La Cour de Justice de la CEMAC (CJ-CEMAC) vient de rendre public l’Avis n°3/2022 du 16 novembre 2022 sur une question que lui a posée le Gouverneur de la BEAC sur la légalité de la salvatrice résolution n°8 prise par le Comité Ministériel de l’UMAC, suspendant le processus du simulacre de concours de recrutement des Agents d’Encadrement Supérieur pour l’année 2022, aux fins de préserver l’ordre public dans les six Etats.
Le personnel de la BEAC en général et les Agents d’Encadrement Supérieur en particulier, par ma modeste voix, confirment leur totale et indéfectible solidarité au Comité Ministériel de l’UMAC relativement à cette suspension, qui devrait même être transformée en une annulation pure et simple, sans attendre l’audit indépendant annoncé. Le personnel de la BEAC tient à son statut et à sa réputation. Il n’accepte aucunement que son statut et sa réputation soient galvaudés par des velléités népotistes d’un personnage qui s’affirme en transit pour briquer la magistrature suprême dans son pays.
Le respect des textes et des institutions fait partie des traits saillants de la culture organisationnelle de la BEAC. C’est pour cela que par respect pour la CJ-CEMAC, le personnel s’abstient de questionner l’Avis n°3 de cette institution. Néanmoins, comme il ne s’agit que d’un avis et non d’une décision de justice, le Personnel relève que l’observateur avisé pourrait interroger la neutralité de la Cour qui s’est aventurée à répondre à une question qui ne lui a pas été posée. La question du Gouverneur était de savoir, si « d’un point de vue juridique strict » le Comité Ministériel était fondé de prendre cette résolution. Le Gouverneur n’a pas demandé ce qui devrait advenir de cette résolution n°8…parce qu’il savait (ce n’est qu’une hypothèse) que toutes les décisions des instances supérieures d’une organisation communautaire comme la BEAC prennent en compte d’autres paramètres, en plus du droit, et que bien souvent l’intérêt supérieur de l’organisation, la préservation de l’ordre public ou l’intérêt supérieur des Etats peuvent avoir la primauté sur les lois et règlements, quand les circonstances l’exigent. D’où vient-il alors que la Cour dans son avis aille jusqu’à prescrire que « la résolution n°8 doit logiquement être rapportée » ? Personne n’attend de toute façon une réponse à cette question, parce que nulle n’ignore que les décisions de justice manquent notoirement d’autorité morale dans nos six Etats. Nos administrations de la justice portent le maillot jaune de la corruption à l’issue de toutes les études conduites par les organismes spécialisés en la matière. Il y a simplement lieu de renvoyer chaque juge signataire de cet avis devant sa conscience, pour compter combien de fois dans sa carrière et même à la CJ-CEMAC, il a rendu ou a contribué à rendre une décision inique, moyennant de l’argent ou d’autres formes de gains personnels.
Cela dit, le personnel attire l’attention des organes sociaux de la BEAC (Conseil d’Administration, Comité Ministériel et Conférence des Chefs d’Etat) qu’au lieu de se perdre dans un juridisme improductif et dommageable, il est urgent d’appréhender la portée éthique du népotisme nourrie de fraude organisé par le Gouverneur de la BEAC en vue de recruter treize (13) membres de sa famille dans l’encadrement supérieur de la BEAC. La dimension éthique de cette aventure s’hypertrophie à la triste réalité que ce Gouverneur a déjà recruté, à rebours de toutes les procédures prévues par les textes en vigueur, cinquante-cinq (55) agents de nationalité tchadienne aux Service Centraux à Yaoundé.
Comme l’éthique commence là où finit le droit, elle est supérieure au droit dans un contexte institutionnel vertueux. Du point de vue éthique, la fraude aux relents népotistes organisée par le Gouverneur de la BEAC pour sécuriser des revenus salariaux indus aux membres de sa famille, en les recrutant comme cadres à la BEAC est un acte hautement répréhensible passible de la sanction sociale la plus dissuasive pour ces succédanés. Il doit être relevé de ses fonctions, ses complices connus avec. En voici une démonstration en quatre points non exhaustifs :
1. En dehors du fait qu’elle est incriminable en elle-même et réprimée par les codes pénaux de nos Etats, la fraude organisée par le Gouverneur de la BEAC ouvre la porte à l’inefficience. Les recrutements frauduleux permettent à des personnes sans compétence de se retrouver à gagner des salaires de rente, sans réellement contrepartie. Or, il est démontré que les inefficiences réduisent le bien commun et doivent être évitées, parce qu’elles causent du tort à la société. Si ce concours frauduleux devait se poursuivre, le bien commun de la CEMAC en serait davantage réduit subséquemment, à cause des inefficiences intrinsèques associées à ce processus.
2. La CJ-CEMAC nous a démontré les insuffisances et l’incomplétude de la Convention de l’Union Monétaire de l’Afrique Centrale (UMAC) et des textes postérieurs en ce qui concerne la BEAC. Cependant, du point de vue de l’éthique, le Gouverneur est tenu d’agir avec responsabilité en situation d’incomplétude des lois et règlements. Malheureusement, il scande sa « compétence exclusive » de recruter les cadres, alors qu’il est interpellé sur sa manière dommageable d’exercer cette prérogative. Si le général ABBAS TOLLI avait ne fût-ce qu’une faible dose d’engagement moral, il aurait dû se montrer vertueux et reprendre le processus, comme le lui avait suggéré la Direction de l’Audit Interne, avant que le Président du Conseil d’Administration ne se saisisse du scandale, parce que ce processus sensible est notoirement entaché d’irrégularités avérées et documentées. Par ailleurs, le respect de la hiérarchie constitue un choix collectif dans les organisations en Afrique, et plus encore en Afrique Centrale. Choisir l’insubordination face au Président du Conseil d’Administration et de tout un Comité Ministériel est un rejet préjudiciable de ce choix collectif. Il est à craindre que le Général ABBAS TOLLI assigne les Chefs d’Etats à la Cour Communautaire de justice, si ceux-ci venaient à lui retirer leur confiance, comme les circonstances semblent l’imposer. Vraiment ridicule et indigne d’un militaire censé connaitre mieux que tous l’importance de la discipline et du respect de la hiérarchie !
3. D’un point de vue purement utilitariste, les coûts nets de la décision de poursuivre un recrutement émaillé d’irrégularités et décrié par une majorité des parties prenantes sont de loin plus élevés que les coûts nets de la décision d’annuler ce processus. La poursuite entrainerait des conséquences irréparables et durables sur la culture de transparence, de compétence, de rigueur et de probité morale de la Banque Centrale. Elle reviendrait à tuer la BEAC dans son âme, à tuer la BEAC tout court. Par contre, annuler le processus ne présente que des coûts financiers avec l’énorme avantage qu’il démontrerait aux yeux de tous que la BEAC est une institution communautaire qui résiste aux dirigeants aux petites âmes qui tenteraient de la fragiliser. De ce point de vue philosophique, la décision du Comité Ministériel est à défendre par tous.
4. Enfin, dans une perspective Kantienne des fondements des droits moraux, simuler l’organisation d’un concours de recrutement alors que ceux qui seront recrutés sont connus à l’avance ne peut pas être érigé en maxime universelle. Le Général ABBAS TOLLI, dans l’exercice de ses « compétences exclusives » aurait été plus honnête en recrutant ses treize (13) parents, comme il a recruté les 55 agents tchadiens aux Services Centraux de la BEAC. C’est diabolique et inhumain de mobiliser des candidats à travers le monde entier alors qu’on sait déjà qui sera recruté. Pour cette raison, ce concours doit être annulé. Par ailleurs, l’escalade de l’engagement observé chez le général ABBAS TOLLI dans la poursuite de ce processus vicié ne peut pas non plus être érigée en maxime universelle. C’est une sagesse séculaire chez les humains de reprendre à zéro quand c’est mal fait : l’habillage de ce recrutement problématique par un concours en vue de lui donner un visage impartial s’est mal passé (grâce à Dieu ?!), il faut tout simplement annuler ce concours. Enfin, la véhémence avec laquelle le Général ABBAS TOLLI réprime tous les cadres qui ont avis contraire au sien dans tous les domaines dans la gestion courante de la BEAC, laisse croire sans risque de se tromper qu’il ne pourrais jamais tolérer une attitude d’insubordination et d’irrévérence similaire à celle qu’icelui affiche vis-à-vis du Président du Conseil d’Administration et de tout un Comité Ministériel. Cet autre point de vue philosophique condamne les actions notre Gouverneur-dieu.
Au terme de ce plaidoyer qui établit la culpabilité morale du Général ABBAS TOLLI, le Personnel de la BEAC lance un cris de désespoir aux Excellences les Chefs d’Etat. Il précise qu’il est urgent que la Conférence des Chefs d’Etats se réunisse sans délai pour interrompre le mandat du Général ABBAS TOLLI et former un nouveau Gouvernement de la BEAC,
Le Personnel de la BEAC attire la très haute attention des Chefs d’Etat sur l’extrême gravité de ce qui se passe actuellement à la BEAC, où un Gouverneur pris en flagrant délit de fraude et de népotisme exacerbé, affronte les autorités monétaires des six Etats. Il relève les principales leçons à tirer de ce phénomène inédit assorties de quatre (04) recommandations,
1. L’Avis n°3 de la Cour de Justice de la CEMAC rend urgent une révision de la Convention de l’UMAC. Il montre que les Etats propriétaires de la BEAC (actionnaires) n’ont pas de contrôle sur le Conseil d’Administration de la BEAC investi des pouvoirs les plus étendus pour gérer la Banque Centrale. Certains pourraient évoquer l’indépendance universelle des banques centrales pour justifier cette impropriété, qui s’assimilerait, en droit OHADA, à une assemblée générale des actionnaires sans le moindre contrôle sur le conseil d’administration. La Banque Centrale a besoin d’indépendance pour conduire une politique monétaire hors de portée de l’influence politique du gouvernement conducteur de la politique économique et budgétaire. En dehors de cet aspect, elle demeure une organisation, comme toute autre, nécessitant un dispositif de Gouvernance éprouvé. Le Comité Ministériel fait partie de ce dispositif. Son pouvoir et son autorité sur le Conseil d’Administration et sur le Gouverneur doivent être expressément consacrés par les textes. Il devrait même être autorisé à suspendre un Gouverneur indélicat dans circonstances clairement listées qui l’exigent, sous forme de mesure conservatoire, en attendant une décision de la Conférence des Chefs d’Etat. L’affront que fait subir le Gouverneur de la BEAC au Comité Ministériel de l’UMAC relativement à ce scandale éthique témoigne clairement de la nécessité de cette réforme.
2. La divergence observée entre la résolution n°6 du Conseil d’Administration et la Résolution n°8 du Comité Ministériel démontre que les représentants des Etats dans les instances de la BEAC ne parlent pas d’une même voix. Cela est préoccupant. Les Chefs d’Etat devraient réexaminer le mode de désignation des administrateurs de la BEAC. Ceux-ci, pour la plupart, perdent leur indépendance de jugement en développant systématiquement des affinités contrenatures et contreproductives avec le Gouverneur. En guise d’exemple et pour ne citer que le dernier cas en date, on a pu voir comment l’Administrateur ESSOMBA NDONGO s’est allié avec le Gouverneur de la BEAC contre le Ministre camerounais des finances (Autorité Monétaire) pour faire nommer son frère de même groupe ethnique, NKOA AYISSI Pierre Emmanuel, aux fonctions de Directeur National pour le Cameroun…Cet administrateur est aujourd’hui au sein du Conseil d’Administration parmi les soutiens les plus actifs de ce Gouverneur au cœur endurci. Ces exemples sont nombreux.
3. L’attitude irrévérencieuse du Général ABBAS TOLLI illustre les dangers qu’il y a à pourvoir les hautes fonctions communautaires sur la base des critères autres que le mérite et la compétence. Les observateurs avisés n’ont pas compris comment le Général ABBAS TOLLI a pu être nommé Gouverneur de la BEAC alors qu’il a été relevé de ses fonctions de Secrétaire Général de la BEAC, pour incompétence, quelques années avant par la même Conférence des Chefs d’Etat…
4. La fait que le personnel de la BEAC soit obligé de s’exprimer sous anonymat par la presse sur ce tumulte éthique établit la nécessité de revisiter les statuts de la BEAC pour réserver un poste de membre du Conseil d’Administration au personnel, qui est une partie prenante importante dans la conduite des activités et la prospérité de la Banque Centrale commune aux six (06) Etats de la CEMAC. Les bonnes pratiques établissent cela comme une tendance opportune.
Le Personnel de la BEAC salue enfin la promptitude avec laquelle le Président Denis SASSOU NGUESSO a limogé son Ministre des Finances, Rigobert Roger ANDELY, dont le nom a été cité dans ce scandale éthique pour avoir obtenu du Général ABBAS TOLLI, la promotion à l’encadrement supérieur de son épouse, à rebours des textes et procédures en vigueur. Il encourage les autres Chefs d’Etat à suivre cet exemple, en neutralisant tous ceux qui empêchent ou compromettent le fonctionnement harmonieux de notre précieuse Banque Centrale. C’est bien le cas de Messieurs (1) EBE MOLINA qui veut rempiler alors que l’esprit des textes consacre un mandat unique, (2) BONCANCA TABARES Carlos, le principal allié du Gouverneur dans ses manœuvres de népotisme véreux, (3) ABOUBACAR SALAO, le consultant à impair et apologiste du Gouverneur et tous les Administrateurs de la BEAC qui ont perdu leur indépendance de jugement à l’instar de ESSOMBA NDONGO et autres.
Pour le Personnel de la BEAC
Signé, Dr AZOMBO ANGOULA Mérimée