Le collectif d’avocat Sylvain Souop qui défend les 39 militants du MRC en appel ce 15 septembre 2022 à la cour d’appel du Centre (Yaoundé) bat en brèche les accusations du ministère public et détruit un à un dans ce mémo, ses arguments.
Les faits incriminés qui font l’objet des multiples procès en cours avec des accusations standardisées (Revolution, Rebellion, Attroupement, en coaction et en complicité) remontent au mois d’Août de l’année 2020, selon les thèses soutenues par les accusateurs, et tel qu’il ressort des copies des pièces consultées par la défense :
Ces incriminations relèvent que le parti politique le Mouvement pour la Renaissance du Cameroun (M R C), dans le cadre de ses activités politiques, avait annoncé des marches pacifiques qui devaient être organisées par ses militants et sympathisants sur l’ensemble du territoire national en date du 22 septembre 2020, dans le but de « s’opposer à la tenue des élections régionales du 06 décembre 2020 », mais aussi à exiger « le départ du Président de la République ».
Pr FOGUE Trésorier du MRC , les cadres du Parti AWASUM Mispa FRI, BIBOU NISSACK Olivier, ZAMBOUE Pascal et 35 autres qui ont relevé formellement appel, chacun en ce qui le concerne, contre les cinq (5) jugements séparés, rendus les 27 et 28 décembre 2021 et 17 janvier 2022, qui les condamnaient à des peines d’emprisonnement ferme, y sont accusés individuellement et collectivement, d’être en même temps auteurs et complices des faits d’avoir :
- Par des messages WhatsApp et Facebook,
- Par des banderoles et tracts,
- Par usage de leurs téléphones,
- Par des discours et messages du MRC,
- Et par la projection des marches pacifiques,
1- Premièrement : « tenté par la violence de renverser les autorités politiques institués par les lois constitutionnelles, de les mettre dans l’impossibilité d’exercer leurs pouvoirs en l’occurrence le Président de la République »
2- Deuxièmement : « par quelque moyen que ce soit, incité a résister a l’application des ordres légitimes de l’autorité publique en outrepassant les interdictions des marches ordonnées par les autorités administratives », « Par la violence ou voie de fait, empêché quiconque d’agir pour l’exécution des lois, règlements, ou ordre légitime de l’autorité publique, notamment la sommation des forces de l’ordre »
3- Troisièmement : Faisant partie d’un attroupement, ne se sont pas retirés à la première sommation de l’autorité compétente à savoir les forces de maintien de l’ordre, ledit attroupement n’ayant pu être disperse que par les forces de maintien de l’ordre.
Selon le Réquisitoire Introductif d’Instance signé du Commissaire du Gouvernement Cerlin BELINGA en date du 03 Novembre 2020, et consulté par la défense, les poursuites en répression des marches pacifiques visaient également le Professeur KAMTO Maurice, Alice KOM, Edith KABANG Wallah, CHO AYABA, OKALA EBODE, NINUM Pierre et autres, qui ont été inculpés ;
Il convient de relever qu’aucune des cinq (05) procédures ne les concerne plus, les mêmes poursuites initiées contre eux ayant été « arrêtées pour défaut d’identification » tel qu’il ressort des termes du réquisitoire définitif du Commissaire du Gouvernement et de l’ordonnance de règlement n°059/ONLPR/JI/PNY du 08 décembre 2021 rendu par le Magistrat Joël Albert BIAS.
Cette affirmation reste un conte de fées et d’Ali BABA !
Elle démontre à suffire le manque de sérieux des auteurs de la procédure et de la procédure elle-même. Dans la mesure où ce sont des personnalités publiques qui n’échappent à aucun renseignement judiciaire.
Les incriminations aussi soutenues par l’accusation dans la procédure ne relèvent même pas des soupçons raisonnables, et sont réfutées par les accusés appelants, tous des civils qui ont contesté l’aptitude légale des juridictions militaires à les juger depuis leurs inculpations!
De toutes les pièces mises à la disposition de la défense et consultées, constituées essentiellement des seules déclarations des accusés recueillies au cours des enquêtes judiciaires bien que militaires, lesdites marches pacifiques incriminées visaient pourtant à :
1- L’appel à la fin de la guerre civile et fratricide dans les Régions Anglophones du pays et l’ouverture d’un dialogue national inclusif ;
2- La reforme consensuelle du système électoral camerounais ;
3- L’audit de la gestion financière catastrophique des milliers de milliards engloutis dans l’organisation de la CAN-Total 2019 ;
4- Le rejet de l’alternance au sommet de l’état par le « Gré à gré ».
Les dossiers des procédures révèlent que les déclarations de manifestations publiques auprès des autorités administratives compétentes à savoir les Sous-Préfets, ont été effectuées à travers l’ensemble du territoire.
Ces autorités compétentes n’ont pris aucun acte d’interdiction.
Mais, au mois de septembre 2020, force est de constater que sans compétence légale, des personnes incarnant les pouvoirs publics, dont le rôle principal est d’appliquer et de veiller à l’application des lois de la République, ont créé un dispositif spécial devant conduire à la répression desdites marches.
C’est ainsi qu’est déclenché la chasse aux militants du MRC, et l’acharnement contre ses sympathisants.
Les arrestations de toutes sortes, même dans les domiciles privés ont été érigées en principe de l’action visant à maintenir et / ou à rétablir l’ordre, supposé menacé par l’appel aux marches pacifiques initiées par le MRC.
Cette action est soutenue par des sorties médiatiques de certains membres du gouvernement, qui par un communiqué devenu célèbre du 27 septembre 2020, annonçait la répression sauvage.
Il a été déjà soutenu dans le Rapport du Collectif du 30 août 2021 que c’est ce Communiqué qui semble avoir dicté le chemin emprunté par toute la répression des marches pacifiques incriminées,
Pour réprimer et punir les militants s’étant fait l’écho des opinions politiques exprimées par les messages du MRC, des arrestations massives, abusives, illicites et arbitraires, des enlèvements individuels, tous accompagnés d’actes de torture multiformes (physiques, morales, psychologiques), de traitements cruels inhumains et dégradants sur les victimes des arrestations ont été organisés à travers le territoire, et se sont étalés du 15 septembre 2020 au 21 novembre 2020.
Dans les précédents Rapports du Collectif, il a été répertorié 593 arrestations réparties dans 29 centres d’internement.
Le gouvernement reconnaissait 245 arrestations.
Il convient de relever qu’avec cette annonce gouvernementale, l’on était proche des cas de disparition forcées que fort heureusement, le Collectif reconnait n’avoir pas constaté.
Les cinq (05) procédures objet du présent RAPPORT qui reviennent le 15 septembre 2022 sont la résultante des poursuites pénales militaires initiées à la suite de ces multiples ACTES D’ARRESTATIONS,
Par cinq les (05) jugements séparés rendus les 27 et 28 décembre 2021 et 17 janvier 2022, et attaqués par le recours en appel, quarante-six (46) militants du MRC arbitrairement détenus depuis cette période, ont fait l’objet des condamnations sauvages, à des peines allant jusqu’à Sept (07) ans d’incarcération ferme par le Tribunal Militaire de Yaoundé.
Ces jugements faisaient suite à des informations judiciaires militaires, à la fois intellectuellement paresseuses que peu soucieuses des Droit de l’Homme, et conduites par des Magistrats, manifestement hostiles, légitimement suspectés de partialité et régulièrement récusés, lesquels ont refusé de se déporter d’eux-mêmes des procédures.
Pendant ces procès ouverts au mois de décembre 2021, les quarante-six (46) accusés ont légitimement choisis d’exercer chacun, son Droit Constitutionnel de Garder Silence (le Droit de se taire), refusant par ailleurs de comparaitre devant cette juridiction militaire dont ils ont vainement pris le soin de récuser la compétence à les juger en tant que des civils, en se fondant sur le Droit International, qui énerve les juges choisis pour connaître de l’affaire,
Les Avocats qu’ils ont choisis eux-mêmes pour leurs défenses se sont déconstitués en bloc au mois de septembre 2021, pour dénoncer l’arbitraire que subissait leurs clients.
Les juges militaires saisis en décembre 2021, ont maintenu la logique de la répression coute que vaille, en procédant à la désignation d’office d’Avocats pour défendre ces accuses absents.
Et comme il fallait s’y attendre, ces Avocats désignés d’office, qui n’ont jamais rencontré leurs supposés clients, ont plaidé les circonstances atténuantes et se sont gardés d’exercer des voies de recours, en violation de leur serment d’Avocat, malgré la récusation et la contestation formelle de leurs compétences par leurs supposes clients.
C’est dans ce contexte que sont intervenus les cinq (05) jugements attaqués par les appels formés les quatre (04) et vingt-quatre (24) janvier 2022 par les accusés condamnés eux-mêmes.
Il convient de relever en outre et pour le déplorer, l’incompréhension du choix de plusieurs juridictions militaires pour réprimer une marche pacifique,
Le Tribunal Militaire de Yaoundé, qui a pourtant une compétence juridictionnelle nationale, n’a pas été l’unique juridiction militaire saisie pour la répression des marche pacifiques du 22 septembre 2020 comme ce fut le cas en 2019 lors de la répression des marches blanches du 26 janvier 2019, toujours organisées par le parti politique MRC, à travers le pays et à l’étranger et qui dénonçait le hold up électoral.
Deux autres juridictions militaires ont été mises à contribution et ont de diverses manières exprimé leur hostilité au Droit International relatif à la déontologie policière des opérations de maintien de l’ordre, a l’interdiction de la torture, des traitements cruels, inhumains et dégradants, aux règles du procès équitable surtout à l’interdiction de juger les civils devant les tribunaux militaires etc.
Déjà, pour retenir la compétence des juridictions militaires, le juge d’instruction militaire Albert Joel BIAS, juge pénal ayant la plénitude de compétence, estime dans son Ordonnance de règlement qu’il n’est pas le Conseil Constitutionnel pour apprécier la constitutionnalité de l’article 8 du Code de Justice Militaire que les Pr FOGUE et autres refusaient qu’il leur soit appliqué eu égard à son caractère anti constitutionnel !
Cet argumentaire est apparu comme un faisceau lumineux qui se répand à toutes les juridictions militaires mises à contribution.
C’est ainsi que le Tribunal militaire de Bafoussam, saisi en son temps, à la même occasion et dans les mêmes circonstances que dessus, en premier, a eu à vider sa saisine les six (06) et sept (07) décembre 2021, et dans un temps relativement raisonnable ;
Il a aussi transmis aux fins de nouvel examen ses dossiers à la Cour d’Appel de l’Ouest, une fois les appels interjetés par les accusés condamnés. Cette Cour d’Appel siégeant à Bafoussam a re-ouvert le procès depuis le mois d’Avril 2022, et videra certainement sa saisine le 03 Octobre prochain, date à laquelle le dernier condamné encore incarcéré, aura entièrement purge sa peine.
Quant au Tribunal militaire de Douala, dessaisi par ses jugements rendus depuis les 07 et 08 Décembre 2021 et par les appels formés les 16 et 17 Décembre 2021, n’a jusqu’à ce jour transmis aucun dossier à la juridiction supérieure.
C’est d’ailleurs le cinq (05) septembre 2022 dernier, que certains accusés appelants, treize (13) au total, ont reçu notification des ordonnances rendues en date du trente (30) Août 2022 de fixation des frais de reproduction du dossier d’instance, soit bientôt près d’un an depuis l’exercice de cette voie de recours.
Bien avant l’intervention de cette signification, la saisine de Monsieur Président de la Cour d’appel du Littoral ayant l’exclusive compétence pour connaitre des contestations formées contre les frais de reproduction excessifs et disproportionnés, refuse inexplicablement de statuer sur les demandes formulées par une vingtaine d’autres accusés appelants ayant reçu peu de temps avant, leurs ordonnances de fixation des frais de reproduction du dossier d’instance.
Seules de pratiques judiciaires ténébreuses, qui font cumuler entre certaines mains les fonctions d’accusateurs, de juges et de bourreaux, constitutives de menaces tant à l’ordre public qu’à l’efficacité de l’administration de la justice, peuvent justifier de tels agissements observés à Douala.
Le point des dossiers encore pendants relatifs aux marches pacifiques du 22 septembre 2020 se présente de la manière suivante :
Personne incarcérés dans diverses prisons
Total
94
Répartition :
1. Prison de Bafoussam : 01
2. Prison de New Bell : 46
3. Prison de Mfou: 01
4. Prison Centrale de Yaoundé : 39
5. Principale de Yaoundé : 07
Observations : 29 /94 purgent totalement leurs peines au 30 septembre 2022.
Répartition :
08 à Yaoundé et Mfou.
21 à Douala.
Les personnes âgées incarcérées : 03
1. OUFFO Maurice
2. KALECO Paul
3. ZAMBOUE Pascal
Personnes malades incarcérées : 09
1. TCHUEM Mike (hypertension)
2. TCHOUDJA Douglas (problèmes occulaires)
3. KALECKO Paul (problèmes gastro-entérites)
4. Salomon BEAS (problèmes oculaires et récemment sujet à une pneumonie)
5. KOPWA DENKOU Patrick (suites AVC post tortures au SCRJ)
6. LAH YU FE ZEU (traumatismes post opératoires après tortures)
7. INTIFALIA OBEN (traumatismes post tortures)
8. OUFFO MAURICE, (traumatismes post tortures)
9. ZAMBOUE PASCAL (Hypertension).
Le jeudi 15 mars 2022, le procès relatif aux appels formés par les victimes des condamnations arbitraires du Tribunal Militaire de Yaoundé s’ouvrira à Yaoundé, non plus dans l’enceinte d’une caserne militaire, mais au siège de la Cour d’Appel du Centre sis au Centre Administratif de Yaoundé:
Les juges de cette Cour auront à se prononcer sur les interrogations suivantes du dossier qui ont reçu la réponse affirmative du Tribunal Militaire de Yaoundé :
1. Le fait de ne pas être d’accord sur la gouvernance de la cité est-il constitutif d’une infraction ?
2. Les opérations de maintien / de rétablissement de l’ordre peuvent elles, sans mandat, mener à des perquisitions-arrestations dans les domiciles privés ? Et nuitamment ?
3. Les brutalités, les violences, l’usage de la force armée et celle de la torture sont ils des moyens prescrits par la déontologie des opérations de maintien/ rétablissement de l’ordre ?
4. L’exercice d’un droit constitutionnel comme celui de manifester pacifiquement donne t il lieu à des poursuites répressives ? Et devant les juridictions militaires ?
5. La Révolution, au sens du droit pénal camerounais, est-elle matériellement possible par usage des moyens tels : les discours pacifiques, des messages pacifiques quels qu’en soient le support, le téléphone, et des marches pacifiques ?
6. Les marches pacifiques déclarées et non interdites par les Sous Préfets compétents sont elles illégales ?
7. ETC
C’est sur ces quelques points essentiels que la défense attend la Cour.
FAIT ET ADOPTE PAR LE COLLECTIF SYLVAIN SOUOP LE 09 SEPTEMBRE 2022
Me Hippolyte B.T. MELI