Actualités of Wednesday, 6 April 2022

Source: InfoMatin N°1055

Congelcam ou l’habitude de l’empoisonnement

Congelcam est épinglé pour la mise sur le marché camerounais de produits avariés à Obala Congelcam est épinglé pour la mise sur le marché camerounais de produits avariés à Obala

Congelcam est épinglé pour la mise sur le marché camerounais de produits avariés à Obala.

Comme de coutume, l’entreprise du sénateur Sylvestre Ngouchinghe crie une nouvelle fois au complot. Selon diverses, sources, ce n’est pas la première fois qu’elle développe cette thèse. Elle a déjà eu à développer la même thèse chaque fois qu’elle se retrouve en délicatesse avec la moralité républicaine, indique-t-on.

InfoMatin dans sa parution N°1055, revient sur les dessous de cette affaire. « Congelcam ou l’habitude de l’empoisonnement », titre le média.

Ils ruent dans les brancards depuis la saisie, le 23 mars dans trois de leurs boutiques à Obala (Centre), d’un important stock de poisson réputé avarié par la délégation départementale du ministère de l'Elevage, des Pêches et des Industries animales (Minepia) de la Lékié.

Les responsables de Congelcam ne décolèrent pas depuis lors. Ils évoquent la «cabale». Pourquoi seulement Obala alors que, partout ailleurs nous n’avons pas de problème, et sommes mêmes plutôt félicités par les autres délégués du Minepia pour la bonne tenue de nos chambres froides et des produits s’y trouvant ?» s’interroge-t-on au niveau de la hiérarchie de l’entreprise qui contrôle 80% du secteur du poisson au Cameroun.

Et l’importateur d’exhorter sa clientèle « à ne pas se laisser distraire par cette cabale montée de toutes pièces pour salir son image et saper sa notoriété, sa réputation, sa considération, son respect et son honorabilité. Congelcam rassure ainsi ses chers clients que sa chaîne du froid est minutieusement respectée, du débarquement au port à ses entrepôts. De ce qu’elle a pris des dispositions logistiques pour conserver ses produits suivant des normes internationales en la matière, des entrepôts à ses points de vente ».

Depuis lors, l’affaire fait le buzz sur les réseaux sociaux. Sur fond de parti-pris, elle implique désormais des acteurs jusqu’ici au-dessus de tout soupçon et que certains soupçonnent de faire partie d’une chaîne lobbyiste destinée à détourner l’opinion de la réalité des faits.

Parce qu’il faut avouer que Congelcam n’en est pas à ses premiers soupçons de livrer des produits avariés aux consommateurs. On peut d’ailleurs, sur le reportage réalisé à Obala par la chaîne de télévision Vision4, entendre des clients se plaignant d’être tombés malades après avoir consommé des produits achetés chez cet opérateur qui, en ce qui le concerne, préfère développer la thèse du complot. Intoxication de masse.

«Le pire avec les produits de Congelcam, c'est que toutes les couches de notre société en consomment. La santé du Camerounais, la qualité du poisson est le dernier des soucis de cette entreprise, qui n'apporte aucune plus-value à notre tissu économique. Ils n'ont jamais pensé à investir dans la production locale du poisson, afin d'avoir des poissons frais. Pourtant, ils savent que le poisson carpe peut être élevé dans nos eaux, que le frère du poisson mâchoiron c'est le poisson silure (poisson chat), qu'on pêche dans nos étangs. Pourquoi ne donc pas investir même 10 milliards de ses milliards dans la construction des étangs industriels de poissons ? Au lieu de ça, on préfère refourguer aux gens du poison de mauvaise qualité. Quelle société et quel Cameroun voulons-nous laisser à nos enfants ? A la longue, la consommation de tels produits va causer des cancers, des cirrhoses du foie, des insuffisances rénales...

Imaginez un cocktail, un plat de poisson pourri de chez Congelcam et vous posez une bière ou un whisky frelaté dessus... Mais votre programme des obsèques va sortir à l'instant et on va accuser vos proches de vous avoir empoisonné », ainsi réagit, le 28 mars sur sa page Facebook, l’Ong Agro-pastoral industrielle du Cameroun (Agrindcam).

En son temps en effet, le Service d’appui aux initiatives locales de développement (Saild), sous la coordination de feu Bernard Njonga, avait mené une enquête sur les importations massives de produits congelés au Cameroun, avec pour point d’ancrage le poulet et le porc.

Au terme d’examens commandés auprès de l’Institut Pasteur de Yaoundé, les résultats de laboratoire avaient révélé que 83,5% des échantillons s’étaient révélés «non conformes aux critères microbiologiques et donc impropres à la consommation».

Ce taux s’élevait alors à 87% pour les échantillons pris sur les étals, sur les marchés des petites localités et les petits centres urbains de plus en plus inondés par ces produits controversés. Le rapport du laboratoire précisait que «les poulets hébergent une flore totale en quantité importante composée de coliformes dont des coliformes fécaux ou thermotolérants, des staphylocoques pathogènes (…), 15% des échantillons sont porteurs des salmonelles».

Et on se doute bien que la situation, à écouter les plaintes qui émergent aujourd’hui des milieux des consommateurs, ne doit pas être différente. Conac infos. On en veut pour preuve les divers rapports transmis à la Commission nationale anti-corruption (Conac) depuis septembre 2015. Ces documents, que votre journal a pu consulter, font état de saisies massives de poisson avarié dans les chambres froides de Congelcam à Bafoussam (carrefour Tamdja, Marchés A et B), Douala ou encore Limbe et destiné à la destruction par les services du Minepia.

Les rédacteurs desdits rapports, preuves accablantes à l’appui, se sont alors étonnés que les stocks promis à être détruits se soient, comme par enchantement, retrouvés le lendemain sur le marché. D’où la question de plusieurs observateurs : qui protège Congelcam ?

Cette grave interrogation s’appuie également dans les termes du rapport de la Conac sur l’état de la lutte contre ce fléau au Cameroun, en 2017. En ses pages 66 et 67 et sous la dénomination de «la société C.», Congelcam et son directeur général sont épinglés pour des transferts illicites de fonds, des pratiques de corruption et de détournement de fonds, pour un montant total de 32.070.273.799 francs pour le compte de la seule année 2015.

La Conac précise que ses missions se sont déployées, du 17 février au 14 mars de cette année-là, au sein de l’entreprise à Douala et Yaoundé, mais également dans les services de la douane, des impôts, de la Société générale de surveillance (Sgs) ou encore dans les banques domiciliaires de ses opérations commerciales.

Les limiers de la Conac ont ainsi eu à relever des fraudes sur les manifestes et les enlèvements, une pratique consistant à sortir frauduleusement des marchandises du port, essentiellement sous le couvert de la facilité dite d’enlèvements directs, eux-mêmes non apurés. Congelcam, sous la houlette de son promoteur, Sylvestre Ngouchinghe, a également procédé à la soustraction de certaines déclarations d’apurement par les commissaires-transitaires, a amplement fraudé sur les déclarations en douane avec pour finalité la minoration des droits et taxes à liquider. Médias persécutés.

Dans la même veine, le «leader au Cameroun dans l’importation, la distribution et la vente des produits de mer» a fraudé à de multiples reprises sur l’application du programme de vérification des importations (Pvi), dont le total des amendes quant à la violation desdites procédures, pour la période couverte par l’enquête de la Conac, s’élève à 225.273.799 FCfa.

Au chapitre des fraudes sur les opérations de change pendant la période considérée, elles ont selon la Conac porté sur les transferts irréguliers «à hauteur de 4,915 milliards FCfa passibles de l’amende de 11,4 milliards FCfa». Congelcam a également bénéficié de transferts irréguliers de la société désignée par «N» dans le rapport, un «importateur fictif mais sous-traitant des activités de fraude aux changes» de l’opérateur camerounais.

Avant d’établir les responsabilités pénale et civile contre elle, la Conac a arrêté à 5,7 milliards FCfa, le montant des sommes transférées irrégulièrement par Congelcam en 2015. S’estimant injustement jeté à la vindicte populaire, Sylvestre Ngouchinghe a contre-attaqué – un peu comme aujourd’hui avec le cas d’Obala.

Il a dénoncé le manque d’objectivité de la Conac en subodorant «des règlements de comptes». «Nous relevons pour le déplorer qu’aucune mission d’enquête, de contrôle et d’investigation de votre institution n’a été menée dans notre entreprise, bref nous n’avons jamais été sollicité pour quoi que ce soit dans le cadre de votre travail qui a produit le rapport qui jette ce discrédit à fortes conséquences sur notre entreprise et son directeur général. Il est à noter que travailler sur la base des dénonciations non vérifiées peut être subjectif», s’est étranglée Congelcam, non sans se lancer dans un rodéo judiciaire épique contre les médias ayant osé relayer les conclusions du rapport de la Conac.