à la mobilisation de tous.Mais la solidarité est allée au-delà du Burkina Faso, explique Ibrahim Guigma : « L’appel a été lancé sur les réseaux sociaux, et les contributions, nous les avons reçues des Burkinabè de l’intérieur, des Burkinabè de l’extérieur, mais aussi des amis du Burkina Faso ».
Forts de cette expérience, les initiateurs pourraient initier une autre opération, très prochainement, si la situation l’exige.
« C’est l’actualité nationale qui avait commandé cette initiative. Nous sommes en train de regarder, si d’aventure -nous ne le souhaitons pas- la situation ne s’améliorait pas, nous pourrions encore initier une autre opération d’ici le mois de décembre, conclut Ibrahim Guigma.