Actualités of Thursday, 17 August 2023

Source: Le Messager

Crimes rituels au Cameroun : l’heure est grave, les informations ne sont pas bonnes

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L’impunité favorise la répétition et la multiplication des actes odieux


Un observateur des droits humains souligne que « l'État, garant du droit à la vie des citoyens, a failli à ses responsabilités car n'ayant pas pris les mesures efficaces ni mis les moyens nécessaires pour arrêter, juger et condamner à des peines d'emprisonnement exemplaires tous les auteurs et commanditaires» de crimes rituels.

Portée disparue le 13 juillet 2023, Martine Ndjoumsi, a été retrouvée morte, cinq jours après, dans une broussaille du quartier Barrière à Yaoundé, capitale du Cameroun. Ses organes ont été retirés dans ce qui semble être un rituel macabre. Deux jours avant cette découverte, il avait été publié un avis de recherche suite à sa disparition. Selon les membres de sa famille, Martine Ndjoumsi était partie de Douala pour assister à des cérémonies funéraires à Yaoundé le 13 juillet dernier. Elle avait appelé son frère aîné pour lui indiquer son itinéraire. Plus tard, son téléphone ne répondait plus. Rien n’a été fait par les forces de sécurité pour géolocaliser son téléphone et repérer dans les délais les traces de ses bourreaux. Suite à cette inaction, Martine Ndjoumsi a été malmenée et tuée par ses ravisseurs. Elle laisse derrière elle trois et un conjoint inconsolables. Une enquête a été lancée à Yaoundé pour retracer les derniers moments de Martine Ndjoumsi et trouver ses assassins. Selon les premières informations, elle aurait pris un taxi avec cinq hommes à bord. Les autorités ont mis sous scellés le corps de la victime en attendant la décision du procureur. Les membres de la famille de Martine Ndjoussi restent décontenancés et se demandent à quoi aboutiront les enquêtes engagées. Car de nombreuses familles camerounaises n’ont jamais connu de suite après la disparition de proches victimes d’enlèvements et de tueries couplées à des mutilations des organes génitaux. Et ce tableau sombre, selon les organisations de la société civile à l’instar de la Ligue des droits et des libertés à Bafoussam, est loin de disparaître, l’impunité semblant être la règle dans le traitement deces faits liés à la commission des crimes rituels. Ce qui pousse l’analyste à établir qu’il est constant que « l'État, garant du droit à la vie des citoyens, a failli à ses responsabilités car n'ayant pas pris les mesures efficaces ni mis les moyens nécessaires pour arrêter, juger et condamner à des peines d'emprisonnement exemplaires tous les auteurs et commanditaires des crimes rituels à travers le pays ».


Déni de justice


La lecture d’un article rédigé par Ben Christy Moudio pour le compte de La Nouvelle Expression et repris en ligne par le site d’information https://cameroun24.net, permet de mettre en évidence la faillite de l’appareil répressif et judiciaire de l’Etat du Cameroun en matière de protection du droit à la vie des citoyens constamment menacés et bafoués par les adeptes et auteurs des crimes rituels : «Les résultats des crimes ayant été perpétrés entre 2012 et 2014 dans la ville de Yaoundé s’écrivent en flot de sang. La boucherie des quartiers Mimboman, Biteng, Nkoabang s’est voulue une véritable leçon d’anatomie : parties génitales entaillées, orbites enfoncées. Dès les premiers meurtres perpétrés en novembre et décembre 2012, les populations ont tôt fait de les qualifier de « crimes rituels». Le regard se porte alors sur un corps de métier jouissant d’une certaine facilité dans l’accès aux jeunes filles(les conducteurs de motostaxis)», souligne-t-on en parcourant ce texte. Ministre de la Communication à cette époque, Issa Tchiroma Bakary, faisait savoir au cours d’une conférence de presse en septembre 2013, qu’une dizaine de personnes supposées appartenir à la bande de criminels avait été identifiée. En effet, entre le 22 et le 26 mai 2014, deux corps de jeunes femmes sont découverts dans la zone de Mimboman Lycée et Maetur Nkoabang. La psychose se renforce. Le Juge d’instruction du Tribunal de grande Instance du Mfoundi, Pierre Ossé Mpondo, décide de remettre en liberté certaines personnes au rang desquels s des hommes d’affaires. L’opinion publique crie à l’injustice. Le Juge décide en outre de garder cinq détenus. Ces derniers sont jugés au Tribunal de Grande instance pour assassinat en coaction, viols aggravés et violation de cadavre. De nombreuses questions restent encore posées. Les avocats des familles des victimes des crimes rituels dénonçant un flou dans les procédures. Ils font savoir le mode opératoire usé habituellement par les auteurs des crimes en question : le groupe d’assassins est subdivisé en deux. L’un chargé de la prospection de potentielles victimes grâce aux moto-taxis et le second chargé de la filature et de l’appui dans l’exécution de la macabre besogne. Selon un récit fait en aout 2014, par le quotidien Le Jour, les victimes étaient molestées, étouffées ou poignardées. «Les assassins prélevaient les organes: soit les seins, soit les reins, soit les cils, soit les sourcils, soit les cheveux au niveau de la nuque», écrit-on dans le journal de Haman Mana. Saisie par les proches des victimes, l’appareil judiciaire brille par des mises en détention suivies du relâchement des présumés auteurs. Et les crimes rituels se poursuivent et se multiplient dans la zone de Mimboman et dans les autres localités du Cameroun. Les villes de Douala, Ebolowa, Bertoua, Foumban, Foumbot, Bafoussam et autres localités du Cameroun sont des territoires de prédilection pour les auteurs de ces actes odieux. On se souvient qu’en juin 2016, la ville de Bafoussam a été secouée par une affaire de crime rituel. Le gouverneur de la région de l’Ouest, Awa Fonka, était interviewé sur des crimes rituels à Bafoussam, notamment sur le cas de la petite Emmanuelle Nana, 11 ans, qui vient de se produire. Le patron de l’administration déconcentrée de répondre : « Il y a des suspects qui ont été mis aux arrêts et s’il s’avère qu’ils sont des coupables, ils seront punis par la loi, de toutes les façons, une enquête a été ouverte pour établir la vérité. » Interpellé et détenu à la prison de Bafoussam, l’homme d’affaires et chef traditionnel, a été déclaré « non coupable. » Le rappel des faits indique qu’après sa disparition, le corps de la petite Nana Emmanuelle avait été retrouvé dans un puits au quartier Kouogouo non loin du commissariat du 4ème arrondissement de la ville de Bafoussam.


84 cas de découvertes de corps, après de nombreux enlèvements


En 2023, la spirale s’allonge. 27 personnes enlevées et libérées après paiement de rançons pour un montant de plus de 4.000.000 FCFA dans la région de l’Ouest depuis le mois de janvier de cette année. Les localités de Kouoptamo, Bangourain, Njimom et Magba sont ciblées. 84 cas de découvertes de corps, notamment après de nombreux enlèvements dans les villes et villages du Noun, du Koung-Khi, de la Menoua, des Bamboutos, du Ndé, de la Mifi, des Haut-plateaux et du Haut-Nkam, font partie du bilan établi par l’administration.Ces chiffres ont été communiqués au cours de la réunion semestrielle de coordination tenue cette quinzaine du mois de juin 2023 et présidée par Awa Fonka Augustine, gouverneur de la région de l’Ouest. Seulement, au sein de l’opinion, l’on dénonce certaines formes d’enlèvements perpétrés par les officiers ou agents de police judiciaire ou des agents de la sécurité militaire, alors qu’il est de leur devoir de d’assurer la sûreté et la sécurité des citoyens. Et surtout de protéger le droit à la vie pour tous. Un officier de police signale qu’il y a des abus du genre « enlèvements » du fait que « la tactique policière » doit tendre vers l’efficacité. Pour lui, certains enlèvements sont commandés pour intimider « le citoyen ». Contacté par Journalistes en Afrique pour le développement(Jade), Me Serges Fohom, avocat au barreau du Cameroun explique que, en majorité, les policiers, les gendarmes et les procureurs du Cameroun, n’ont pas une propension au respect des droits humains. Pour lui, certains officiers de police judiciaire se comportent, impunément, en bourreaux des citoyens. « Ils violent toutes les exigences du code de procédure pénale qui consacrent les droits de la défense. Le déni de justice et l’Etat de non droit, semblent être la normalité pour les policiers et gendarmes camerounais. Le droit à la vie n’a aucun sens pour ceux-là… », dénoncent-ils. Surtout que le pacte international relatif aux droits civils et aux politiques impose que « les Etats parties au présent Pacte s'engagent à assurer le droit égal qu'ont l'homme et la femme au bénéfice de tous les droits qui sont énumérés dans le présent Pacte. Toute personne a droit à la vie. Nul ne sera soumis à la torture, ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Plus précisément, l’article 6 du texte acté sous l’égide de l’Organisation des nations unies(Onu) prescrit : « Le droit à la vie est inhérent à la personne humaine. Ce droit doit être protégé par la loi. Nul ne peut être arbitrairement privé de la vie. »