Le secrétaire d'État américain Antony Blinken se rend au Kenya, où il discutera du conflit dans l'Éthiopie voisine.
Les citoyens américains et britanniques sont invités à quitter l'Éthiopie "tant que des vols commerciaux sont disponibles", selon les termes d'un ministre britannique.
Ces conseils alarmants, qui font écho à ceux de Kaboul en août, sont émis alors qu'une force rebelle de la région du Tigré, au nord du pays, semble vouloir s'attaquer à la capitale, Addis-Abeba.
Un an après le début de la guerre civile, qui laisse une crise humanitaire dans son sillage, le chœur des préoccupations extérieures se fait de plus en plus entendre.
Les pressions diplomatiques africaine et américaine s'intensifient, car ce qui se passe en Éthiopie a d'énormes répercussions sur le reste de la région et sur le monde entier.
Pourquoi est-ce important ?
Les chiffres à eux seuls sont choquants.Au moins 400 000 personnes sont confrontées à des conditions proches de la famine dans le nord, 80 % des médicaments essentiels ne sont pas disponibles et plus de deux millions de personnes ont été contraintes de quitter leur foyer.
Le gouvernement fédéral est accusé d'empêcher délibérément l'aide d'atteindre le Tigré, ce qu'il nie.
En outre, il existe des preuves d'exécutions illégales, de tortures et de violences sexuelles commises par les deux parties.
Mais il y a aussi des intérêts stratégiques.
L'Éthiopie, qui compte 110 millions d'habitants, soit la deuxième plus grande population du continent, est un allié occidental clé et stable dans une région instable.
On craint que les combats actuels ne déclenchent une violence plus large dans cette nation multiethnique, qui pourrait même conduire à son éclatement. Si des millions de personnes devaient fuir une aggravation du conflit, ses voisins auraient du mal à faire face.
L'Éthiopie, pays enclavé, est limitrophe de six pays, dont deux connaissent déjà des conflits - le Sud-Soudan et la Somalie - et un autre, le Soudan, vient de connaître une prise de pouvoir militaire.
L'Éthiopie compte des troupes dans la mission conjointe de l'Union africaine et des Nations unies qui combattent les militants islamistes en Somalie, et l'on craint qu'elles ne soient retirées si leur retour au pays s'avère nécessaire.Avant de partir pour sa tournée africaine, M. Blinken prévient qu'un conflit ouvert serait "désastreux pour le peuple éthiopien et pour les autres pays de la région".
Des troupes d'Érythrée combattent déjà en Éthiopie et une crise prolongée pourrait attirer d'autres voisins.
Mais des pays plus lointains pourraient être également impliqués.
Le mois dernier, l'agence de presse Reuters souligne que la Turquie accepte de vendre des drones militaires à l'Éthiopie. Cet accord menace les relations de la Turquie avec l'Égypte, qui a sa propre dispute avec l'Éthiopie au sujet d'un barrage massif sur le Nil, ajoute le rapport.
L'Éthiopie achète également des armes chinoises et iraniennes, et des vols décollant des Émirats arabes unis sont utilisés pour les transporter, rapporte le site web de défense Oryx.
Du point de vue des États-Unis, l'Éthiopie est longtemps considérée comme un allié fiable, notamment pendant la "guerre contre le terrorisme".
Elle combat les militants islamistes en Somalie sur la ligne de front de ce conflit et a offert aux États-Unis l'utilisation de son espace aérien pendant la guerre d'Irak. Elle est l'un des rares pays africains à rejoindre la "coalition des volontaires" des États-Unis.
Un gouvernement stable en Éthiopie a été vital pour cette relation. Les États-Unis l'ont soutenu financièrement en lui accordant une aide de 4,2 milliards de dollars (2 billions 406 milliards 320 millions 700 mille FCFA) entre 2016 et 2020.
Mais l'envoyé américain dans la région, Jeffrey Feltman, ne s'est pas privé de critiquer le gouvernement fédéral en affirmant que ses politiques entraînent une famine massive, et le compare au régime syrien de Bachar el-Assad.
La capitale est-elle menacée ?
Après une série d'avancées des combattants du Front populaire de libération du Tigré (TPLF) le long d'une autoroute principale menant du nord à Addis-Abeba, la tension est montée d'un cran.Les États-Unis lancent un appel à l'évacuation de leurs ressortissants et le Premier ministre éthiopien, Abiy Ahmed, annonce l'état d'urgence et demande des recrutements militaires supplémentaires.
Les autorités d'Addis-Abeba appelllent la population à enregistrer les armes.
Un autre groupe rebelle allié au TPLF affirme qu'il se rapproche également de la capitale.
Le caractère multiethnique de la ville aggrave les tensions, certains accusant les autorités de cibler les Tigréens dans une série d'arrestations.
Mais les forces tigréennes se trouvent toujours à plus de 300 km de la ville, aux alentours de la ville de Kombolcha.
"Ce n'est pas les talibans qui marchent à travers l'Afghanistan et prennent ville après ville sans tirer une balle", indique Tibor Nagy, ancien secrétaire d'État adjoint américain pour l'Afrique, à la BBC.
"Là où le TPLF opère actuellement, il y a une énorme résistance... et ce serait une bataille horriblement sanglante pour Addis-Abeba".
Il pense que la prise de la capitale est utilisée comme une menace de la même manière qu'une puissance nucléaire pourrait utiliser la possibilité de lancer ses armes.
Le TPLF affirme que ce qu'il veut vraiment, c'est permettre à l'aide de parvenir au Tigré.
"Nous continuerons à marcher [vers Addis-Abeba]... mais il ne s'agit pas tant d'Addis-Abeba que de notre intention de faire pression sur Abiy pour qu'il lève le blocus", confie Getachew Reda, porte-parole, à BBC Focus on Africa.
Le gouvernement éthiopien désigne le TPLF comme une organisation terroriste et le Premier ministre a promis de se battre.
Y a-t-il des pourparlers de paix ?
La préoccupation actuelle est que le conflit entre dans une nouvelle phase et qu'il sera de plus en plus difficile pour l'une ou l'autre des parties de faire marche arrière.On craint également que les combats ne s'étendent à l'ensemble du pays.
Le TPLF s'est allié à une série de groupes également opposés au gouvernement dans une nouvelle coalition visant à mettre fin au mandat de M. Abiy.
- Le prix Nobel de la paix devenu chef de guerre
"Le temps est compté pour toute intervention", déclare-t-il au Conseil de sécurité des Nations unies après s'être entretenu avec les deux parties lors d'une récente visite en Éthiopie.
Il appelle au dialogue et à une solution politique, mais n'a pas encore décrit comment cela pourrait être réalisé.
La réponse de l'ambassadeur éthiopien auprès des Nations unies, Taye Atske Selassie, résume les difficultés auxquelles les médiateurs seront confrontés. Il a déclaré qu'il respectait l'appel au dialogue, mais a ensuite qualifié le TPLF de "groupe criminel".
Le porte-parole du TPLF, M. Getachew, dans un tweet, affirme que "la plupart des "initiatives de paix" visent principalement à sauver [le Premier ministre] Abiy, et non à relever les défis politiques les plus importants du pays".
Bien sûr, les négociations pour mettre fin aux guerres opposent par nature des ennemis apparemment implacables.
Selon l'ancien diplomate américain M. Nagy, une façon d'amener les deux parties à s'asseoir ensemble serait que les États-Unis et la Chine, ainsi que d'autres pays comme la Turquie, agissent de concert.
"Abiy ne pourrait pas résister au fait que les États-Unis et la Chine disent la même chose".
Selon lui, la première chose à faire serait de faire cesser les combats et de s'assurer que l'aide puisse être acheminée, puis d'explorer progressivement les options politiques.
Quel est l'objet de la guerre ?
À l'origine du conflit, un désaccord entre le Premier ministre Abiy et le TPLF, qui domine depuis près de 27 ans l'ensemble du pays, et pas seulement le Tigré.M. Abiy est arrivé au pouvoir en 2018 à la suite d'une vague de protestations des membres de l'ethnie oromo.
Les Oromos - le groupe le plus important d'Éthiopie - se sont longtemps sentis marginalisés. M. Abiy, lui-même oromo et membre de la coalition au pouvoir, était considéré comme l'homme capable de résoudre le problème.
Dans un tourbillon de réformes, au cours desquelles il libéralise la politique et fait la paix avec l'Érythrée, son ennemi de longue date, le TPLF est mis sur la touche.
Le différend qui couve entre le TPLF et M. Abiy éclate ensuite en guerre il y a 12 mois, lorsque les forces tigréennes sont accusées d'attaquer les bases de l'armée pour voler des armes et que le gouvernement fédéral réagit.