La commission Prof. Ghogomu Paul Mingo a rendu son premier tablier sous forme d’un communiqué de presse. Ce communiqué se décline en 11 points. Parce que ces propositions sont sérieuses, nous avons pris le temps de les lire et de montrer leurs limites. Je ne m’intéressai ici bien entendu qu’à l’aspect éducation de ce qu’on appelle aujourd’hui le problème anglophone au Cameroun. Le communiqué dès son entame dit que les négociations n’ont été suivies que par les représentants de l’enseignement privé confessionnel et ceux de l’enseignement supérieur privé laïc. Le lecteur devrait donc déduire que l’enseignement public dans tous ses étages s’est retiré des négociations. Que représente donc l’enseignement public dans les deux provinces anglophones du Cameroun ? Mystère et boule de caoutchouc !
Le comité Ghogomu Paul Mingo, reconnaît le caractère inégalitaire de notre système éducatif, cela n’est guère original car c’est le constat fait par tous les analystes de notre système éducatif. Maintenant nous savons combien divergent les politiques quant aux causes de ce creusement des inégalités et donc aux remèdes et réponses à ce phénomène. L’une des premières faiblesses de ce document réside dans l’inexistence des données statistiques ce qui nous enferme dans une superficialité qui va se poursuivre tout au long du communiqué. La seconde faiblesse est dans l’incapacité de ce comité à mettre en évidence les spécificités du système éducatif camerounais dans ce que le comité nomme « les sous-systèmes éducatifs anglophone et francophone ». Qu’est-ce que le comité ad hoc entend par sous-système » et comment définit-il le « système éducatif » camerounais ? Le comité annonce aussi un recensement des « enseignants du secondaires, en vue de leur redéploiement dans le but de combler le déficit observé dans les établissements du sous-système anglophone. » (2) Autrement dit, le ministère des enseignements secondaires ne sait pas le nombre d’enseignants du secondaire à sa disposition ou qu’il met à la disposition des établissements secondaires ! Cette incapacité par déduction entraîne une autre qui est celle de la non connaissance du nombre d’enfants scolarisés dans les deux régions de 5 à 19 ans pour ce qui est du secondaire.
Par déduction toujours, il serait difficile au comité ad hoc de savoir quel moyen l’Etat et les privés consacrent à l’éducation en moyenne dans cette partie du pays. Peut-on alors en l’absence de ces statistiques évaluer l’espérance de scolarisation à temps plein dans notre pays en général et dans les deux régions en particulier ? Serait-il possible d’avoir donc le nombre d’heures d’enseignement pour les enseignants au primaire, au secondaire et au supérieur ? Par exemple pour ce qui est du primaire l’OCDE et l’UE prescrivent 910 heures annuelles, 634h pour le premier cycle du secondaire et 667 heures pour le second cycle du secondaire.
En (5) le comité ad hoc dit que les « deux sous-systèmes sont condamnés à coexister au Cameroun, chacun dans sa spécificité et son originalité, sans que l’un ne cherche à phagocyter l’autre. » Autrement dit, le comité n’envisage pas une harmonisation des programmes scolaires au Cameroun.
Sur les 11 points conclusifs du document, 5 seulement parlent de l’enseignement, aucun ne parle de l’éducation ! 3 sont des mises en garde contre les fauteurs de trouble et 2 appellent au patriotisme et à la bonne volonté des camerounais. Ce que l’opinion publique appellent depuis des semaines le problème anglophone au Cameroun et qui aurait sa source dans un mouvement de grève des avocats et des enseignants ne serait-il pas tout simplement un problème de définition de notre vivre ensemble dans ses différents segments ? Ainsi en premier pour parler de l’éducation, il nous faut collectivement donner une finalité à l’école. Hors le comité ad hoc n’arrive pas à définir l’école si oui tout au plus il la considère comme une institution qui classe et trie et oublie totalement que l’école dont nous avons besoin aujourd’hui au Cameroun, c’est l’école qui doit aider les élèves à s’émanciper et à innover. Pour que la société du choix ne soit pas une fiction pour les enfants, l’école doit leur permettre de les rendre libres dans le monde de demain, d’acquérir un socle de savoirs, d’apprendre des savoirs, puis de s’émanciper et d’être heureux, et d’avoir peut-être l’idée qui changera notre futur. C’est ceux que les anglo-saxons nomment empowerment. L’émancipation et le bonheur guident les choix que nous faisons aujourd’hui. Le comité gagnerait donc dans un premier temps à adopter cette notion ensuite à construire et à encourager des pratiques émancipatrices. L’émancipation est en premier personnelle voilà pourquoi il ne suffit pas de brandir la notion de patriotisme pour construire une Nation, de bonne volonté pour construire un Etat.
Le Mouvement Camerounais Pour la Social-Démocratie que je préside propose depuis des années une réforme du collège qui va dans le sens de la diversification des pratiques, du socle commun qui assure un substrat minimal permettant ensuite la prise en compte de différences sans créer une école à deux vitesses. Une école du sous-système anglophone et une école du sous-système francophone ! Il faut créer une école camerounaise.
Il manque à cette commission ad hoc le courage et la volonté politique de penser le Cameroun de notre jeunesse et de notre demain. On ne peut prétendre tout réinventer et il faut savoir se situer par rapport à l’existant, par rapport à l’action d’un gouvernement dont on appartient mais là, tout est vide.
J’ai relu les conclusions du congrès de Foumban qui consacra la mort de la République Fédérale du Cameroun et donna naissance à la République Unie du Cameroun. J’ai été frappé notamment par un commentaire du journaliste Philippe Gaillard dit: «Ahmadou Ahidjo est arrivé au congrès de Foumban avec un projet qui avait été préparé par ses conseillers français qui ligotait complètement le Cameroun occidental, Foncha et compagnie étaient complètement perdu parce que eux n’avaient pas de projet, ils n’ont pas su comment réagir. » Je souligne volontiers le fait que le président Foncha et compagnie n’avaient pas de proposition et n’ont pas su comment réagir. C’est l’impression que nous donne le comité ad hoc de Ghogomu Paul Mingo aujourd’hui. Comment expliquer la pauvreté de ce document final même si néanmoins il laisse entendre qu’il continuera à travailler avec toutes les bonnes volontés. On ne peut prétendre tout réinventer et il faut savoir se situer par rapport à l’existant, mais alors comment comprendre qu’un régime en place depuis 1982 soit si pauvre en propositions ? Comment expliquer qu’un gouvernement auquel le professeur Ghogomu Paul Mingo appartient depuis environs 17 ans ne puisse se défendre devant des syndicats ?