Sans se laisser décourager par les risques potentiels sur la santé, l’utilisation des produits éclaircissants est devenue une obsession chez certaines femmes au Cameroun.
Sur son Smartphone, Pauliana, 28 ans, regarde quelques anciennes photos d’elle. Sur ces images prises lors des fêtes de fin d’année 2021, la jeune dame avait la peau noire. Mais ça, c’était avant ; aujourd’hui, la native d’Edéa a la peau claire. Trop claire même. « On me demande souvent si ma mère est métisse », dit-elle, l’air contente de sa « transformation ». Pauliana utilise des produits dépigmentant.
Crèmes, gels, laits corporels et savons, seuls ou en association… Elle s'en est appliquée sur tout le corps pendant six mois. Un choix esthétique avant tout, assure la jeune femme. « J'ai commencé à utiliser les produits de dépigmentation pour être plus belle, avoir une peau rayonnante », se souvient-elle. Mais derrière ce culte de la beauté, se cachent aussi des rêves d’épouser un homme riche. « Les hommes adorent ce qui brille, rigole-t-elle. Quand vous êtes belles et avez un teint aussi clair, vous attirez forcément plus d’hommes. Et pas n’importe quels hommes ! Les hommes friqués ». Au début, les effets sont ceux escomptés. Pauliana a le teint de ses rêves et les hommes lui courent après.
Addiction
Sans se laisser décourager pas les railleries de ceux qui l’ont connue avant sa métamorphose ou les campagnes de sensibilisation sur les risques potentiels de l’utilisation des produits de dépigmentation, la jeune dame ne voit aucune raison d'arrêter. « Mais au fur et à mesure, on commence à ressentir des effets petit à petit. Les phalanges des doigts et des pieds commencent à noircir. Les genoux et les coudes aussi. Tantôt ce sont les vergetures qui réapparaissent au niveau des bras et des entrecuisses », se souvient-elle. « A ce moment, c’est la panique. Mais on se dit qu’il ne faut pas paniquer. On est alors pris dans une sorte d’engrenage. On se dit que si on arrête, notre peau va prendre des couleurs étranges et on sera ridicule ». La solution ? Prendre des produits encore plus « puissants » que les précédents.
Une « drogue »
L’utilisation continue de ces crèmes finit par entraîner une dépendance ou une accoutumance, car une fois le traitement interrompu, la peau retrouve sa couleur d’origine. Ou vire vers une autre. Une fois, Mélanie a cessé d’utiliser ses produits faute de moyens financiers. « Peu après, de petites plaques sont apparues sur mon corps, se souvient-elle. J’ai cru que c’était un cancer de la peau. Depuis, je n’arrête pas d’utiliser ces produits. C’est déjà comme une drogue ». D’autres femmes préfèrent les injectables visant à éclaircir la peau. Même s’ils sont présentés comme les produits les plus dangereux disponibles actuellement, de nombreuses personnes les achètent sur les marchés informels. Pour les amateurs de ces produits éclaircissants, les croyances sont les mêmes : la peau claire symbolise la propreté, la civilisation et surtout la beauté. Mais ce culte de la blancheur à tout prix et à tous les prix, a pris avec le temps une position plutôt dangereuse.
En 2020, l’Etat a décidé de taxer les produits éclaircissants. Mais la mesure ne ralenti pas le phénomène. Certains fabricants ont même trouver une astuce : ne pas indiquer sur l’emballage de leurs produits le nom des substances interdites. Les produits de blanchiment de la peau sont de plus en plus accessibles en vente libre dans les pharmacies et même dans les rues, les marchés et sur Internet.