Emmanuel Lebou, ancien Chef de la Cellule informatique de la Direction des Dépenses du Personnel et des Pensions (DDPP) du Ministère des Finances du Cameroun, accusé de détournement de 5,5 milliards de FCFA, a écrit une lettre au Président de la République, Paul Biya, pour solliciter son intervention dans l'affaire qui l'oppose à l'État devant le Tribunal Criminel Spécial. Lebou se défend en affirmant avoir dénoncé un réseau de fraudes au sein du ministère, mais se trouve confronté à des obstacles pour produire des documents essentiels à sa défense, notamment un rapport d'audit crucial. Malgré plusieurs tentatives infructueuses pour obtenir la certification de ces documents, il espère que le Président ordonnera au Ministère des Finances de produire ces pièces, permettant ainsi de faire la lumière sur les dysfonctionnements et d'établir les responsabilités.
ACCUSÉ DE DÉTOURNEMENT DE 5,5 MILLIARDS FCFA, EMMANUEL LEBOU ÉCRIT À PAUL BIYA
« Monsieur le Président de la République j’ai l'honneur de venir auprès de votre haute personnalité solliciter votre haute intervention au sujet de l'affaire qui m'oppose, avec d'autres personnes, à l'Etat du Cameroun (Ministère des Finances - MINFI) devant le Tribunal Criminel Spécial (TCS). pour coaction de détournement des deniers publics, suivant l'Ordonnance de renvoi du Juge d'Instruction daté du 30 octobre
2019.
Ancien Chef de la Cellule informatique de la Direction des Dépenses du Personnel et des Pensions (DDPP) du MINFI de 2015 à 2018, je suis en effet poursuivi pour des actes posés en cette qualité dans le cadre de l'assainissement du fichier solde du personnel de l'Etat, mon malheur étant d'avoir osé dénoncer, fait inédit jusque-là, un réseau d'annulations frauduleuses des remboursements des avances de solde et sur pensions.
Placé dans la peau de l'accusé principal dans ce procès alors que le suspect principal jouit jusqu'a présent d'une protection extraordinaire du TCS, le dénonciateur de la fraude que je suis se trouve confronté à la difficulté de présentee au Tribunal, comme pièces à conviction, des documents indispensables non seulement à la manifestation de la vérité, mais aussi utiles à ma défense, qui sont des documents de travail du Ministère des Finances.
Pour la préparation de ma défense et tenant compte du formalisme prévu par l'article 313 du code de procédure pénale en matière de production de documents devant le juge pénal, j'ai pris plusieurs initiatives pour faire certifier par le Ministère des Finances divers documents dont, particulièrement , le «rapport de mission du groupe de travail chargé de l'audit des remboursements des avances de solde et avances sur pensions au cours de l'exercice 2013.» Ces initiatives ont toutes connu un échec.
Sous la plume de mon conseil, Me
KAMGA'NGATCHOU Jean-Jacques, j'ai sollicité, en vain, par correspondance du 09 mars 2020, la certification d'un ensemble de documents dont le fameux rapport de mission par le Ministère des Finances.
Par correspondance du 15 octobre 2020, la même requête a été adressé à M. Directeur des Affaires Juridiques du Ministère de Finances et, par une autre correspondance du 03 mars 2022, à
M. le Ministre des Finances sans plus de succès.
J'ai par la suite sollicité l'intervention de Mme le Président du Tribunal Criminel Spécial sur le fondement de l'article 346 du code de procédure pénale, aux fins d'or donner la production des pièces querellées (Pièce 5). Toujours sans succès.
Le «rapport de mission du groupe de travail chargé de l'audit des remboursements des avances de solde et avances sur pensions au cours de l'exercice 2013», dont la copie est jointe à la présente, prouve l'existence des dysfonctionnements au centre de mon procès, notamment les suppressions frauduleuses des remboursements des avances de solde et avances sur pensions, formellement identifiés des années avant ma prise de fonction comme Chef de la Cellule informatique de la DDPP en 2015.
L'exploitation de ce rapport aurait sans nul doute permis d'éclairer la lanterne du Tribunal Criminel Spécial dans la compréhension de ce fléau qui sévit depuis trop longtemps au Ministère des Finances, et de permettre un assainissement efficace si tel est l'un des objectifs de la justice.
Il se trouve malheureusement que les juges chargés du procès qui me concerne ne peuvent recevoir ce document dans la forme d'une copie non certifiée, vu qu'ils ne peuvent violer les dispositions de l'article 313 du code de procédure pénale qui stipule que «a) Le contenu d'un document ne peut être prouvé que par la production de la preuve primaire ou, à défaut, de la preuve secondaire. (Et que)
b) par preuve secondaire on entend la copie conforme à l'original et certifiée par une autorité compétente.»
Excellence, Monsieur le président, Si l'obstacle à la production de ce document capital en copie non-certifiée est justifiée par la loi, je suis intrigué de voir que le tribunal s'oppose catégoriquement à toute allusion concernant son contenu alors que certains de mes coaccusés, dans leurs réponses, en parlent de long en large, attestant ainsi de la réalité de l'audit des remboursements des avances de solde et avances sur pensions en 2013, donc avant ma prise de fonction.
J’ai donc saisi votre Haute bien-veillance, en ultime recours par la présente, en tant que garant de la Justice et garant de la bonne gestion des finances publiques, dans l'espoir de vous voir ordonner au Ministère des Finances, partie au procès, de produire lui-même au Tribunal une copie du rapport ici évoqué ou alors de m'en délivrer une copie certifiée pour que le puisse m'en servir pour ma défense et que le processus judiciaire en cours permettent d'établir une fois pour toutes les responsabilités à l'origine des graves dysfonctionnements dont souffre l'Etat.
Dans l'attente, je vous prie d'agréer, Excellence Monsieur le Président de la République, l'expression de mon profond respect.
Signé Emmanuel LEBOU, 9 juillet 2024 à Yaoundé »