Actualités of Thursday, 29 June 2017

Source: actucameroun.com

Crise anglophone: voici la ‘vraie’ histoire de Joe Wirba !

Le député du SDF est revenu au Cameroun Le député du SDF est revenu au Cameroun

Après une sortie remarquée au cours de la session parlementaire de novembre 2016, le député du Sdf avait disparu. On le disait en exil hors du pays pendant qu’on annonçait également un mandat d’arrêt contre lui. Mercredi dernier il est revenu à l’Assemblée. Pour défier ses adversaires ? Joseph Wirba, député du Social Democratic Front (Sdf), sera-t-il arrêté ? Cette question, plusieurs personnes ont dû se la poser après la dernière sortie du parlementaire.

Absent lors de la session de mars, Joseph Wirba a pris part à la séance plénière de mercredi dernier au palais de verre de Ngoa Ekellé. Une séance au cours de laquelle il n’a pas manqué de se faire remarquer. Il a en effet pris la parole pour évoquer la crise dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest (qu’il appelle West Cameroon) contre l’avis du président de l’Assemblée nationale. C’est à grand peine que Cavaye Yeguié Djibril a pu stopper le député du Sdf qui a pu quand même placer quelques phrases.

« J’ai été pourchassé dans la brousse pendant les trois derniers mois (…). Nos enfants ne vont pas à l’école, nos avocats sont en prison et tout ce qui se passe au Cameroun occidental ne vous dit rien. Où, dans votre ordre du jour avez-vous prévu qu’on parle de cela ? Dites-le moi, car vous semblez ne pas avoir un agenda pour nous», a-t-il déclaré, entre autres.

En fait, Joseph Wirba, comme il l’a précisé, est venu reposer un problème qu’il avait déjà soulevé au cours de la session parlementaire de novembre 2016. Le 2 décembre 2016, à travers un discours que l’on n’oubliera pas de sitôt à l’hémicycle de Ngoa Ekellé, il avait interpellé le gouvernement sur la situation que vivaient les populations du Nord-Ouest et du Sud-Ouest. D’après lui, elles vivaient dans la souffrance depuis de nombreuses années. Il avait tenté, disait-il, d’attirer l’attention des membres du gouvernement sur ce qu’elles ressentaient et sur d’éventuelles conséquences.

Et là, il pensait qu’il était temps que les deux Etats qui se sont mis ensemble en 1961 se séparent. « Vous nous faites penser que nous sommes allés au mauvais endroit (…). Le président de la République sait-il que les administrateurs envoyés dans le Cameroun occidental se comportent comme une armée d’occupation ? (…) 50 ans c’est trop (…). J’ai été un partisan du Cameroun unifié, mais avec ce qui se passe à Bamenda et à Buea je suis finalement convaincu que ceux qui disent que le Cameroun doit se séparer ont raison », avait-il lancé.

Et, comme un slogan, il a cité un certain nombre de fois des militants américains : « Quand l’injustice devient la loi, la résistance devient un devoir ». Du côté des régions du Sud-Ouest et du Nord-Ouest, le discours a plu. Le député du Bui a été porté en triomphe lorsqu’il est retourné dans sa circonscription. Mais du côté des autorités, il a moins fait sourire. La sortie de Joseph Wirba a été comprise comme un appel à la sécession. Ce qui était considéré par le pouvoir de Yaoundé comme horrible crime. Quelques jours plus tard, à l’occasion de son traditionnel discours de fin d’année, Paul Biya ne déclarait-il pas : « Nous devons rester ouverts aux idées amélioratives, à l’exclusion toutefois, de celles qui viendraient à toucher à la forme de notre Etat » ?

Tentative d’enlèvement

Dès le mois de janvier, des leaders de la contestation anglophone ont été interpelés et jetés en prison. Le bruit d’une tentative d’interpellation de Joseph Wirba a couru. Le 10 avril 2017, les députés du Sdf ont fait une déclaration au cours de la session parlementaire de mars pour dénoncer un mandat d’arrêt contre leur camarade pourtant couvert par l’immunité parlementaire.

Joseph Wirba, lui-même, avait un peu plus tôt fait part au Chairman du Sdf d’une tentative d’enlèvement. Dans une lettre adressée à John Fru Ndi le 7 mars, il écrivait : « L’ordre de mon arrestation a été donné par Mbarga Nguele sur instruction du Sg de la présidence en collaboration avec le ministre de l’Intérieur (sic). J’ai été averti le 19 janvier et ce même jour ils sont venus à moi. Je les ai conduits dans mon véhicule vers un endroit sûr. J’ai garé la voiture et je suis entré dans le bâtiment où j’ai pris des dispositions pour ma sécurité. Ils sont passé toute la journée et la nuit à attendre près de la voiture avant de réaliser ce qui s’était passé ».

Questions : comment comptait-on arrêter un député sans avoir au préalable levé son immunité ? Etait-il prévu de l’arrêter d’abord, puis de convoquer une session de l’Assemblée nationale à cet effet ? Le député, lui, dit n’avoir pas voulu prendre de risques. Malgré le fait que des proches n’ont cessé de lui rappeler qu’il jouissait d’une immunité parlementaire, il a gardé à l’esprit que le Cameroun était un pays où « les lois n’existent que sur du papier », dit-il dans sa lettre à John Fru Ndi. Absent de la session parlementaire de mars car il craignait pour sa sécurité, il a cependant écrit une lettre à ses camarades de l’Assemblée nationale.

Ciblant principalement les élus des régions du Sud-Ouest et du Nord-Ouest. Cette correspondance signée le 28 mars 2017 a pour objet « Moment historique pour se lever ensemble pour le peuple du Cameroun occidental ». Il écrit que le peuple du Cameroun occidental a été maltraité et opprimé et qu’il est temps que tous les députés se mettent ensemble pour le défendre. Il les appelle notamment à quitter l’Assemblée nationale ». L’appel n’a pas eu d’écho. Est-ce l’inaction des autres qui l’a poussé à revenir ? Car, comme il l’a déclaré mercredi, à quel autre endroit que l’Assemblée nationale peut-il poser le problème de son peuple ? Dans les colonnes du Jour, le député du Bui a déclaré : « Je suis de retour pour poursuivre le combat que mènent les populations du Cameroun occidental depuis quelques années ».

Il a également confirmé qu’il y avait un mandat d’arrêt contre lui. « Si l’emprisonnement est le prix à payer pour avoir parlé au nom de la population, je suis prêt pour cela. Je n’ai eu aucune garantie pour revenir. Vous devez savoir qu’on ne donne pas de garantie dans un pays comme le nôtre. J’ai pris le temps de réfléchir et j’ai réalisé que le peuple avait besoin de moi. Je suis donc là pour défendre ses intérêts. Wirba is back », a-t-il lancé.

De retour, mais pour combien de temps ? Jeudi et vendredi, le député du Sdf n’a plus été aperçu à l’Assemblée nationale. A-t-il repris la clé des champs ? Sa sortie de mercredi dernier a naturellement embarrassé Cavaye Yeguié Djibril, le président de l’Assemblé nationale. Mais elle semble avoir embarrassé également ses camarades du Sdf qui ne s’y attendaient certainement pas.

De source bien informée les élus de cette formation politique ont dû se réunir pour en discuter. Nous n’avons pas pu savoir ce qui en est sorti. Un cadre du parti que nous avons approché pour avoir la position du Sdf par rapport à son bouillant parlementaire nous a renvoyé à la conférence de presse donnée en avril 2017. Si au cours de cette sortie, les députés du Sdf s’étaient insurgés contre « le mandat d’arrêt délivré en toute illégalité par le délégué général à la Sûreté nationale à l’encontre de l’honorable Joseph Wirba, un député couvert par l’immunité parlementaire », il ne reste pas moins que ce dernier n’a pas toujours senti le soutien des siens.

Lâché par John Fru Ndi ?

Au cours d’une réunion du Comité exécutif national du Sdf, le Chairman du Sdf avait affirmé que Joseph Wirba avait exprimé une opinion personnelle à l’Assemblée nationale. Dans sa lettre à son président le 7 mars 2017, le député exprime d’ailleurs une espèce de frustration. Il affirme que John Fru Ndi ne s’est pas tenu à ses côtés pendant les moments difficiles qu’il vivait.

«Je peux me tromper, mais je pense que votre silence total sur un sujet aussi important que j’ai soulevé et qui tient à coeur tous les Camerounais occidentaux, au pays et à l’étranger, encourage les oppresseurs à me traquer impunément. Votre silence m’a fait réaliser que j’étais seul et étant un homme qui peut se tenir sur ses propres pieds, je suis allé de l’avant pour défendre notre peuple et moimême de mon mieux. Et Dieu merci, le peuple s’est tenu à mes côtés, m’a protégé et m’a défendu».

Si Joseph Wirba a surtout fait parler de lui depuis l’éclatement de la crise anglophone actuelle, il n’est pourtant pas à son premier combat. Né le 8 janvier 1960 à Jakiri dans le département du Bui, province du Nord-Ouest, il a fait ses études primaires à Kinsenjam puis secondaires à Bamenda et Nkambé. Il fera ensuite des études de littérature à l’université de Yaoundé avant de commencer une carrière d’enseignant. Celle-ci sera perturbée au début des années 90 quand il se lance corps et âme dans le combat pour la démocratie.

A travers notamment le Sdf, dont il revendique être l’un des militants de la première heure. Joseph Wirba sera aussi très tôt un militant de la cause des populations des régions anglophones du Cameroun. Il participera d’ailleurs de manière active à la « All Anglophone Conference » en 1993 à Buea, tout comme aux rencontres suivantes à Bamenda. Il sera également à un moment très proche du Southern Cameroon National Council (Scnc), un mouvement qui s’est prononcé pour la sécession du Cameroun. Militant panafricaniste, il a participé à plusieurs séminaires à travers l’Afrique. Depuis quelques années, Wirba a mis sur pied dans son village une association dénommée CORA (Care Organization for Rural Assistance).

A travers celle-ci il se bat pour la santé des femmes et des enfants. A travers notamment des campagnes de dépistage et de traitement du cancer. CORA mène également des campagnes dans les écoles pour sensibiliser les jeunes sur les maladies sexuellement transmissibles et le Vih Sida. Il est marié et père de neuf enfants, dont quatre adoptés. C’est à l’issue des élections législatives de 2013 que Joseph Wirba rejoint l’Assemblée nationale.