En dépit des promesses et menaces régulières du chef de l’etat sur la responsabilité de ceux qui pillent la fortune publique, des présumés auteurs et complices de ces actes ne sont pas inquiétés.
Dans son discours de fin d’année 2022 et de nouvel 2023, le président Paul Biya réitère son engagement à lutter contre la corruption et le détournement de deniers publics. «L’an dernier, dans des circonstances similaires, je vous avais fait part de mon souci de renforcer la gouvernance dans la gestion des affaires publiques et de maîtriser les dépenses de l’Etat. Je peux vous assurer que ce souci demeure constant et intangible. Aussi, je tiens une fois encore à rappeler que ceux qui s’enrichissent illicitement, en spoliant l’Etat, à quelque niveau que ce soit, vont rendre des comptes», déclare-t-il.
Cependant, malgré cette volonté et cette constance, des détournements parfois massifs de deniers publics se multiplient. Dans certains cas, en dépit des réclamations de l’opinion publique, les présumés auteurs et complices restent libres et vaquent à leurs occupations sans inquiétude. Au cours de l’année 2022 qui vient de s’achever par exemple, de nombreux scandales financiers ont été révélés. Mais jusqu’ici, des procédures couvrent l’opacité qui entoure ces affaires. D’abord, c’est le cas de l’affaire de détournement massif des fonds destinés à la lutte contre la pandémie à Covid-19. Un rapport de la chambre des comptes de la Cour suprême daté de mars 2022 révèle que plusieurs milliards prêtés par le FMI en urgence et destinés à l’achat des masques, kits de protection, ambulances, médicaments, ont été détournés. Plusieurs ministères ont été cités dans ce qu’on a appelé Covidgate. En tout, 23 ministères se sont repartis 128,2 milliards de francs CFA de dotation, ce qui représente 71% des 180 milliards de dotation globale du Fonds de solidarité nationale de lutte contre le Covid-19. Même si au cours de l’année des auditions ont été faites, les résultats de l’enquête autorisée par le président de la République restent attendus. Ensuite, au cours de la même année, le géant minier Glencore a reconnu devant un tribunal britannique, avoir corrompu des personnalités dans plusieurs pays d’Afrique y compris le Cameroun.
Devant le tribunal de Couronne de Southwark, l’opinion apprend qu’un commerçant de Glencore a transporté de l’argent via un jet pour soudoyer des fonctionnaires. Glencore reconnait avoir versé des pots-de-vin à la Société nationale des hydrocarbures et à la Société nationale de raffinage pour un montant de 7 milliards de FCFA pour obtenir un accès préférentiel au pétrole entre 2011 et 2016. Si la Commission nationale anti-corruption (Conac) dit avoir créé une commission d’enquête à ce sujet, les résultats restent aussi attendus. Enfin, en 2022, un autre scandale éclate, cette fois, à propos des lignes 65 et 94. La première sert à couvrir les dépenses non reparties de l’Etat en fonctionnement. La deuxième assure la disponibilité des fonds de contrepartie et couvre les autres charges non reparties en investissement. De 2010 à 2021, plus de 5 400 milliards de F CFA ont été dépensés via ces deux lignes. Ces dépenses font l’objet de suspicions en raison de l’absence de transparence. La Présidence a ordonné des auditions pour avoir des éclairages. Les résultats pourraient être communiqués ou pas. Pour l’instant, les auditions et enquêtes sont en cours à en croire les autorités. Les conclusions pourraient-elles céder la place un jour aux sanctions devant les juridictions compétentes ?