Guy Robert T. est en service dans un établissement de microfinance qui a une succursale, à Menji, département du Lebialem. Pour des raisons de service, il est parti de Dschang pour une mission dans cette localité en fronde contre la gouvernance de l’état. Il a vécu l’histoire (sans doute la plus effroyable de son existence ?) Il raconte sa mésaventure:
J’ai eu l’opportunité d’aller, pour une mission, du côté de Menji-Fontem. C’était ce matin 17 octobre 2017. J’ai eu l’horreur de vivre une situation insoutenable dans la zone.
Je suis arrivé à Fontem à moto. Parce que déjà la route est impraticable. J’ai réquisitionné une moto en course, pour un aller-retour. Déjà pour arriver dans Fontem, on a l’impression, à divers endroits, que des syndicalistes sont entrés en mouvement. Ils nous ont demandés d’entrer, qu’il n’y a pas de problème.
Je suis allé, j’ai bien fini ma mission et, au moment où il fallait rentrer, nous avons suivi dehors « all man go ; man wé no di go, they go beat he ». J’ai dit à mon benskineur (transporteur par moto) qu’apparemment ça va chauffer. Il nous faut vite rentrer parce que nous sommes en terrain inconnu. Au même moment, des personnes sont venues à l’agence pour nous dire qu’il faut fermer. J’ai dit à mon benskineur qu’on se mette en route. C’est alors que le benskineur m’a dit que ceux-là qui passent vont sûrement pour barricader le chemin.
Nous nous sommes mis en route. Arrivé à l’entrée de Fontem, au niveau de la barrière de la gendarmerie, on a trouvé plus de 50 personnes. C’était des hommes en civile. Ils nous ont obligés à nous arrêter. Ils m’ont prix 10 000 FCFA. Nous avons cru que comme ils ont pris mon argent, ils devaient nous laisser continuer notre route. L’un a dit, « laissez-les, c’est quand même Mo… ». Ils connaissant mon benskineur qui est un régulier de la ligne. L’autre a dit « non, ils doivent porter les billes pour barricader la route ».
Pendant que nous essayons de négocier pour passer, la gendarmerie est arrivée. C’est le sauve-qui- peut. La gendarmerie était entrain de faire usage des armes. Je ne sais pas si c’était à balles réels ou à balles blanches. Nous nous sommes abrités derrière une maison. Les autres avaient confisqué notre moto. Quand la situation s’est calmée nous sommes sortis en leur lançant : « sauvez-nous ! Sauvez-nous ! » Ils étaient là et nous nous sentions en sécurité et libres.
Mais contre toute attente, de jeunes gendarmes, âgés de moins de 25 ans, ont commencé à me rouer de coups. C’est pourquoi j’ai des blessures à la tête, sur les pieds, comme vous le constatez. Pendant qu’ils me rouaient de coups j’essayais de leur dire qu’ils devaient plutôt sauver ma sauver. Lorsque j’arrive au niveau de leur véhicule, un monsieur leur dit « c’est un responsable ». Je ne sais pas qui c’était. Je n’ai pas eu le temps de l’identifier. C’est alors qu’ils nous ont ordonnés d’aller prendre notre moto- abandonnée par le fuyards- et de partir.
En chemin, nous avons traversé des barricades et des barricades. Partout c’était des barricades. A un niveau, nous avons même trouvé des vieux de 70 ans qui nous ont obligés à porter des poteaux électriques pour barrer la route. A Lewoh le pont était barré et heureusement mon benskineur connaissait une voie de contournement. Au niveau de Alou, après les gendarmes, ils ont scié un arbre pour barrer la route. Là, les hommes se sont mis ensemble pour dégager la route.
Entre ces hommes, la communication passe beaucoup. Nous étions au niveau de Lewoh, où des voitures stationnées s’enquéraient de la situation à Fontem lorsque nous avons appris que les gars étaient entrain d’incendier la résidence du député Fodjo.
Lorsque je suis arrivé du côté de Fongo-Tongo, j’ai appelé ma hiérarchie pour lui faire part de mon calvaire. Ils m’ont prix 10 000 FCFA, l’argent que je devais payer au benskineur en contrepartie du service rendu. C’est peut-être cela qui m’a sauvé la vie.