Un homme contacte une femme par le biais d’une application de rencontres. Dans un premier temps, ils discutent par messages et, plus tard, ils organisent une rencontre physique. Une fois sur place, la femme est enlevée par des personnes armées. Cette belle rencontre, qui était supposée être un moment spéciale, devient un cauchemar qui dure des jours.
À Sao Paulo, ainsi que dans d’autres grandes villes d’Amérique latine, ce genre d’acte criminel est devenu récurrent.
Le Secrétariat à la sécurité publique (SSP) de Sao Paulo a déclaré à la BBC que le fait d’attirer des gens en utilisant de faux profils comme appât sur des applications de rencontres comme Tinder représente désormais « plus de 90% » des enlèvements enregistrés par la police locale.
La victime subit des tortures psychologiques et parfois même physiques et ses comptes bancaires sont vidés.
Les hommes célibataires de plus de 40 ans sont la principale cible des criminels.
L’une des victimes était un prestigieux médecin à Hospital de Clinicas de la ville. Il a été kidnappé pendant environ 14 heures. Les faits remontent au début novembre. Le médecin avait pris rendez-vous avec une femme via une application de rencontre.
Les criminels ont effectué plusieurs transactions bancaires dans son compte. On parle d’une somme de 14 000 dollars (environ 8 661 294 F CFA). C’est par la suite qu’il a été libéré.
Comment ils choisissent les victimes
Dans un communiqué, le SSP a déclaré que les criminels observent attentivement le comportement en ligne de leurs futures victimes.« Ils observent les internautes qui mettent en exergue leur fortune ou leur niveau de vie sur les réseaux sociaux. Ils organisent un rendez-vous amoureux comme appât. »
La BBC s’est entretenue avec des policiers et des experts en cybersécurité sous le couvert de l’anonymat pour comprendre comment ces gangs fonctionnent pour une meilleure sensibilisation.
Nous avons utilisé Tinder, l’application de rencontres la plus citée par les victimes d’enlèvement. Selon les policiers interrogés, personne n’a réagi à leur publication.
Un lieutenant de la police militaire travaillant dans le nord de Sao Paulo a déclaré que les victimes étaient généralement des hommes plus âgés et riches.
« Ce sont des personnes de plus de 40 ans, célibataires et avec une stabilité financière. La plupart des délinquants attirent la victime via Tinder, avec des messages séduisants et proposent une rencontre physique dès que possible », a déclaré l’officier.
Les criminels analysent les informations personnelles que les victimes mettent sur les applications de rencontres, telles que leur profession. Mais ils recherchent spécifiquement les utilisateurs qui publient des photos de voyages internationaux ou de voitures de luxe.
"Les rendez-vous sont généralement programmés dans les quartiers périphériques entre la fin de l’après-midi, et le début de la nuit », explique le lieutenant.
« Par exemple, un homme avait essayé d’organiser une rencontre avec une femme dans un centre commercial, mais elle a dit qu’elle était malade et regrettait de ne pas pouvoir quitter la maison pour le retrouver. Il a fini par se rendre chez elle et a été kidnappé », a-t-il déclaré.
Chaque gang agit en fonction des attentes de la victime, généralement des hommes qui ne recherchent pas une relation, mais une rencontre pour passer du bon moment.
"Les rendez-vous sont fixés un ou deux jours après le premier contact sur l’application. L’homme est convaincu que la femme est « disposée »[ à faire une rencontre] », a ajouté l’officier.
Un crime sous-déclaré
Un autre policier a déclaré que de nombreux cas « d’enlèvements avec l’utilisation d’applications de rencontres » ne sont pas signalés pour diverses raisons. Lesquelles ?La victime a souvent honte de porter plainte. Certains hommes sont déjà en couple. Donc ils ne veulent pas que leur partenaire soit au courant de leur infidélité en portant plainte.
Ce qui est étonnant dans cette affaire, la majorité des victimes sont des hommes riches et très instruits. Et portant, ils tombent dans le piège des bandits en chercher à avoir des liaisons avec des femmes qui habitent dans des quartiers reculés.
Dans la plupart des cas, la disparition de la victime est signalée à la police par des membres de la famille.
« Quelqu’un dans la famille remarque que la personne a disparu et alerte la police. Les bandits commentent leur forfait dans des endroits proches de la ville, et même parfois dans les bois », déclare une source policière.
Signes avant-coureurs
Guilherme Alves, spécialiste de la sécurité numérique chez Safer Net, une ONG brésilienne qui lutte contre la cybercriminalité , a déclaré que les criminels utilisent souvent des applications de rencontres pour extorquer de l’argent aux gens.« Un point important est de comprendre de quoi la plateforme est responsable. Ce qui se passe en dehors de cela n’entre pas dans le cadre de l’entreprise, mais il est possible de demander au tribunal des informations à partir du profil du fraudeur, s’il y a un crime », a-t-il ajouté.
Alves a également noté que, dans certains cas, les escrocs n’utilisent pas de fausses photos et profils, mais de vraies personnes pour attirer les victimes. Ils envoient des messages audio et des photos réelles de la personne à qui la victime parle.
Mais l’expert a mis en garde contre certaines caractéristiques communes.
« S’il s’agit d’une arnaque de la modalité du poisson-chat (dans laquelle une fausse identité est créée sur Internet), le profil est vraiment faux et le criminel peut essayer d’emmener la personne sur une autre plate-forme, telle que WhatsApp. Parfois, l’escroc peut prétendre qu’il a supprimé le profil de la plate-forme avec la justification qu’il veut quelque chose de sérieux.
Alves a identifié plusieurs signes avant-coureurs pour toute personne qui connaît une personne sur une application de rencontres et a l’intention d’organiser une réunion en face-à-face.
"La suppression du profil de la plateforme après le premier rendez-vous peut indiquer que la personne souhaite cacher des informations. Un autre point concerne les personnes qui veulent organiser des réunions très rapidement et quitter la plate-forme pour discuter sur WhatsApp. Les rassemblements dans des lieux privés doivent également être évités », a déclaré le spécialiste de la cybersécurité.
Il recommande aux gens de garder idéalement des enregistrements de toutes les conversations et d’organiser des rencontres dans des lieux publics bondés, tels qu’un centre commercial. Alves a également noté que les escrocs peuvent frapper après quelques rendez-vous, plutôt que pendant le premier.
« Dans un cas sur lequel j’ai travaillé, une femme qui a fini comme victime a eu deux rendez-vous avec le délinquant et, dans le troisième, il l’a volée et a disparu », se souvient Alves.