L' offensive menée par le Hamas samedi et les représailles de l'Etat d'Israël relancent le conflit entre les deux bélligérants, et suscitent des réactions diverses en Afrique.
Au moment de l'attaque soudaine et foudroyante du Hamas samedi, des Ivoiriens étaient en Israël pour la fête des Tabernacles qui a lieu chaque année.
Ces pèlerins ivoiriens ont vécu des « situations inédites » selon Lacinan Ouattara de la télévision publique ivoirienne, lors d’un entretien avec BBC Afrique.
D'après le journaliste, l'assaut du Hamas dans des territoires du sud d'Israël a trouvé ses compatriotes dans des zones palestiniennes.
« On entend un peu de loin un conflit qui pour nous est lointain mais qui est proche de nous aujourd'hui parce qu'on se retrouve sur la terre d'Israël, en terre sainte en pèlerinage. Donc la situation se présente comme effrayante, inédite, qu’on n’a jamais vécue », confie le journaliste.
Israël, les Palestiniens et l’Afrique, une histoire diplomatique complexe
La présence des pèlerins ivoiriens en Israël au moment de l'incursion du Hamas témoigne des liens qui unissent cette partie du monde à l'Afrique, par le biais de la religion essentiellement, grâce aux lieux saints propres aux trois religions abrahamiques qui s'y trouvent.Mais ces liens ont aussi subi les soubresauts de l'histoire politique tumultueuse de cette partie du monde depuis la création de l'Etat d'Israël par les Nations unies en 1947.
Dans les années 1960, tout allait bien dans les relations entre Israël et l'Afrique. L'État hébreu avait conquis la sympathie des pays africains, fraîchement indépendants.
Mais à partir de 1973, tous les pays africains avaient rompu leurs relations diplomatiques avec Israël, à l'exception du Malawi, du Botswana, du Swaziland, du Lesotho et de l’Afrique du Sud.
Cette rupture était motivée par la solidarité des pays africains avec l’Egypte dont une partie du territoire, le Sinaï, était occupée par l’armée israélienne à la suite de la guerre de Kippour.
« Israël n'avait plus aucune relation diplomatique parce qu'au niveau de l'ONU, on avait qualifié Israël d'État raciste qui pratique l'apartheid autant que l'Afrique du Sud », explique le professeur Babacar Samb, ancien ambassadeur du Sénégal en Egypte.
Il a fallu attendre 1993, avec la signature des accords d’Oslo pour que les relations entre Israël et le continent Africain se décrispent petit à petit.
Pour le professeur Samb, « Israël a fait beaucoup de campagne dans les pays africains pour vendre son expertise en agriculture mais aussi sur les questions sécuritaires ».
Actuellement, Israël dispose de relations diplomatiques avec plus de quarante pays africains.
En ce qui concerne les Palestiniens, leurs relations avec l’Afrique « sont plutôt des relations de solidarité », a indiqué le professeur Samb, par ailleurs ancien chef du Département d'arabe de l'Université Cheikh Anta Diop de Dakar.
Pour l'universitaire, « les pays africains à majorité musulmane sont souvent des soutiens indéfectibles de la cause palestinienne ». Même s'il est clair que « la Palestine n'a pas de représentations diplomatiques dans tous ces pays, à part quelques exceptions comme le Sénégal qui était le premier pays à accueillir, dès 1975, une représentation diplomatique de la Palestine ».
En 1977, Léopold Sédar Senghor devient le premier président subsaharien à recevoir Yasser Arafat, en sa qualité de chef révolutionnaire de l'Organisation de Libération de la Palestine.
Pour la petite histoire, le président de l'autorité palestinienne Yasser Arafat, était détenteur d'un passeport diplomatique sénégalais délivré par Léopold Sédar Senghor.
L'Organisation de Libération de la Palestine (OLP) fondée en 1964 par le Conseil national palestinien est déterminante dans les relations entre le continent africain et la Palestine.
En 1982, l’OLP s’était installée à Tunis après avoir dû quitter le Liban en raison de l’attaque israélienne sur Beyrouth.
S'appuyant sur ces faits historiques, le professeur Babacar Samb considère que « réellement, la Palestine jouit d’une grande estime au niveau des pays africains ».
Cependant, la diplomatie israélienne a gagné du terrain ces dernières années sur le continent, en témoigne la normalisation des relations entre le Maroc et Israël en décembre 2020.
Cette année, le royaume chérifien a pu enregistrer le soutien d'Israel dans le conflit qui l'oppose depuis près de cinquante ans aux indépendantistes du Front Polisario, qui bénéficient du soutien de l'Algérie.
Comment les pays africains ont-ils réagi à l'attaque du Hamas sur Israël ?
Des réactions diverses ont été notées sur le continent.Dans un communiqué publié dès le soir du 7 octobre, quelques heures après le début de l’offensive du Hamas contre Israël, le président de la Commission de l’UA, Moussa Faki Mahamat, a invité les deux parties « à revenir, sans conditions préalables, à la table des négociations pour mettre en œuvre le principe de deux États vivant côte à côte ».
Avant de « rappeler que le déni des droits fondamentaux du peuple palestinien, notamment celui d’un État indépendant et souverain, est la cause principale de la tension israélo-palestinienne permanente » et qu’il revient « à la communauté internationale, et aux grandes puissances mondiales en particulier » à « assumer leurs responsabilités pour imposer la paix et garantir les droits des deux peuples ».
Communiqué du Président de la Commission de l’Union africaine @AUC_MoussaFaki sur La guerre israélo palestinienne en courshttps://t.co/yC3QT5bWGR pic.twitter.com/JfALDmHA4U
— African Union (@_AfricanUnion) October 7, 2023
Par la voix de son ministère des affaires étrangères, le Sénégal se dit « gravement préoccupé par la reprise des hostilités dans le conflit israélo-palestinien».
Dans son communiqué, ce pays qui préside le Comité des Nations unies pour l'Exercice des Droits Inaliénables du Peuple Palestinien « condamne les attaques à l'origine de cette nouvelle spirale», et rappelle « la nécessité de raviver au plus vite les négociations entre les parties ».
Le royaume du Maroc « exprime sa profonde préoccupation après la détérioration de la situation et au déclenchement des actions militaires dans la bande de Gaza et condamne les attaques contre les civils d'où qu'ils soient », dans un communiqué du ministère des Affaires étrangères.
L'Égypte qui a été le premier pays arabe à normaliser ses relations avec Israël en 1979 s'est également exprimé dans cet ordre d'idée. Le Caire a mis en garde contre les « graves conséquences » d'une escalade des tensions entre Israël et les Palestiniens dans un communiqué du ministère des Affaires étrangères publié samedi par l'agence de presse officielle. Il appelle à « faire preuve d'un maximum de retenue et à éviter d'exposer les civils à un danger supplémentaire ».
La Côte d’Ivoire a, a quant à elle, montré son inquiètude pour ses citoyens vivant en Israël. Dans un communiqué, le gouvernement ivoirien s'adresse à ces ressortissants, les « exhortant » à « ne pas s’éloigner des abris de protection ».
Par la voix de son ministre des Affaires étrangères, Robert Dussey, le Togo « condamne fermement l'attaque terroriste du Hamas contre des civils israéliens ». « Nous encourageons Israël et le Hamas à continuer le dialogue pour régler les différends», ajoute-t-il dans une déclaration publiée sur son compte X.
Le président congolais Félix Tshisekedi pour sa part, a condamné « avec fermeté les attaques terroristes » et a exprimé « sa solidarité au peuple israélien ».
Pareillement, le Kenya « maintient fermement que rien ne justifie le terrorisme, qui constitue une menace grave à la paix et la sécurité internationales », a écrit le président William Ruto sur le réseau social X. « Compte tenu du contexte complexe et délicat de la situation sécuritaire en Israël-Palestine, le Kenya appelle également à la désescalade de la violence et exhorte toutes les parties à s'abstenir de toute nouvelle action militaire », a-t-il ajouté.