Le membre présumé d’un réseau a raconté devant le TCS le supposé rôle qu’il jouait dans le déblocage de gros décaissements indus dans le Trésor public.
A chaque audience, son train de révélations dans le scandale des 35 fausses décisions de paiement du ministre des Finances (Minfi). Serges Fombi, prétendument «agent d’appui» au Minfi, a décrit sa participation présumée au sujet de la supposée complicité de détournement de 1,1 milliard de francs à l’aide des décisions évoquées. C’était le 15 juillet, au bout d’un interrogatoire mené par les conseils de l’Etat dans la procédure pendante devant le Tribunal criminel spécial (TCS).
Le forfait déploré, selon l’accusation, a été réalisé entre mars 2017 et octobre 2018 par un réseau qui s’est spécialisé dans le recyclage des décisions du Minfi. Le mode opératoire de la fraude, indique l’accusation, consistait à modifier ou à scanner certaines données contenues dans les décisions de décaissement effectivement signées du ministre. Et, au goût du réseau, l’objet de la décision, le nom du bénéficiaire, le montant à payer (augmenté ou revu à la baisse) étaient ainsi falsifiés. Néanmoins, la date, les visas et le numéro d’ordre du dossier étaient conservés pour donner au document relooké un semblant de normalité.
Pour recueillir les fonds issus de la fraude, ajoute l’accusation, le réseau recrutait au préalable «des porteurs», en fait des agents publics au profit desquels les paiements (indus) allaient être effectués. Le réseau mentionnait les noms et matricules des «porteurs» dans les fausses décisions. Quand le «porteur» décaissait le butin à la Paierie générale du Trésor, il le remettait au réseau puis recevait sa «quote-part».
Partage du butin
Pendant son témoignage, M. Fombi a expliqué qu’il n’a recruté pour le compte du réseau qu’un seul «porteur», notamment Nicette Nkono Oyono épouse Ayo, sa coaccusée. Il se souvient avoir perçu une quote-part «se situant dans la fourchette de 500 mille et 1 million de francs». Il affirme que c’est un certain Nkomo Denis qui lui remettait les dossiers des «porteurs» qu’il faisait parvenir auprès de son coaccusé, André Ela Obiang, en fonction au service du contrôle des engagements comptables au Minfi au moment des faits. Dans ce service sont traités les dossiers de déblocages des fonds pour les dépenses de l’Etat.
Une fois que l’argent était débloqué, raconte M. Fombi, il était remis à M. Komo qui procédait au partage du butin entre les membres du réseau dont il ignore l’identité, en promettant de remettre le reste «à qui de droit», «à la hiérarchie». «Combien de fois avez-vous reçu de quote-part venant de M. Komo» , interroge un avocat. «Je ne peux pas dire avec exactitude le nombre de fois» , réagit l’accusé. Pour l’accusation, M. Komo est un personnage imaginaire inventé par les accusés.
Interrogé sur la scène du partage, M. Fombi a prétendu qu’il se contentait de recevoir sa quote-part et ne se préoccupait pas du sort du reste de l’enveloppe. Mais les conseils de l’Etat l’ont confondu avec quelques extraits de ses déclarations faites pendant les enquêtes. Il lui sera rappelé qu’il a dit pendant l’information judiciaire que sa contrepartie variait entre 1 et 3 millions de francs. Mais l’accusé est resté ferme sur sa position.
M. Mbang Oliboko Honoré, le représentant du Minfi, a pris le relai, lisant de larges extraits des déclarations de l’accusé faites devant la police, et dans lesquels M. Fombi révèle qu’il contribuait au partage du butin aux côtés de M. Komo et M. Ela Obiang. «Le bénéficiaire de circonstance, dit-l’accusé, était porté par l’un de nous qui déchargeait la part du bénéficiaire-porteur fixé par Komo Denis. Le reliquat était partagé entre [nous trois].» Le représentant du Minfi a souhaité davantage explication sur la «contradiction». «Concernant les autres bénéficiaires, indique M. Fombi, c’est M. Ela Obiang qui retirait les matricules et il m’a dit de les recevoir. Il n’y a aucune contradiction»
Quote-part de la hiérarchie
Le représentant du Minfi a poursuivi en lisant un extrait des déclarations faites cette fois par M. Ela Obiang devant la police : «Après chaque décaissement, Fombi Serge disait qu’il devrait rendre compte à son chef avant de nous donner notre quote-part» , suscitant la réaction de l’accusé. «Je n’ai rien à dire à ce sujet» , réagit M. Fombi. «Qui parmi vous prélevait donc ce que vous disiez être la quote-part de la hiérarchie ?» , relance M. Mbang Oliboko. «En ce qui me concerne, répond M. Fombi, je percevais ma quote-part. L’argent était remis M. Komo je suppose que c’est lui qui la prélevait.» Le représentant du Minfi a de nouveau suscité la réaction de l’accuse sur une autre déclaration faite par M. Ela Obiang lors de sa confrontation avec M. Fombi devant le juge d’instruction : «C’est Fombi Serges qui prélevait la quote-part destinée à la hiérarchie sur les sommes indûment payées» . «Je n’ai rien à dire» , a conclu M. Fombi dont le contre-interrogatoire par le procureur est prévu le 25 juillet prochain.
En rappel, 11 fonctionnaires sont traduits devant le TCS pour s’être fait fabriquer 35 fausses décisions du ministre des Finances autorisant de gros paiement et l’aide desquelles ils se seraient servis dans les caisses de l’Etat. La plupart des mis en cause sont passés aux aveux complets quand d’autres nient les faits au bout des lèvres.