Dans une lettre de réforme récemment publiée, l'ingénieur financier et fondateur du cabinet Prescriptor interpelle directement le président Paul Biya. Il l'exhorte à surprendre ses soutiens politiques en décidant de ne pas se porter candidat lors du scrutin présidentiel de 2025, ouvrant ainsi la voie à un renouvellement du leadership politique camerounais.
Extrait de la lettre à Paul Biya
» Monsieur le Président National du RDPC Moi, Babissakana, né le 4 mars 1965 à Bongando, village mythique du Canton Elip, Arrondissement de Bokito, Département du Mbam et Inoubou, Ingénieur Financier, Laïc Spiritain Associé, j’ai l’honneur de vous adresser la présente lettre de réforme en ma qualité de modeste citoyen camerounais, pauvre serviteur du Créateur du ciel et de la terre. En cette matinée du 6 novembre 2024, lors de la prière matinale de ma famille, l’Esprit Saint de Dieu m’interpelle en m’indiquant de vous écrire sur l’avenir du peuple de Dieu établi au Cameroun. J’ai donc investi 17 jours de travail pour écrire la présente lettre.
En cette veille de l’élection présidentielle au Cameroun en 2025, la question de l’avenir du pays est au centre des préoccupations des citoyens et des autres parties prenantes nationales, continentales et internationales. Quelles innovations, quels programmes, quelles performances et quelle place pour le Cameroun dans le contexte de la vision de l’Union Africaine qui est de devenir à l’horizon 2063 une Afrique intégrée, prospère et pacifique, dirigée par ses propres citoyens et représentant une force dynamique dans l’arène internationale ?
Dans ce contexte, la présente lettre de réforme est un appel au Patriarche Politique Senior que vous êtes à passer la main, le plus tôt possible, à une autre Signature du RDPC pour porter l’offre de gouvernement de cette entreprise politique en position dominante, mais qui a un grand besoin de renouvellement de son leadership. Cette réforme peut désenclaver, décloisonner et dynamiser le marché politique national pour une concurrence saine et loyale à même de faciliter l’accès à cette haute charge publique visant la satisfaction des besoins et des attentes politiques, économiques, sociales et environnementales des camerounais.
La lettre est structurée en trois points : (i) le constat d’échec de la vision du Cameroun à l’horizon 2035 ; (ii) l’urgence d’une nouvelle vision à l’horizon de l’agenda de l’Union Africaine et (iii) l’impérieuse nécessité d’un nouveau leadership politique fort, innovant et réformateur.
1. CONSTAT D’ÉCHEC D’UN CAMEROUN, NOUVEAU PAYS INDUSTRIALISÉ À L’HORIZON 2035
La trajectoire des performances économiques et sociales du Cameroun pour les quinze dernières années et les perspectives à moyen terme au rythme actuel, nous indiquent l’impossibilité mathématique et statistique de réaliser l’ambition de devenir un nouveau pays industrialisé (un pays à revenue intermédiaire) à l’horizon de 2035. En utilisant les données publiées par la Banque Mondiale, en 2008, notre PIB par habitant était de 1 476 $US courants. En 2023, le PIB/habitant n’était que de 1 674 $US soit une hausse minable de 198$US ou 13,41% en 15 ans, c’est-à-dire une croissance moyenne annuelle de 0,9% qui est largement inférieure à la croissance de démographique annuelle pas loin de 3%. En 2023, le PIB/habitant des pays à revenu intermédiaire était de 6 267 $US avec 2 414 $US pour la tranche inférieure. Il est donc clair qu’au rythme actuel et prévisible, l’écart de croissance du PIB par rapport à la tranche intérieure étant de 740 $US, il faut une cinquantaine d’années pour y parvenir. Quatre (4) principaux facteurs peuvent justifier ce cercle vicieux auto-entretenu de contre-performances économiques structurelles.
I.1. Le renoncement à bâtir un Etat-Industriel et créateur de prospérité partagée
Le niveau d’industrialisation du Cameroun reste en quasi-stagnation depuis plus de 12 ans en référence notamment à l’année 2010. Quatre (4) indicateurs usuels de la performance industrielle élaborés par l’ONUDI peuvent être utilisés pour confirmer ce constat amer. (i) La part de la valeur ajoutée manufacturière dans le PIB du Cameroun est passée de 15,1% en 2010 à 14,08% en 2015 et à 15,7% en 2021. (ii) La valeur ajoutée manufacturière par habitant est passée de 172 $US en 2010 à 184 $US en 2015 et à 213$US en 2021. (iii) La part des exportations manufacturées dans les exportations totales est passée de 32,80% en 2010 à 26,25% en 2015 et à 24,70% en 2020. (iv) Les exportations manufacturées par habitant sont passées de 62$US en 2010 à 46$US en 2015. Cette contreperformance industrielle du Cameroun peut, en l’occurrence, être illustrée par quatre (4) entreprises industrielles publiques pour lesquelles l’Etat du Cameroun s’illustre comme un actionnaire majoritaire défaillant : (i) l’ALUCAM contrôlée à 94% par l’Etat n’arrive pas à déployer son plan d’investissement avec son projet d’extension de 100 000 à 300 000 tonnes ; (ii) le CNIC contrôlé à 99,51% par l’Etat n’arrive pas à mettre en œuvre son plan stratégique d’investissement et à achever le projet de Yard Pétrolier de Limbé ; (iii) la CICAM contrôlée à 100% par l’Etat s’illustre par un plan de restructuration devenu un serpent de mer et (iv) la SONARA contrôlée à 96% par l’Etat dont l’outil industriel s’est effondré en 2019, est devenue à ce jour un simple marketeur de produits pétroliers.
L’industrie reste le principal levier de compétitivité et de prospérité des pays. La compétitivité d’un pays étant définie comme son aptitude à atteindre durablement un niveau élevé de PIB par habitant, celle-ci reste déterminée principalement par les progrès réalisés par son secteur industriel. Les Etats industrialisés de la planète ne le sont principalement que par leur capacité à offrir aux populations ou ménages des biens et services de plus en plus élaborés, c’est-à-dire à fort contenu d’intelligence ou de science pour satisfaire leurs besoins. Au regard des faibles performances constatées, vous avez de fait renoncé à bâtir un Etat-industriel, seul capable de porter et de stimuler la prospérité et de la partager entre ses citoyens.
I.2. La préférence pour un Etat dépensier et protecteur de scandales financiers
Comme le retrace le tableau ci-après tiré des lois de finances, le choix de la préférence des dépenses courantes en comparaison aux dépenses d’investissement est le reflet de la prédominance d’un Etat dépensier, non-économe, ayant un train de vie anormalement élevé, et offrant paradoxalement des services publics à un grand nombre de citoyens pauvres (10,1 millions en 2022). Ainsi, le budget d’investissement public est passé de 25,9% du budget total en 2009 à seulement 18% en 2022 et à l’inverse, le budget des dépenses de fonctionnement est passé de 74,1% en 2009 à 81,95% en 2022.
Ces dernières années, le fonctionnement de l’Etat du Cameroun s’illustre par une forte propension à générer les scandales financiers (Fonds du COVID-19, Fonds de la CAN, Fonds du pétrole avec Glencore, Fonds des lignes 65 et 94, etc.) dans un contexte de corruption rampante confirmée par les rapports successifs de la CONAC. Le comble tant que ces scandales financiers s’accumulent et les structures de l’Etat s’illustrent par l’incapacité d’assainissement et de sanctions, bref une sorte de protection et d’encouragement des acteurs impliqués qui se pavanent allègrement en se moquant des auditeurs juridictionnels et des inspecteurs d’Etat.
I.3. L’entretien du cercle vicieux de pauvreté et démission à construire un modèle social basé sur l’unité et la solidité des familles
L’Etat s’illustre par une sorte de maintenance et d’entretien du cercle vicieux de pauvreté au Cameroun. Le taux de pauvreté selon les statistiques de l’INS, est passé de 39,9% de la population en 2007 à 37,5% en 2014 et à 37,7% en 2022 soit environ quatre personnes sur dix. La population camerounaise étant estimée à 26,7 millions d’habitants en 2022, il est établi que 10,1 millions de citoyens sont pauvres et vivent avec moins de 813 FCFA par jour, soit 24 724 FCFA par mois. Pour ces 10,1 millions de camerounais, un bon nombre n’a pas d’emploi et donc de revenus. Ils ne vivent que de l’assistance sociale fournie essentiellement par leurs familles.
Dans chaque pays moderne, le choix d’un modèle social ou de société se traduit par l’adoption d’un système d’imposition et de redistribution des revenus marqué par la définition de l’unité pertinente pour évaluer les besoins et le pouvoir d’achat en vue de prendre les mesures correctrices ou préventives nécessaires. Il y a donc une alternative entre l’individu (individualisation) ou la famille (familiarisation) comme unité de référence pour le système fiscal et redistributif. Par la promulgation de la loi n°2002/014 du 30 décembre 2002 portant loi de finances de la République du Cameroun pour l’exercice 2003, vous avez adopté l’individualisation de l’impôt sur le revenu des personnes physiques et ses implications nocives pour les familles (une famille = deux déclarations annuelles de revenus) en supprimant l’article 26 de la loi n° 2002/003 du 19 avril 2002 portant code général des impôts qui disposait : « Chaque chef de famille est soumis à l’impôt sur le revenu des personnes physiques, tant à raison de ses revenus personnels que ceux de sa femme et de ses enfants considérés comme étant à sa charge au sens de l’article 99 ci-après ». L’article 99 qui a été aussi supprimé disposait : « Sont considérés comme étant à la charge du contribuable, à condition de n’avoir pas de revenus distincts de ceux qui servent de base à l’imposition de ce dernier, ses enfants légitimes, adoptifs ou légalement reconnus, inscrits à l’état civil et âgés de moins de dix-huit ans, ou infirmes ou élèves d’un établissement public ou privé d’enseignement ». L’article 100 a également été supprimé : « La situation et les charges de la famille dont il doit être tenu compte sont celles existant au 1er janvier de l’année d’imposition. »
Pourtant, l’unité de référence constitutive de la société est bel et bien la famille au sens large. La famille correspond bien au concept de foyer familial ou alors de foyer fiscal ou de ménage au sens économique. Dans la mesure où la famille est la cellule de base de la société dans laquelle se partage ses ressources, c’est bien sa situation globale qui doit être à la base non seulement de la détermination des impôts qu’elle doit payer, mais aussi des transferts redistributifs (allocations sociales) auxquels elle peut avoir droit. Le respect de l’autonomie de chaque membre de la famille doit pouvoir être compatible et aligné avec la reconnaissance et la valorisation des solidarités familiales. D’où l’importance d’un code de la famille comme instrument juridique clé consacrant le choix du modèle social ou de société dans un pays. En 42 ans de règne, vous n’avez pas pu promulguer la loi sur le code de la famille.
I.4. Essoufflement et déclin de votre leadership en tant que Président de la République et Président National du RDPC
La courbe d’évolution de l’expertise, la compétence et l’expérience d’un dirigeant a la forme d’un « U » inversé. En bout de cycle, il y a obligatoirement une phase d’essoufflement et de déclin traduisant l’incapacité et l’impossibilité du dirigeant d’exercer de manière effective et efficiente son rôle de direction, de pilotage et de leader. Pour le leader politique de premier plan que vous êtes, nous sommes en plein depuis quelques années à cette phase d’essoufflement et de déclin. Pour chaque année qui s’ajoute, le déclin s’alourdi. Ce déclin se constate en l’occurrence par quelques faits saillants d’exercice de votre leadership. Le dernier congrès de votre entreprise politique le RDPC date de septembre 2011, il y a presque 13 ans. Son bureau politique composé de 23 membres et dont les réunions sont rares, compte au moins 5 membres décédés et un membre prisonnier. Son comité central, organe chargé de diriger l’entreprise, composé de 326 membres dont plusieurs décédés et prisonniers, ne se réuni presque pas. Une entreprise dont les organes de direction et de gouvernance ne se réunissent pas régulièrement est de fait en léthargie et ne peut se targuer de bonnes performances. Au niveau de l’Etat, le dernier réaménagement du gouvernement date du 4 janvier 2019 et le dernier conseil ministériel date du 16 janvier 2019, ces actes de leadership datent de plus de cinq ans déjà. Le dernier conseil supérieur de la magistrature date du 10 août 2020.
2. URGENCE D’UNE NOUVELLE VISION À L’HORIZON 2050 : LE CAMEROUN, USINE DE LA NOUVELLE AFRIQUE INDUSTRIELLE ?
La prospective et la planification stratégique sont des technologies de gouvernance et de management à la disposition du leader et ses équipes pour toute organisation moderne en l’occurrence un Etat. Ces technologies sont mobilisées pour formater les trajectoires délibérément choisies et des futurs possibles, souhaités et partagés. Les visions et les plans stratégiques sont ainsi des instruments dont se dotent les Etats modernes pour créer des futurs possibles et meilleurs pour leurs citoyens. Lorsque la vision qu’un Etat a adopté pour créer un futur ou un avenir meilleur devient non pertinente et totalement irréaliste, il est impératif pour le leader visionnaire et son équipe de la reformater.
Au regard de la déviation importante des réalisations et performances par rapport à la trajectoire de référence retenue en 2009, la vision du Cameroun à l’horizon 2035 est devenue de fait le brouillard du Cameroun à l’horizon 2035. Le futur possible du Cameroun et devenu le futur impossible du Cameroun. Il y a donc urgence pour tout leader politique robuste qui envisage de diriger le pays dans les prochaines années, de proposer d’une nouvelle vision plus pertinente, partagée et mobilisatrice pour bâtir un Cameroun de prospérité partagée avec la grande majorité de ses populations.
Malgré la pertinence de l’alinéa (e) de l’article 26 de la constitution du 18 janvier 1996 qui dispose que : « La loi est votée par le Parlement. Sont du domaine de la loi : (e) La programmation des objectifs de l’action économique et sociale », vous n’avez pas pu promulguer une loi fixant le régime de planification stratégique de l’Etat au Cameroun, en cohérence avec les bonnes pratiques internationales. Dans le contexte de la préparation de l’élection présidentielle au Cameroun en 2025, en alignement avec la vision de l’Union Africaine définie dans le Document Cadre de l’Agenda 2063, il nous semble plus indiquer de cibler l’horizon 2050 pour définir une nouvelle vision pour le Cameroun, c’est-à-dire treize (13) ans avant celui de l’Union Africaine. Les offres politiques de gouvernement attenues des camerounais pour l’élection présidentielle de 2025 doivent comporter la proposition d’une nouvelle vision pertinente, ambitieuse et réaliste pour l’avenir du pays. Par exemple : Cameroun 2050 : Usine de la Nouvelle Afrique Industrielle ?
3. IMPÉRIEUSE NÉCESSITÉ D’UN NOUVEAU LEADERSHIP POLITIQUE FORT, INNOVANT ET RÉFORMATEUR
Au regard de la phase actuelle de votre cycle d’expertise, de compétence, d’expérience et de leadership, vous avez sincèrement déjà tout donné. Vous êtes un Patriarche Dirigeant d’Etat hors pair du marché politique camerounais et Africain. Tous ceux qui souhaitent ou attendent encore de vous des efforts additionnels de leadership de premier plan pour assurer les fonctions de Président de la République du Cameroun pour le prochain septennat 2025-2032, vous attribuent des capacités surhumaines et honnêtement hors de votre portée réelle. Sur ces faits, en toute humilité, nous avons l’honneur de vous adresser par la présente lettre un vibrant appel à passer la main à une autre Personnalité du RDPC pour porter une nouvelle offre de gouvernement de votre parti pour la prochaine élection présidentielle. Du point de vue de l’analyse du marché politique camerounais actuel et son évolution prévisible, l’on note une très forte demande politique des citoyens de voir le Patriarche Paul BIYA battre campagne pour un nouveau Leader du RDPC, candidat à l’élection présidentielle de 2025.
Pour le prochain septennat 2025-2032, au regard des enjeux et défis de la création d’un nouveau futur de prospérité partagée, dans la dynamique de construction de la nouvelle Afrique, il y a une impérieuse nécessité pour le Cameroun de se doter d’un nouveau leadership politique fort, innovant et réformateur. Le renouvellement du leadership politique du RDPC est un facteur déterminant pour impulser une nouvelle dynamique d’innovation, d’alliance, de restructuration et d’évolution du marché politique camerounais. Il est indispensable de créer les conditions d’une concurrence saine et loyale entre les entreprises politiques du pays (notamment le RDPC, le MRC, le PCRN, le SDF) pour l’accès à la haute fonction de Président de la République. Il en est de même pour les autres fonctions électives ».