Le président du Centre pour les droits de l’homme et de la démocratie en Afrique (CHRDA), s’inquiète de la tournure que prend la crise anglophone et propose au gouvernement de prendre les mesures concrètes.
Comment évaluez-vous la situation sécuritaire dans les régions du Nord-Ouest et Sud-Ouest trois ans après la tenue du Grand dialogue national ?
Trois ans après la tenue du Grand dialogue national pour résoudre la crise anglophone, nous constatons que rien ne change effectivement dans les deux régions en crise sécuritaire depuis 2016. Les enlèvements, les attaques à mains armées au cours desquelles des civils et les militaires trouvent la mort se poursuivent dans les deux régions. Bref, la crise anglophone continue de faire les ravages qui présentent plusieurs conséquences sur l’ensemble des populations camerounaises.
Même lorsque le Grand dialogue s’est tenu en 2019, je ne pensais pas que cette crise allait trouver une solution définitive. Il y a quelques jours dans le département de la Manyu, une église a été brulée, plus de cinq religieux parmi lesquels les prêtres ont été enlevés, ce sont les actes inacceptables. On ne peut pas se permettre de procéder à l’enlèvement des personnes civiles sous prétexte qu’on serait en guerre contre les institutions républicaines. Les écoles, les églises, les hôpitaux et les bâtiments publics ne doivent pas être attaqués.
Il s’agit là des crimes de guerre que nous en tant que défenseurs des droits de l’homme ne pouvons pas tolérer. Maintenant, il est important que les autorités étatiques travaillent pour la résolution définitive de cette crise qui paralyse les activités dans deux régions du pays. Je propose au gouvernement de discuter avec les leaders séparatistes qui sont au Cameroun dans le but de résoudre définitivement dans le cadre des réunions informelles par exemple. Nous avons par exemple un leader comme Ayuk Tabe qui est incarcéré à Kondengui.
Le gouvernement peut aussi consulter les membres de la société civile pour trouver une solution définitive à cette crise. Une réforme des institutions républicaines est aussi nécessaire pour la résolution définitive de cette crise.
Lors de la tenue du Grand dialogue, il a été décidé que les deux régions anglophones bénéficient d’un statut particulier, mais l’impact de ce statut particulier n’est toujours pas visible. L’actualité est alimentée par l’arrestation le 19 septembre 2022 de trois militaires soupçonnés d’avoir abattu deux femmes dans la localité d’Andek au Nord-Ouest. A côté de ces cas de bavures, les atrocités des séparatistes sur les civils et les militaires se multiplient dans les deux régions.
Comment les défenseurs des droits de l’homme perçoivent ils ces cas de violation des droits humains ?
Nous sommes très préoccupés par les cas de violations des droits de l’homme dans les deux régions en crise. Pour ce qui concerne les forces de défense, nous saluons déjà le fait que le gouvernement accepte que les éléments des forces de défense peuvent être les présumés responsables de violation des droits de l’homme. Avant lorsque la société civile dénonçait les violations des droits de l’homme des forces de défense, le gouvernement réagissait immédiatement pour démentir les informations communiquées par les associations de défense des droits de l’homme.
Nous voulons que ces militaires interpellés soient jugés conformément aux lois républicaines. Le gouvernement doit également communiquer sur les sanctions infligées à ces forces de défense. Les personnes civiles coupables d’exactions sur les populations doivent également répondre de leurs actes devant les juridictions compétentes. Nous n’encourageons pas la violence mais face à une telle situation, il est important que les solutions durables soient prises pour résoudre définitivement la crise.