Actualités of Tuesday, 4 February 2025

Source: La nouvelle n°796 du 3 février 2025

Consupe : Lazare Atou va-t-il échapper à la sanction, la réponse nette d’une source bien renseignée

Le Consupe Le Consupe

Par 2 décisions du 20 avril 2023, le cabinet Atou SA, représenté par Lazare Atou, a été sanctionné par le Conseil de discipline budgétaire et financière (Cdbf) dans le cadre des fautes constatées par cet organe, dans la gestion des actifs résiduels de l’ex Office national de commercialisation des produits de base (ex-Oncpb) et de l’ex Régie des chemins de fer du Cameroun (ex-Regifercam). C’est sur la base de ces 2 décisions que des arrêtés de sanction ont P été signés.

Par lettre N°7978/Minfi/Sg/Da du 4 juillet 2024, le Minfi a saisi la Chambre des comptes de la Cour suprême du Cameroun aux fins de solliciter son avis sur la validité de débet qui lui ont été transmis pour exécution, par le ministre délégué à la présidence de la République, chargé du Contrôle supérieur de l’État. Disant ce qu’elle pense (donner un avis), la Chambre des comptes indique, au Minfi qui l’a sollicité, que l’article 86 (3) de la loi numéro 2018/012 du 14 juillet 2018 portant régime financier de l’État et des autres entités dispose en effet, s’agissant de la compétence de la juridiction des comptes que : « Article 86 (3) : elle a pour mission de juger les ordonnateurs, les contrôleurs et les comptables dans les conditions prévues dans les articles 67 et 66 ci-dessous ; de contrôler la légalité financière et la conformité budgétaire de toutes les opérations de dépenses et de recettes de l’État. À ce titre, elle constate les irrégularités et fautes de gestion commises par les agents publics et fixe, le cas échéant, le montant du préjudice qui en résulte pour l’État. Elle peut en outre prononcer des sanctions… ».

Tirant les conséquences de cette disposition légale, la Chambre des comptes conclut que « les deux arrêtés N°00001/A/Pr/Consupe/Sp-Cdbf et N° 00002/A/Pr/Consupe/ Sp-Cdbf/Sgas/Bsas du 8 septembre 2023 infligeant des sanctions pécuniaires au cabinet conseil Atou SA. sur la base de 2 décisions rendues le 20 avril 2023 par le Cdbf n’ont pas de validité, faute de fondement juridique ».

Et la Chambre des comptes rappelle que « l’avis de la Chambre des comptes, la plus haute juridiction en matière financière, donné en vertu de l’article 10 de la loi N°2003/005 du 21 avril 2003…a pleine autorité et s’impose dans l’interprétation des textes financiers et la discipline y relative ». En français facile, la Chambre des comptes a voulu dire, d’une part que le Cdbf n’avait pas compétence pour sanctionner le cabinet Atou S.A, représenté par Lazare Atou au motif qu’il était incompétent pour sanctionner et que d’autre part cette sanction ne devait pas être exécutée par le ministre qui a sollicité son avis.

Est-ce donc dire que le cabinet Atou SA va échapper à la sanction. Pas du tout sauf si le moment venu, il est établi qu’il n’y a pas eu fautes. Pour autant que l’action en détermination de cette faute soit mise en mouvement par l’organe compétent. En effet, la décision de la Chambre des comptes n’exonère pas en quoi que ce soit les fautes éventuelles qui peuvent être reprochées, puisque la Chambre des comptes n’a donné son avis que sur le vice de procédure et non pas sur les fautes reprochées au cabinet Atou.

13 milliards de Fcfa

Toutefois, il y a quelque chose qui étonne dans l’affaire Atou. Avant que le ministre ne s’avise à demander l’avis de la Chambre des comptes, qui va dénier toute compétence de sanctionner au Cdbf ? Que faisaient les contrôleurs administratifs de 2006 date du début des fautes en 2018, date d’attribution de la compétence exclusive de sanctions à la Chambre des comptes ? Que faisait cette dernière, de 2018 à 2023, date à laquelle le Cdbf va enfin infliger une amende au cabinet Atou d’un montant de 13 milliards de Fcfa à verser au trésor public pour faute de gestion des actifs résiduels de l’ex-Regifercam et l’ex-Oncpb. Tout ce laxisme est hors de portée de notre entendement. Sauf qu’on présume que 13 milliards (13 mille millions) se sont volatilisés au profit d’un individu. Ce que nous comprenons très bien en soupçonnant des complicités. Pour comprendre l’ensemble nos soupçons sur d’éventuelles complicités dans la dissolution présumée de l’astronomique somme de 13 mille millions par le « phénomène » Atou, lisons aussi ensemble les dispositions des articles 114 à 121 du décret 2020/375 portant règlement général de la comptabilité publique sur le contrôle.

« Du contrôle administratif ». Article 114.- (1) Le contrôle administratif comprend : - le contrôle hiérarchique de l’administration sur ses agents qui, le cas échéant, peut s’exercer dans un cadre disciplinaire ; - le contrôle interne qui regroupe l’ensemble des procédures et méthodes permettant au responsable d’un service de s’assurer du bon fonctionnement de celui-ci et notamment de la bonne maitrise des risques ;- le contrôle exercé par les institutions et organes de contrôle étatiques ; - le contrôle financier et comptable. Un contrôle de régularité et de performance, ainsi que des missions d’audit de la gestion des administrations publiques, des entreprises publiques, des établissements publics, des collectivités territoriales décentralisées, ainsi que des entités privées ayant reçu une subvention, un aval ou une caution de l’État ou de toute autre personne morale de droit public, sont menés par les services spécialisés compétents de l’exécutif. Les modalités d’organisation de ces contrôles administratifs sont fixées par des textes réglementaires. Article 115.- (1) Un contrôleur financier est nommé auprès des ordonnateurs principaux, ainsi qu’auprès des ordonnateurs secondaires placés à la tête des services déconcentrés. (2) Dans les administrations et structures où le contrôleur financier n’est pas formellement désigné, le comptable assignataire fait office de contrôleur financier.

Rapports

Article 116.- (1) Les contrôles a priori exercés par les contrôleurs financiers portent sur les opérations budgétaires. Tous les projets d’actes des ordonnateurs portant engagement de dépenses, notamment les marchés publics ou contrats, baux administratifs, arrêtés, mesures ou décisions émanant d’un ordonnateur, sont soumis au visa préalable du contrôleur financier. Ces actes sont examinés au regard de l’imputation de la dépense, de la disponibilité des crédits, de l’application des dispositions d’ordre financier des lois et règlements, de leur conformité avec les autorisations parlementaires, des conséquences que les mesures proposées peuvent avoir sur les finances publiques. Le contrôleur financier donne un avis sur la soutenabilité budgétaire des plans d’engagements des dépenses de l’entité publique auprès de laquelle il est nommé.

Article 117.- (1) Le contrôleur financier est personnellement responsable des contrôles portant sur la disponibilité des crédits, sur la vérification des prix par rapport à la mercuriale en vigueur ou tout autre référentiel de prix défini par voie règlementaire et, au titre de la validité de la créance, sur l’exactitude des calculs de la liquidation de la dépense. (2) Si les mesures proposées lui paraissent entachées d’irrégularités au regard des dispositions qui précèdent, le contrôleur financier refuse son visa. En cas de désaccord persistant, l’ordonnateur peut en référer au Minfi. Il ne peut être passé outre au refus de visa que sur autorisation écrite du ministre chargé des finances. Dans ce cas, la responsabilité du ministre chargé des finances se substitue à celle du contrôleur financier. L’autorisation du Minfi est annexée au dossier de paiement adressé au comptable public, et une copie est immédiatement adressée à la juridiction des comptes. Article 118.- Les contrôles effectués par le contrôleur financier et par le comptable public peuvent, pour les dépenses à faible risque, faire l’objet d’une modulation au regard de la qualité et de l’efficacité du contrôle interne, ainsi que du contrôle de gestion mis en œuvre par l’ordonnateur dans des conditions fixées, pour chaque ministère, par le Ministre chargé des finances.

Article 119.- (1) Les contrôles a posteriori sont inopinés ou non, sur pièces ou sur place, sur les actes des ordonnateurs et des comptables. Ces contrôles ont pour objet de vérifier la bonne application des lois et règlements en vigueur en matière de gestion des finances publiques. Les organes de contrôle a posteriori sont notamment chargés, au nom et pour le compte du gouvernement, du contrôle de la bonne gestion des fonds publics dans l’ensemble des administrations publiques, ainsi que dans tout organisme privé bénéficiant de ressources publiques. Ils exercent leurs missions d’inspection, de vérification ou d’audit, conduisent leurs investigations et élaborent leurs rapports conformément aux textes qui les régissent et aux normes internationales en vigueur. Ils évaluent en outre la qualité de la gestion, de l’organisation et du fonctionnement des administrations publiques, ainsi que l’efficacité, l’efficience et l’économie dans la gestion des fonds publics et formulent toute recommandation à cet égard. Ils évaluent également les résultats et les performances des programmes, au regard des objectifs fixés, des moyens mis à disposition, des moyens utilisés et de l’organisation des services des ordonnateurs. Les rapports des organes de contrôle a posteriori sont transmis au Minfi, après que les administrations et/ou les agents intéressés ont pu en prendre connaissance et exprimé, par écrit, leurs observations sur le rapport. Une fois définitifs, ces rapports sont transmis au parlement et à la juridiction des comptes par le Minfi qui peut également les rendre publics. Article 120. - Les ministères sectoriels sont tenus de mettre en place des dispositifs de contrôle et d’audit internes leur permettant de garantir la légalité et la sécurité de l’usage de leurs crédits, ainsi que l’efficacité, l’efficience et l’économie de la gestion de leurs dépenses.

Loi de 2018

Du contrôle juridictionnel. Article 121.- (1) La juridiction des comptes reçoit, chaque année, communication de toute information et documents des services chargés de l’exécution des lois de finances, notamment les comptes de gestion des comptables publics accompagnés des pièces justificatives. Le Minfi lui adresse, tous les trimestres, un état d’exécution des recettes et dépenses de l’État. Elle est informée régulièrement des conditions d’application de l’article 70 de la loi N°2018/012 du 11 juillet 2018 portant régime financier de l’État et des autres entités publiques sur le contrôle de l’engagement des dépenses. Elle peut demander communication de toute information ou documents aux services chargés de l’exécution des budgets des collectivités publiques autres que l’État.

Elle peut procéder à toute enquête sur pièces et sur place auprès de toute personne morale, publique ou privée, bénéficiaire de fonds publics. Toute personne dans l’exercice de ses fonctions est tenue de communiquer à la juridiction des comptes, tout document et toute information qu’elle demande, et de se rendre aux convocations qu’elle juge nécessaire en application du présent décret. Le fait de faire obstacle, de quelque façon que ce soit, à l’exercice de ces pouvoirs est puni d’amende, dans les conditions fixées par les lois et règlements. En aucun cas, le secret ne peut être évoqué pour refuser de lui communiquer tout document ou toute information qu’elle demande. Toute personne entendue par la juridiction des comptes est déliée du secret professionnel. La juridiction des comptes prend toutes dispositions pour garantir le secret de ses investigations. La juridiction des comptes adresse au parlement les avis, constats et rapports contenant les analyses et recommandations qu’elle fait au titre de ses missions. Le président de la juridiction des comptes peut décider de rendre publics certains de ces avis, constats et rapports… ».

Comment le phénomène Lazare Atou, toute comme d’autres qui sont comme lui, a-t-il pu échapper à tous ces contrôles de 2006 à 2023 soit pendant 17 ans sans la moindre inquiétude ? Qu’importe, le Cdbf a cru devoir agir, entre autres textes, en vertu de l’article 114 point 3 qui lui donne compétence administrative de contrôle. Sauf que la Chambre des comptes lui rappelle l’article 86 (3) de la loi 2018/12 du 11 juillet 2018 portant régime financier de l’État et des autres entités comme il a déjà été transcrit ci-dessus. La doctrine, avec le docteur Gabriel Djeya Kamdom rappelle que la loi de 2018 modifie le régime de mise en œuvre de la responsabilité pécuniaire des ordonnateurs. Il est donc constant qu’il ne revenait pas au Cdbf de mettre en œuvre les sanctions qu’il a infligées au cabinet Atou.

Cependant, les fautes reprochées au cabinet Atou couvrent la période allant de 2006 à 2021. La loi donnant compétence exclusive de sanction à la Chambre des comptes de la Cour suprême ne date que de 2018. Entre 2006 et 2018, soit pendant 12 ans, où était le Consupe ? Où était le Cdbf ? La sanction du Cdbf contre le Cabinet ATOU S.A. ne date que d’avril 2023 et l’avis de la Chambre des comptes de la Cour suprême déclarant non valide les sanctions infligées au cabinet Atou SA est du 26 novembre 2024. Cette Chambre des comptes est donc déjà informée des suspicions de malversions dans la gestion par le cabinet Atou SA des actifs résiduels de l’ex-Oncpb et ex-Regifercam. Il n’a pas été statué par la Chambre des comptes sur les malversations constatées par le Cdbf. Il reste donc à cette dernière de régulariser le travail que le Cdbf, bien que déclaré incompétente, a si bien commencé. Une interrogation. Lorsque les Camerounais dissertent sur la lutte contre la corruption au Cameroun, tous ont les yeux tournés vers l’aval, c’est-à-dire à la fin. Tous parlent de construire des prisons. Personne n’observe et/ou ne se soucie de ce qui se passe en amont. En effet, les dispositions légales, où on voit en concours les contrôles administratifs et les contrôles juridictionnels, ne permettent pas le moindre détournement. Il faut la complicité ou le laxisme des contrôleurs en amont pour distraire un franc de l’État. L’affaire Atou en est une illustration.