Actualités of Sunday, 29 October 2017

Source: camer.be

Commune d’Éséka: le maire désavoué par les conseillers municipaux

Les conseillers municipaux réclament une session extraordinaire pour destituer le maire Les conseillers municipaux réclament une session extraordinaire pour destituer le maire

Non contents de rejeter son compte administratif pour l’exercice 2016, les conseillers municipaux réclament toujours, à une grande majorité, une session extraordinaire du Conseil pour retirer leur confiance à Jean René Libog Lilim Bayiha.

Houleuse, sulfureuse et électrique, la session ordinaire du Conseil municipal tenue à la salle des actes de la case communautaire le 19 octobre 2017, a étalé la profondeur des dissensions qui existent entre le chef de l’exécutif municipal, et une grande frange du Conseil municipal. Convoquée au pied levé et sur le tard, à l’effet d’examiner et d‘adopter les comptes administratif du maire et de gestion du receveur municipal, elle s‘est achevée en queue de poisson, dans une pagaille généralisée, les conseillers refusant au passage de signer les procès-verbaux.

Sanction finale du Conseil, le rejet par 16 voix contre 6 du compte administratif du maire et l’ajournement de la convocation d’une autre session sous huitaine. Pourtant, à en croire quelques indiscrétions qui filtraient des coulisses de cette session, c’est à la suite de l’injonction conjointe du Minatd - le ministère de l’Administration territoriale et de la Décentralisation et du Minfi -le ministère des Finances, exigeant de tous les exécutifs communaux de faire valider leurs comptes administratifs et de gestion d’ici au 30 octobre 2017, que le maire Jean René Libog Lilim Bayiha, en froid avec la majorité de ses conseillers municipaux depuis quelques mois, a finalement consenti à convoquer cette session «ordinaire», qui selon les prescriptions légales, aurait pu se tenir au plus tard le 31 mars 2017.

Mais en fait de rattrapage, la session d’examen et d’adoption des comptes de l’exécutif municipal s’est révélée un véritable tribunal, ponctué de réquisitoires acerbes et virulents sur la gestion du maire par les conseillers municipaux. Finalement, passant au crible l’usage fait des 1 506 225 331 FCFA du budget de la commune d’Eséka pour le compte de l’exercice 2016, les conseillers municipaux ont rejeté en bloc les comptes présentés par le maire et le receveur municipal.

Motifs principaux de ce rejet, «l’absence des pièces justificatives des recettes et des dépenses prétendument effectuées, des contradictions absurdes sur l’exécution de certaines dépenses, à l’instar des jetons de présence des conseillers qui auraient été décaissés, alors que les conseillers eux-mêmes n’en ont jamais bénéficié».

Budget grossièrement surévalué

Au cours de la restitution des travaux, la Commission chargée d’examiner les recettes de la mairie pour l’exercice 2016 a exprimé toute sa gêne à pouvoir apprécier les comptes soumis à son examen. En cause, «l’insuffisance de pièces justificatives, le manque de titres de missions, le manque de pièces jointes, l’absence des souches de mandats, et même des mandats». A titre d’illustration, la Commission a relevé «l’absence des souches des tickets de marchés pouvant justifier les allégations présentées par le maire».

Des charges suffisantes pour exiger et obtenir de l’ensemble des conseillers le rejet pur et simple du compte présenté par le maire. La Commission des dépenses, quant à elle, s’est voulue plus pédagogique. Constatant les mêmes manquements à l’appui du compte présenté par le maire, elle a demandé d’adopter les comptes sous réserve de la présentation des pièces justificatives de certaines dépenses, avant de voir sa recommandation rejetée par l’ensemble des conseillers municipaux par 16 voix contre 6, dont celles des 2 adjoints au maire.

Pourtant, comme sa consœur des recettes, la Commission des dépenses a relevé pour s’en offusquer «le manque criard des éléments d’appréciation de certaines dépenses et même des investissements prétendument effectués par le maire». A l’instar des procès-verbaux de réception de certains marchés, des rapports d’exécution des dépenses, y compris «des grosses dépenses telles que les constructions, les aménagements routiers, etc.».

Elle a noté par exemple que sur la base des agrégats globaux, constat a été fait de ce que les crédits consommés s’élèvent à près de 393 millions de FCFA durant la période concernée, contre 406 millions de FCFA environ de crédits annulés, faute d’emploi, largement au-dessus des crédits payés.

Elle a relevé en outre que le budget additionnel de près de 661 millions de FCFA provenant des transferts de compétences, du Pndp - le Programme national de développement participatif, ou des réserves d’impayés, était largement supérieur aux dépenses effectuées durant l’exercice. Des décalages qui montrent que la commune s’était dotée en 2016 d’un budget grossièrement surévalué. Aussi la Commission a-t-elle plaidé pour un budget plus réaliste en 2018, en attendant que le maire produise les pièces justificatives de ses dépenses.

Destitution du maire

Prenant acte de la décision des conseillers municipaux de rejeter en bloc son compte administratif 2016, Jean René Libog Lilim Bayiha n’avait d’autre choix que de renvoyer la session dans le délai de 7 jours prescrit par les textes, dans l’espoir de réunir et de présenter les pièces comptables sollicitées par le Conseil. Seulement au sortir du Conseil du 19 octobre 2017, des inquiétudes planaient déjà sur la tenue de ce conseil dans ce délai, le maire ayant refusé de rassurer les conseillers sur leurs frais de transport et de prise en charge durant cette session.

Assimilant ce rejet à la guerre des crabes, référence aux dissensions en cours dans les différentes factions rivales de l’Upc - l’Union des populations du Cameroun, dont les tentacules s’étendraient, selon lui, jusque dans cette commune entièrement contrôlée par l’Upc, le maire a renvoyé sine die la demande des conseillers municipaux qui exigeaient leurs prise en charge durant cette nouvelle session du Conseil à convoquer, corsant du coup la vive tension qui a prévalu tout au long des travaux de cette session.

Malgré tout le tact du président de séance - le conseiller Segbè, tendant à contenir les débats dans l’ordre du jour, les travaux ont glissé vers des querelles intestines qui rongent les rapports entre la grande majorité des conseillers et le maire. C’est ainsi qu’a été remise au goût du jour la requête des 16 conseillers sur les 22 qui constituent encore le Conseil, après le décès en cours de mandat de 3 qui n’ont pas été remplacés, adressée depuis le 23 juin 2017 au préfet du Nyong et Kelle, et visant à la destitution du maire Libog Bayiha.

Constatant de nombreux dérapages et des dérives managériales dans la gestion du maire, un collège de conseillers municipaux n’a de cesse de réclamer la convocation d’une session extraordinaire du Conseil municipal consacrée exclusivement au retrait de confiance des conseillers à l’égard du maire.

S’appuyant sur des griefs dont certains ont été relevés à l’occasion de cette session de vote des comptes, à l’instar «des pièces justificatives de l’entretien routier, de la gestion du restaurant municipal qui fonctionne depuis le 10 février 2016 sans aucune délibération du Conseil, la passation d’un marché de 412 millions de FCFA portant sur les travaux des collectivités territoriales sans délibération du Conseil, la construction du nouvel hôtel de ville d’Eséka à hauteur de 455 millions de FCFA par une entreprise présumée appartenir au maire lui-même», et bien d’autres. Une constellation de dérives qui pour les conseillers frondeurs, équivaut à des actes de détournement, ou à tout le moins, à des fautes lourdes du maire justifiant suffisamment graves pour lui retirer leur confiance.

Pourtant, depuis le 23 juin 2017, l’autorité administrative n’a toujours pas donné suite à cette requête, et ce malgré le rappel à l’ordre du Minatd, qui en date du 11 août 2017, demandait expressément au préfet du Nyong et Kellé de donner suite à cette revendication pourtant légale et légitime des conseillers.

L’adrénaline a atteint son paroxysme lorsqu’au cours de la session du 19 octobre dernier, Mme le 2ème adjoint au maire présentera à l’assistance un faux extrait du registre des délibérations du Conseil municipal, prétendument signé de tous les conseillers, et contresigné par le préfet, autorisant la maire à «demander un concours financier au Feicom pour la fourniture du matériel et du mobilier de bureau de l’hôtel de ville d’Eséka ».

Un vrai faux document que tous les conseillers ont dénoncé à l’unisson, ne se reconnaissant pas dans cette session ordinaire qui se serait tenue à la case communautaire d’Eséka le 22 décembre 2016. Même si le préfet de céans a botté en touche la régularité de ce document pour lequel il aurait pris entre temps un acte d’annulation selon ses explications, et que les conseillers disent ignorer, cet autre impair est venu ajouter à la confusion dans le jeu trouble de l’autorité administrative dans cette municipalité, où visiblement rien ne semble plus aller dans le sens de l’orthodoxie managériale, en attendant les conclusions des multiples missions de contrôle qui y séjournent actuellement.