CONTRAT DE DÉSENDETTEMENT ET DÉVELOPPEMENT

Quand créanciers et débiteurs font équipe

Ou comment la France a inventé la formule qui consiste à transformer la dette en ressource de financement du développement.

Le concept prend la forme d’une formule chimique : C2D pour dire Contrat de Désendettement et de Développement. On dirait un slogan publicitaire, un peu comme si des spécialistes du marketing y avaient apporté du leur. Toujours est-il que le C2D nait d’une situation très difficile, la grave crise économique du milieu des années 1980 qui a frappé nombre de pays africains, y compris le Cameroun. Pour sortir de cette grave crise qui durera une bonne vingtaine d’années, les pays sont soumis à un traitement de cheval par les institutions financières internationales que sont le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale. Ils suivre de douloureux plans d’ajustement structurels qui, en principe, doivent leur permettre de rétablir les grands équilibres macroéconomiques. Le fait est que ces pays croulent sous le poids d’énormes dettes qu’ils n’arrivent pas à rembourser. Ils obtiennent alors le statut de « Pays Pauvres Très Endettés »

qui leur permet de bénéficier, sous certaines conditions, de ce que l’on pourrait qualifier de traitement de faveur pour rembourser leur énorme dette. D’ailleurs, certains experts soutiennent que les mesures d’ajustement structurel auxquelles les pays sont soumis ne visent en réalité comme objectifs que le remboursement, sous la férule du FMI, de cette dette. Ces mesures ont en plus pour effet d’augmenter le niveau de pauvreté des populations. Un consensus se dégage finalement en faveur de la lutte contre la pauvreté et les pays se voient assigner des programmes en vue d’atteindre ce qu’on a appelé « point d’achèvement », ce qui devait en quelque sorte leur ouvrir la voie à la sortie de la crise économique. Ces pays pouvaient alors bénéficier de toutes sortes de financements dans le but de relancer leurs économies. Les pays éligibles au Point d’achèvement vont voir une part importante de leur dette effacée. Le Cameroun, pour sa part, après être passé par les fourches caudines du FMI et de la Banque mondiale, va atteindre le fameux point d’achèvement le 28 avril 2006. Le pays va alors bénéficier de l’annulation de 70% de ses créances. C’est dans le souci de prolonger cette dynamique au-delà du point d’achèvement que la France décide de créer les Contrats de Désendettement et de Développement. Le principe est que les pays bénéficiaires des C2D fixent « d’un commun accord » le montant de la dette à rembourser à la France. Chaque remboursement est ensuite directement «restitué » au pays sous la forme de subventions mobilisables pour, dit-on, l’amélioration des conditions de vie de ses populations. Les C2D sont donc présentés comme des efforts réalisés en équipe – créancier et débiteur– dans leur lutte contre la pauvreté.