Actualités of Friday, 1 April 2016

Source: 237online.com

Des fonctionnaires sans salaire au mois de mars

Le ministère de la Fonction Publique Le ministère de la Fonction Publique

Les établissements bancaires imputent la faute au ministère des Finances qui n'aurait pas mis à la disposition de leurs structures la rémunération des certains agents de l'Etat.

La situation ne fait pas encore grand bruit, mais le malaise est perceptible parmi les fonctionnaires. Surtout ceux qui n'ont pas encore perçu leur salaire de ce mois de mars 2016.

A l’exemple de cette dame rencontrée ce mercredi 30 mars 2016 au ministère de la Santé publique. Elle attend depuis des heures dans un couloir du 3ème étage de l’immeuble ministériel pour déposer une demande de reprise en solde. « Je suis arrivé le 28 mars à ma banque [Ndlr : Société générale des Banques] et mon gestionnaire m’a fait comprendre que mon salaire n’a pas été viré ce mois-ci.

Je lui ai demandé quel est le problème et il m’a demandé de me rapprocher du ministère des Finances », raconte l’infortunée. Qui poursuit : « Arrivée au ministère des Finances, on m’a demandé d’adresser une requête au ministre de la Fonction publique sous couvert mon ministre de tutelle. C’est comme ça que je me retrouve ici à la sous-direction des soldes et des pensions pour déposer ma demande de reprise en solde alors que jusqu’ici je n’ai jamais eu un problème avec l’administration ».

La fonctionnaire explique qu’elle doit adjoindre à sa demande une copie de son arrêté d’intégration, celui de titularisation, la prise de service, la présence effective, et une copie de la Carte nationale d’identité, etc. Un tour aux ministères de l’Education de base et des Enseignements secondaires permet de rencontrer plusieurs autres fonctionnaires en quête de régularisation de leur solde. C’est aussi le cas de Roger Djidda, enseignant à Ngaoundéré.

Contacté, il explique qu’ayant constaté que son compte bancaire n’a pas été provisionné, il a appelé le numéro court : « 8022 ». C’est la ligne téléphonique du Minfi censée informer les usagers sur leur situation financière. Au bout du fil les explications sont évasives : « Vous vous êtes trompé de matricule », « ce matricule n'a aucune donnée », « Faites des requêtes, c'est un problème général ». « Moi j’ai répondu à mon interlocuteur que je ne peux pas me tromper sur mon matricule même si on me le demande dans mon sommeil.

Mais à mon collègue qui a le même problème, on lui a demandé de faire une requête à laquelle il doit joindre une photocopie de sa carte nationale d’identité et le bulletin de solde. Sauf qu’actuellement à Yaoundé, ces bulletins ne sont pas disponibles. Apparemment il y a des problèmes de corruption au niveau du Cenadi [Centre national de développement de l'informatique] », relate Roger Djidda. « Qu'est devenu le Sigipes 2 [Système informatique de gestion intégré des personnels de l'Etat et de la solde] ?

Comment des travailleurs en poste peuvent-ils ne pas percevoir leurs salaires après avoir rempli leurs obligations vis-à-vis de l'Etat pendant un mois ? Comment feront-ils pour nourrir leurs nombreuses progénitures quand on sait que les camerounais ne vivent que de ces salaires pour la plupart ? Connaissant la lenteur et lourdeur administrative la remédiation à cette situation triste et malheureuse ne va-t-elle pas mettre beaucoup de temps ? Comment faire pour régler loyer, eau, électricité, alimentation, transport... », se lamente un fonctionnaire désespéré.

Au ministère des Finances, les sources contactées confirment qu’il y a effectivement des dysfonctionnements dans les virements de salaire du mois de mars 2016. Sans plus de détails. Mais sous anonymat, un cadre croit savoir que, « ces manquements ont pour objet de fragiliser le ministre Alamine Ousmane Mey qui, paraît-il, a fait partir des gens qui ne voulaient pas aller à la retraite.

Et ce sont ces retraités récalcitrants qui créent tout ce désordre ». Un responsable en service au Centre national de développement de l'informatique (Cenadi) relève que, « des salaires ont été suspendus à la suite des listes des fonctionnaires fictifs en circulation qui sont actuellement en train d’être nettoyés progressivement. Ces suspensions de solde peuvent être à tort ou à raison ».


Interrogations sur le Sigipes II



La deuxième version du Système informatique de gestion Intégré des personnels de l’Etat et de la solde (Sigipes II) est pourtant censée gérer à la fois et de façon automatisée la carrière et le solde des agents publics.

Dans une tribune libre publiée dans le quotidien privé « Mutations» début 2016, Adolphe Armand Ossegue, un expert a droit administratif a prévu les misères qui arrivent à des milliers de fonctionnaires ce mois de mars 2016. Car, il s’étonnait de ce que depuis le lundi 11 janvier 2016, le ministre de la Fonction publique et de réforme administrative faisait passer un communiqué à la CRTV (radio et Télé) invitant les agents publics dont les noms figurent dans une liste publiée par ses soins, le 11 novembre 2015, à fournir les pièces justificatives de leur situation administrative, avant le 15 janvier 2016.

Cette invitation était assortie d’une menace de suspension de salaire en cas de défaillance. Pour Adolphe Armand Ossegue, il est curieux qu’au su et au vu de tous, un communiqué aux antipodes du dispositif réglementaire fasse l’objet de tant de publicité dans un pays qui se revendique être un Etat de droit.

C’est la preuve que le passage du Sigipes I au Sigipes II risque d’être une arnaque au même titre que les opérations qui l’ont précédé. En effet, selon les dispositions de l’article 23 du décret n° 94/199 du 07 octobre 1994 portant Statut général de la Fonction publique de l’Etat modifié et complété par le décret n° 2000/287 du 12 octobre 2000, « Le fonctionnaire a droit à l’existence d’un dossier professionnel personnel tenu par l’administration et contenant toutes les pièces relatives à sa situation administrative et au déroulement de sa carrière.

Ces pièces doivent être codifiées, saisies et archivées sans discontinuité ». L’alinéa 3 du décret sus-évoqué dispose que, « Le fonctionnaire jouit du droit d’accès à son dossier professionnel personnel et peut notamment exiger de l’administration la clarification, la rectification, la mise à jour, le complément ou le retrait des informations qui sont inexactes, incomplètes, équivoques, périmées ou dont la collecte, l’utilisation, la communication ou la conservation est interdite. Lorsque le fonctionnaire intéressé en fait la demande, l’administration compétente doit procéder, sans frais à la charge du fonctionnaire, à la modification demandée. E

n cas de contestation, la charge de la preuve incombe à l’administration auprès de laquelle est exercée le droit d’accès, sauf lorsqu’il est établi que les informations contestées ont été communiquées par le fonctionnaire concerné ou avec son accord.» Pour l’expert du droit administratif, il est clair que le communiqué du Minfopra est la preuve de la violation des droits du fonctionnaire à l’alinéa 3. « Comment se fait-il que l’administration publique demande à l’agent public de lui fournir les pièces justificatives, alors que selon les dispositions susvisées, elle devrait les avoir conservées, codifiées et classées », s’indigne-t-il.

Selon lui, il ne faut pas être génie pour comprendre que le Sigipes II vient d’hériter des tares et avatars du Sigipes devenu I. Il s’agit d’une application informatique qui se substitue en un organe de gestion des ressources humaines de l’Etat. Les informaticiens se transforment en gestionnaire et étalent leur incapacité à gérer les ressources humaines. « Le problème de maîtrise des effectifs n’est pas un problème informatique, il est un problème administratif », conclut-il.