• Ce jeudi, 26 mai 2022, le Sdf célèbre son 32ème anniversaire .
• Serge Aimé Bikoi appelle donc le parti de Ni John Fru Ndi à se réinventer
• C’est à travers une analyse que le journaliste et éditorialiste à interpellé le fondateur de ce parti de l’opposition
Serge Aimé Bikoi estime que Cette formation politique longtemps présenté comme le principal parti de l’opposition camerounaise, a perdu de sa verve tant elle est victime, 32 ans après, de l’usure, d’une crise sécuritaire dans ses fiefs électoraux et d’une émergence des tendances diamétralement opposées à l’interne.
L’analyse du journaliste et éditorialiste Serge Aimé Bikoi :
Le parti, dont le chairman Ni John Fru Ndi tient toujours les rênes, est, aujourd’hui, écartelé par les dissensions internes. Longtemps présenté comme le principal parti de l’opposition camerounaise, cette formation politique a perdu de sa verve tant elle est victime, 32 ans après, de l’usure, d’une crise sécuritaire dans ses fiefs électoraux et d’une émergence des tendances diamétralement opposées à l’interne.
Les péripéties de la naissance du Social démocratic front (Sdf) l’avaient, le 26 mai 1990, inscrit dans une rupture avec l’ordre établi. A la suite de l’affaire Me Yondo Black Madengue, Henriette Ekwe et Anicet Ekane arrêtés en février 1990 au motif officiel de subversion et de complot contre la sûreté de l’État, mais au motif réel de tentative de création d’un parti politique d’opposition, une entité d’acteurs politiques réunis autour du chairman Ni John Fru Ndi décida d’organiser un parti politique d’opposition dans la ville de Bamenda, en l’occurrence le Social démocratic front (Sdf).
En dépit de l’interdiction, par l’administration et d’une mobilisation des forces de l’ordre, le meeting de création du parti eut lieu le 26 mai 1990 simultanément dans la capitale régionale du Nord-Ouest et dans le campus de l’Université de Yaoundé. Dans le discours de circonstance qu’il prononça à Bamenda, John Fru Ndi décrivit, avec une autorité charismatique, le socle doctrinal du Sdf, défini, de manière allégorique, comme la fin de la misère sociale « Suffer don finish » en pidgin English.
Conformément à la social-démocratie, le Sdf se posa en défenseur de la démocratie, de la justice sociale, de l’égalité des chances et du développement. En dépit de la brutalité de la répression des manifestants ayant entraîné, ce jour-là, six morts, en dépit de la campagne de stigmatisation du Sdf, sa création revêtait le sens du « Non » au monolithisme. Cette politique, qui se situe aux antipodes de la doxa gouvernementale, avait entraîné la crise qui, se répercutant sur l’ensemble du système, avait contraint le gouvernement camerounais à accepter, avec beaucoup de peine et de nostalgie, la légalisation du multiculturalisme à la fin de l’année 90.
A la suite de l’Union des populations du Cameroun (Upc), qui avait forgé sa lutte pour l’indépendance sur la propagande pour une société juste, libre, indépendante et démocratique, le Sdf a bâti, de manière stratégique, son socle idéologique sur le Socialisme démocratique véhiculé, à travers le pays, depuis les luttes anticoloniales. Ses militants le définissent, en effet, comme un parti enraciné dans l’opposition caractérisée par une véritable légitimité aussi bien dans ses méthodes d’action politique que dans sa lutte pour l’alternance démocratique. Illico presto, le parti du chairman Ni John Fru Ndi s’était imposé comme la principale formation politique de l’opposition camerounaise avec slogan choisi « Power to the people and equal chance for all »(Pouvoir au peuple et égalité des chances pour tous).
Cependant, le Sdf a été en butte à des problèmes structurels et fonctionnels ayant participé à l’érosion progressive de son auditoire et de son électorat, qui est passé de 36% à l’élection présidentielle du 11 octobre 1992 à 3% à la présidentielle du 7 octobre 2018. Même dans l’appareil du pouvoir législatif, les scores du Sdf se sont amoindri.
Le parti avait obtenu 43 sièges aux élections législatives des 17 mai et 3 août 1997. De 1997 au 9 février 2020, date du déroulement du double scrutin législatif et municipal, le parti n’a eu que cinq sièges de députés. Cette formation politique continue d’exprimer ses préoccupations relativement à l’effondrement de ses bastions électoraux dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest. Avec la vingtaine d’élus locaux, de Sdf apporte le vernis démocratique dans les chambres haute et basse du parlement aujourd’hui contrôlé par une majorité obèse du Rdpc.
Au fil des années, deux reproches fondés ou non ont été faits au Sdf, en l’occurrence l’embourgeoisement de l’élite et les soupçons de connivence entre le parti de la balance et le parti au pouvoir. Si de manière globale, la chute libre de ce parti est attribuée au conflit armé, qui sévit, depuis cinq ans, dans les zones anglophones, fiefs électoraux dits naturels, des cadres du directoire décrient, depuis trois décennies, une litanie de déterminants à l’origine cette descente aux enfers : le mauvais jeu du pouvoir de Yaoundé ; l’État autoritariste consolidé par la Préfectorale aux ordres du système gouvernant en place ; les failles et dysfonctionnements du système électoral actuel, dont il est urgent d’opérationnaliser les réformes ; la régression dans l’application des formes de libertés publiques et l’embrigadement de la justice camerounaise.
Depuis l’ère de la présidentielle 2018, il y a eu une guerre de leadership entamée par certains conservateurs. Cela s’est, en effet, ressenti dès la désignation de Joshua Nambangi Osih comme candidat du Sdf à la dernière présidentielle. En fait, le 1er vice-président national a, très peu, bénéficié du soutien des caciques du parti tant il y a eu des disputes et des dissensions.
C’est pourquoi les ténors se sont moins impliqué dans la dynamique de la campagne de J. Osih. Même le chairman Ni John Fru Ndi n’a pas joué un rôle stabilisateur à cette époque-là. Toute chose qui devait, éventuellement, contribuer à faire les querelles internes déjà visibles. La déconvenue à la présidentielle avait laissé des séquelles. Au sein de cette formation politique, des voix dissonantes s’étaient faites entendre. C’est le cas de la branche Allemagne, où des militants avaient réclamé « la démission de l’honorable J. Osih de son poste de premier vice-président national du parti », ainsi qu’un « rajeunissement » de la classe dirigeante.
Récemment lors de la célébration du cinquantenaire de l’État unitaire, le parti de la balance a, manifestement, affiché ses divisions internes. Alors que l’aile dure à décidé de boycotter la parade civile du 20 mai 2022 sur l’ensemble du triangle national, l’aile modérée y a pris part.
En dépit de l’ultime décision du patron du parti de participer à la célébration de cette fête nationale, Jean-Michel Nintcheu, Emmanuel Ntonga, respectivement président régional du Sdf pour le Littoral et président régional du Sdf pour le Centre et leurs camarades ont joué aux abonnés absents. Au sortir de la réflexion sur le 32ème anniversaire, célébré ce jeudi, 26 mai 2022, le Sdf doit, impérativement, faire son introspection, son aggiornamento, opérer sa métamorphose, renouveler le leadership dirigeant, se réinventer et tenir un nouveau discours susceptible de fédérer les énergies de l’ensemble des cadres et militants de cette formation politique de l’opposition camerounaise.
Serge Aimé Bikoi