Actualités of Wednesday, 8 June 2022

Source: Kalara

Coup de tonnerre : Bruno Bekolo accuse le Consupe de fabrication de fausses pièces contre lui

Bruno Bekplp, ancien Recteur de l'université de Douala Bruno Bekplp, ancien Recteur de l'université de Douala

L’ex-recteur a expliqué devant le TCS, preuves à l’appui, la manière avec laquelle une mission du Consupe a confectionné des pièces pour mettre sur son dos le scandale 3,4 milliards de francs au centre de ses ennuis judiciaires. Un grossier montage en partie désavoué par le Cdbf.


M. Bruno Bekolo Ebe poursuit son tir nourri contre les inspecteurs d’Etat ayant audité sa gestion à l’Université de Douala de 2007 à 2010, et dont les conclusions du rapport de vérification ont engendré les poursuites engagées contre sa personne. Le 27 mai dernier, lors de la poursuite de son audition par ses avocats devant le Tribunal criminel spécial (TCS), l’ex-recteur a décrit une autre facette de ce qu’il qualifie de «règlement de compte» visant à mettre à sa charge la supposée coaction de détournement de 3,4 milliards de francs en compagnie de M. Akoumah Fon Ruben, l’ex-agent comptable de l’université, en fuite. Il s’agit, selon lui, de la «dissimulation de preuves» ou de la «fabrication du faux» qu’il impute aux auditeurs du Contrôle supérieur de l’Etat (Consupe).

Le montant querellé, qui constitue le deuxième volet des charges, est en effet issu des retraits de fonds tant des comptes bancaires de l’université qu’au Trésor, et, selon l’accusation, n’ont jamais atterri dans les caisses des différents établissements, car les opérations au sujet de l’utilisation desdits fonds ne figureraient pas dans les documents comptables tenus par M. Akoumah. Contrairement à l’accusation, M. Bekolo Ebe affirme que tous les retraits querellés «sont bien répertoriés» et «enregistrés» dans les livres comptables que tenait son coaccusé. Tous attestent du reversement effectif de l’argent en cause. Pour illustrer sa défense, il s’est appuyé sur quatre documents.

PV de concordance

D’abord, un procès-verbal (PV) dressé par une mission conjointe ministère des Finances (Minfi)/direction générale (DG) du Trésor lors de la cérémonie de remplacement de M. Akumah à l’agence-comptable. Cette mission conjointe, qui a elle aussi procédé au contrôle de la gestion de l’intéressé portant sur la période en cause, n’y a décelé qu’un manquant d’un peu plus de 9 millions de francs, d’ailleurs imputé et reconnu par son coaccusé. Ce dernier a, lui-même, dans un courrier adressé au Consupe, revendiqué sa «responsabilité exclusive» dans le maniement des fonds et la tenue des écritures comptables.

M. Bekolo Ebe s’est fortement attardé sur les «procès-verbaux de concordance» signés «contradictoirement» par M. Mpouli Mpouli Joseph, membre de la mission de contrôle du Consupe et unique témoin du procureur dans le procès, et M. Akumah. Ce type de PV, précise-t-il, est établi lors d’un contrôle sur chiffre.

Dans le cas d’espèces, l’ex-recteur affirme que la mission du Consupe avait fait, à partir des listings, un rapprochement entre les données de retraits bancaires pour l’approvisionnement de la caisse, d’une part, et les opérations y relatives enregistrées dans les livres journaux tenus par son coaccusé se rapportant aux années budgétaires querellées, d’autre part. Pour chacune de ces années, dit-il, les PV de concordance attestent que les approvisionnements caisse, objets des différents retraits examinés, sont conformes aux opérations enregistrées dans les livres journaux tenus par M. Akumah. «En d’autres termes, clarifie l’accusé, tous les fonds retirés des banques ont été reversés dans les caisses de l’agent-comptable en numéraire, c’est-à-dire en espèces.» Il a conforté ses dires en donnant lectures de larges extraits des PV évoqués comportant toutes les mentions suivantes : «les deux parties attestent ce qui suit», «ont signé pour la brigade mobile M. Mpouli…inspecteur d’Etat, et pour l’agent-comptable, Akoumah… inspecteur du trésor», etc.

Mais, l’ex-recteur regrette qu’au moment de rédiger leur rapport, les agents du Consupe n’ont pas pris en compte les PV de concordance. «A la vérité, la mission savait dès le départ que l’accusation (…) était fausse et n’avait aucun fondement, mais elle l’a formulée, maintenue et a continué à la soutenir, jusque devant votre tribunal (…). Toute cette affaire repose sur un mensonge construit par la mission de contrôle».

L’ex-recteur indique que c’est de manière fortuite qu’il a pris connaissance de l’existence des PV en question durant l’échange des écritures dans la procédure qu’il a initiée contre le Consupe devant le Tribunal administratif (TA) de Yaoundé visant l’annulation du rapport de vérification au centre du procès. Alors que le représentant du Consupe les a communiqués croyant l’enfoncer, c’est l’effet contraire qui s’est produit. Le TA a plutôt désavoué le Consupe en procédant à l’annulation du rapport attaqué pour cause d’irrégularités manifestes.

C’est aussi devant le TA, ajoute-t-il, qu’il a découvert que le Conseil de discipline budgétaire et financière (Cdbf) avait d’autorité ordonné une contre-vérification des données du rapport de la mission. Et le rapporteur commis à cet effet n’avait retenu à son encontre que le supposé non reversement de 330 millions de francs au sujet des retraits litigieux. Il n’avait jamais eu vent de cet autre rapport avant son recours : «A croire que la production de faux documents ou la dissimulation de documents vrais est dans la culture du Consupe», a-t-il ironisé.

«Vrais faux états»

L’avocat de M. Bekolo Ebe va rappeler à son client que la mission de vérification a néanmoins dressé de manière parallèle des «états des opérations de retraits de fonds» indiquant que l’argent en cause n’a séjourné dans les caisses de l’université. Sans ambages, l’ex-recteur oppose «[qu’à] l’analyse, ces états se sont avérés de vrais faux états, et la manière dont ils ont été établis en est la preuve». Pour lui, la preuve du faux allégué est que les états en questions ont été confectionnés de façon unilatérale par la mission de contrôle, sans plus impliquer l’agent-comptable. Or, assure-t-il, «la mission n’avait plus besoin de rechercher ce qu’elle savait déjà avec les PV de concordances». Quand bien même la mission aurait décidé de voir plus clair, concède l’accusé, elle aurait dû employer la «méthode double» qu’impose le règlement de la comptabilité publique, c’est-à-dire effectuer «un rapprochement entre les chiffres et les dossiers physiques, grâce à un rapprochement sur chiffre et sur pièces» puis comparer «le solde de ces deux contrôles». Cette formalité n’a pas été respectée.

De plus, poursuit l’ex-recteur, la confrontation des états évoqués avec les PV de concordance effectués par le rapporteur désigné par le Cdbf montre que ces pièces ont en commun «un nombre particulièrement important de doublons, c’est-à-dire d’opérations fictives, parce que n’ayant jamais existé». L’autre preuve du «vrai faux» est, dit l’accusé, les «incohérences» contenues dans ces états confectionnés à partir des listings et relevés bancaires à l’authenticité douteuse, tous disqualifiés par le rapporteur du Cdbf. L’accusé a promis versé aux débats toutes les pièces attestant du «vrai faux» opéré par les agents du Consupe lors de la poursuite de son audition le 15 juin prochain.

Rappelons que M. Bekolo Ebe est en détention provisoire depuis 50 mois. Outre la supposée distraction déjà évoqué, il répond également à titre personnel d’un supposé détournement de 140 millions de francs. Il passe en jugement aux côtés de ses anciens collaborateurs à l’Université de Douala parmi lesquels Louis-Max Ayina Ohandja, l’ex-directeur de l’IUT de Douala.