« Merci M. Trump ! » S’est exclamé le journaliste Raoul Dieudonné Lebogo Ndongo : « Il y a à peine un an, personne ne l’imaginait remportant l’investiture du parti Républicain. Hier encore, à l’heure où les portes s’ouvraient pour le scrutin présidentiel américain, très peu auraient misé un dollar sur sa victoire. »
Pour lui, il y a deux leçons à tirer de cette victoire, aussi inattendue que nette, d’abord que la démocratie peut survivre à deux monstres – les appareils politiques et les médias – qui veulent la soumettre et en faire un vassal ; ensuite que nous, Africains, gagnerions à apprendre de Trump.
La victoire de Trump était prévisible du point de vue politique, renchérit le président de Global Consulting Associates, une agence domiciliée au Trump Tower à New York, Célestin Bedzigui, pour qui son adversaire Hillary Clinton n’avait ni projet ni discours pour retenir l'électorat traditionnel démocrate de la région des grands lacs dont les États industriels d'hier que sont le Michigan, l’Ohio, le Wisconsin et la Pennsylvanie, qui sont devenus le «Rust Belt», la ceinture de la rouille, tellement sont nombreuses les usines désaffectées du fait des délocalisations au profit du Mexique et des pays émergents d'Asie et d'Amérique latine.
C'est donc là-bas que Mme Clinton a perdu l'élection, pense-t-il, sans oublier que, sociologiquement, cette élection était « le cri des hommes blancs en colère qui se sont massivement levés pour récupérer un pays qu’ils voient en train de perdre avec la place de plus en plus importante accordée aux minorités, aux lesbiennes, gays, bisexuels et trans (LGBT) et aux femmes ».
« Du point de vue individuel, Hillary a un problème de popularité, plus de 60% des Américains jugeant qu'elle n'est pas honnête. Quant aux conséquences économiques, elles seront d'une ampleur sismique, la posture isolationniste de Trump étant en fait un Brexit planétaire lancé par les Etats-Unis, première puissance économique mondiale prise dans le piège de la mondialisation. »
Pour Venant Mboua, président de l'Observatoire africain du Canada et activiste politique, pendant la campagne, « Trump a abordé les questions nationales qui touchaient les populations les plus défavorisées telles que la délocalisation des entreprises, qui fait perdre des emplois, la rigueur dans la gestion de l'immigration ainsi que d'autres sujets populistes tels que l'islam, l'homosexualité, etc. »
Et de poursuivre : « Si Hillary devait gagner, elle devait mobiliser beaucoup de jeunes, plus ouverts et moins misogynes. Mais elle n'a jamais pu faire décoller sa campagne, contrairement à ce que nous vendaient les médias ».
Comme Africain, Venant Mboua pense que Mme Clinton est un personnage dangereux, alors que visiblement Trump semble disposé à collaborer avec la Russie, par exemple.
Quant à savoir ce que le nouvel élu réserve à l'Afrique, il appartient, selon lui, au continent noir de lui faire face avec intelligence.
Alexandre Besawa Mpondo, administrateur-directeur général de l’agence de communication ABM Image & Stratégie, pense que les sondeurs se sont trompés et que les Afro-américains, dont l'électorat est important, n'ont pas voulu récidiver en votant Hillary car déçus par Obama qui n'a rien fait pour eux.
Trump a dit tout haut ce que l'Américain moyen et pauvre pense et, étant seul contre tous, cela a joué en sa faveur.
Et de demander à juger le maçon au pied du mur dès le 20 janvier 2017, sans toutefois oublier de signaler que Donald Trump aura avant tout à cœur de redonner leur grandeur aux Etats-Unis avant de s'occuper des immigrés et autres, qui commencent à fuir le pays.
Ancien vice-président du Front social démocratique (SDF, opposition), Yaya Saidou Maïdadi affirme sans ambages que « Hillary est nulle » : « On a forcé pour qu’elle soit la première femme à la tête des Etats-Unis, mais cela n'a pas marché, depuis son investiture truquée face à Sanders jusqu'aux débats faussés. Le peuple américain l'a compris et l'a sanctionnée. »
La toute première intervention de Trump rassure beaucoup, analyse-t-il, l'exercice du pouvoir étant totalement différente de la campagne.
« S'il s'entoure d'une bonne équipe, il ne sera pas un mauvais président. Loin de là. La victoire de Trump consacre aussi l'échec des politiques. Cela se voit partout dans le monde. En effet, partout dans le monde, les politiques sont devenus des personnes sans scrupules, de peu de vertu. »
Un des doyens du journalisme au Cameroun, Jean Vincent Tchienehom, évoque pour sa part « un événement inédit qui traduit la défiance des peuples face à la mondialisation débridée ».
Pour lui, le populisme a encore de beaux jours devant lui : « Les tenants d'un nationalisme étroit vont encore gagner les élections un peu partout dans le monde. Tout espoir n'est cependant pas perdu. Dès les premiers mois de 2017, Trump sera confronté à la realpolitik et devra mettre de l'eau dans son vin. »
L’homme de médias n’oublie pas, au passage, de noter que le personnage est si atypique qu'on ne saurait prédire ce qu'il va faire.
Dans ce concert de satisfecit, il ne se trouve que l’avocate Alice Angèle Nkom, par ailleurs militante des droits de l’Homme, pour laisser éclater sa déception : « On ne peut que s'incliner face au verdict des urnes », précisant tout de même que les Etats-Unis « ont manqué l'occasion de donner au monde une dirigeante avisée » en la personne de Hillary Clinton.