La capitale économique camerounaise entame sa cure de jouvence. Tour du propriétaire et revue du portefeuille avec le premier magistrat de la ville.
Où en est la mise en œuvre du plan d’aménagement de Douala à l’horizon 2025 ?
Douala est en chantier. Et ces travaux concernent tous les aspects de réhabilitation d’une ville. Des infrastructures routières sont en construction ou en cours de réhabilitation pour améliorer la mobilité. Pour ces aspects, les travaux les plus emblématiques sont le deuxième pont sur le fleuve Wouri, les pénétrantes Est et Ouest de la ville.
Ces voies et plusieurs autres qui sont en travaux dans la cité auront pour vertu de fluidifier le trafic vers et à l’intérieur de notre ville. L’autre problème c’est l’assainissement, qui est un enjeu fondamental pour la viabilisation de la capitale économique. Car nous sommes quasiment au niveau de l’océan, et les problèmes d’inondation sont préoccupants.
Douala ce n’est pas que Bonanjo ou Akwa, ces quartiers d‘affaires que vous connaissez bien, mais il y a aussi des quartiers précaires, marécageux exposés aux inondations pendant les saisons pluvieuses avec souvent des dégâts matériels et pertes humaines importants.
Dès le début de l’année 2015, nous avons pour ce cas 105 milliards de francs Cfa à investir dans la construction de 44 km linéaires de drains dans ces zones. Nous mettons également l’accent sur l’embellissement avec l’aménagement des espaces de détente.
Les populations sont-elles, confrontées aux problèmes plus pressants tels que les transports publics ou les logements. Quels sont vos projets face à ces attentes ?
Concernant les transports, les pouvoirs publics à travers la communauté urbaine sont entrain de démarrer un programme de mise en place d’un système de transport public de masse qui commencera par le bus et mini bus, avec pour horizon de parvenir à la mise en place d’un tramway. Quant à la problématique du logement, elle préoccupe les pouvoirs publics, car le déficit de l’offre dans le pays est d’un million d’unités et la situation est naturellement plus grave à Douala, la ville la plus peuplée du Cameroun.
Plusieurs projets sont déjà en cours. Déjà, il y a le lancement des travaux de construction de 450 logements haut standing sur l’ancien site de la cité des douanes. Nous n’oublions pas que Douala est la capitale économique et qu’il faut faciliter la pratique des affaires. En le disant on ne pense souvent pas au secteur privé qui bien sûr créé la richesse, l’emploi et accélère la croissance.
Nous avons donc un rôle de facilitation, et cela consiste à mon sens à améliorer l’attractivité de la ville, tant pour les citoyens de la ville que pour les investisseurs étrangers. C’est dans ce sens que plusieurs hôtels sont en construction pour densifier le parc existant. En plus de la mise en place de centres de conférence de grande capacité comme le complexe Atrium qui vient d’être achevé, nous avons en projet la création d’un centre d’exposition sur près de quatre hectares pour l’organisation de foires.
Douala suit avec beaucoup d’attention ce qui se passe à Kribi, avec notamment la construction d’un nouveau port. Nous sommes une ville portuaire, nous devons nous demander ce que deviendra le profil économique de notre ville quand le port de Kribi sera en activité. Je pense que nous devons dans ce cas développer davantage la fonction logistique puisque nous avons d’abord l’avantage démographique.
Ce qui fait que nous avons un marché de consommation d’une certaine taille avec un tissu industriel et commercial, ainsi que des grandes et petites firmes de services bien établies. La ville va demeurer la porte d’entrée de tout l’hinterland. Donc le port de Kribi ne va pas beaucoup bousculer Douala, qui continue son essor.
Pour stimuler la fonction économique de la ville, avez vous des solutions en terme de créations de nouveaux marchés ou en ce qui concerne la décongestion du port de Douala ?
Je dois déjà dire que pour moi, cette saturation des marchés de la ville ou même la congestion du port observée il y a peu témoignent d’une réelle reprise économique, d’une croissance vigoureuse des activités. Et cette croissance n’est arrivée que justement parce que ces dernières années, les travaux intenses ont été faits notamment en terme de voirie, pour rendre la ville plus compétitive et accroitre la rotation des marchandises.
Pour ce qui est du port, la décongestion est en cours grâce notamment à un programme d’installation de nouveaux portiques pour accroitre la cadence de manutention. Il y a aussi la délocalisation de certains sites de stockage hors de l’enceinte portuaire actuelle, tout en libérant les espaces indument occupés dans l’emprise portuaire par certains acteurs depuis le temps ou les activités n’étaient pas aussi fortes.
Et concernant les marchés qui sont tout aussi saturés…
Pour ce qui est des marchés, nous avons un programme de réhabilitation, extension, ou construction de nouveaux marchés. Nous nous appuyons sur le partenaire public privé, pour réaliser ces programmes, sachant qu’un privé peut donc investir pour ces travaux et se payer ensuite sur les loyers pendant une période.
Ainsi, pour le marché Congo par exemple, nous passerons d’une capacité de 800 boutiques à 1500. Quand au marché de Bonamoussadi, il y aura une capacité de 2500 boutiques, tandis que le marché central est en attente d’un partenaire pour son extension.
Selon le schéma directeur d’aménagement de la ville, il vous faut à peu près 1500 milliards pour boucler le programme d’investissement à l’horizon 2025. Où comptez-vous trouver cet argent ?
Nous avons en réalité plusieurs sources, qu’il s’agisse des secteurs publics ou privés. Nous sommes même très offensifs sur le plan de la coopération décentralisée. Donc au delà des financements propres d’environ 40 milliards de Francs par an, et des ressources colossales que l’Etat apporte à nos projets souvent via les grandes institutions financières internationales, nous multiplions les jumelages et nous assurons une présence assidue et active dans les grandes associations de collectivités locales décentralisées de par le monde.
Par exemple au sein de l’association internationale des maires francophones, nous ne faisons pas de figuration. Notre activité nous y permet d’engranger des financements comme celui de près d’un milliard affecté à l’adressage de la ville de Douala. Nous sommes en jumelage avec la ville de Philadelphie aux USA ou de Strasbourg en France.
Nous essayons aussi de montrer aux bailleurs de fonds les efforts que nous faisons pour une bonne gouvernance urbaine. Le grandes institutions financières internationales ne peuvent pas soutenir une structure qui ne montre pas un certain volontarisme en matière de bonne gouvernance.
La Banque mondiale nous a par exemple gratifié d’un financement complémentaire de 9 milliards de francs Cfa, en récompense de notre bonne gestion du programme d’infrastructures qu’elle avait financé. Nous allons investir cette somme dans la construction de 2000 latrines dansles quartiers précaires. Nous avons aussi pu bénéficier du projet PDUE de la Banque mondiale, qui s’occupe de l’approvisionnement en eau des quartiers précaires.
Nous avons près d’un milliard d’une université italienne pour le recyclage des déchets. Donc en plus de nos ressources propres nous pouvons avoir accès à 80 ou 100 milliards de francs par exercices, provenant de diverses sources. Il faut également ternir compte de certains investissements privés qui cadrent avec notre plan d’urbanisme. Donc l’objectif de 1500 milliards investis à l’horizon 2025 est parfaitement réaliste.
Quand vous parlez d’embellissement on se demande bien à quand la fin du désordre urbain. Est qu’il n’est pas temps de mettre un peu d’ordre pour rendre la ville plus agréable ?
Disons que l’agréable, ou le beau est relatif. Difficile de faire un consensus là dessus. Je vous prends un exemple. Nous avons 50 mille moto taxis à Douala : est-ce un problème ou une solution ? Assurément les deux. Supposons qu’on les élimine du jour au lendemain, les rues seront ouvertes et libres pour les privilégiés qui ont des voitures.
Mais que vont faire ceux de la majorité écrasante qui n’en ont pas ? Ce que je dis est également vrai pour certains marchés spontanés. Ils ne fonctionnent et ne prospèrent que parce qu’ils répondent à un besoin.
De surcroit ces activités occupent et stabilisent certains jeunes qui auraient pu basculer dans la délinquance. Donc il faut aborder la question du désordre urbain avec beaucoup de réflexion et de tact pour ne pas créer plus de problèmes en croyant en résoudre. C’est pourquoi nous nous attachons à structurer l’économie et la société plutôt que de nous contenter d’éradiquer les symptômes.
Les nouveaux marchés que nous construisons vont permettre aux commerçants de la rue de trouver où se caser, tandis que les systèmes de transports envisagés, permettront de résoudre le problème de la mobilité des habitants et ramènera de facto le phénomène de moto taxi à une dimension raisonnable.
En somme nous cherchons des solutions de rechange, et une fois qu’on les a trouvée, on peut actionner le levier de la coercition. Sinon, quelle solution croirait–t-on avoir créé en déguerpissant un marchand, sans avoir construit des marchés où il peut aller exercer ?
En attendant nous faisons en sorte que de nouveaux pôles d’activités incontrôlées ne naissent pas. Nous anticipons, en la matière et nous amenons les acteurs de tous les secteurs vers des solutions, avec leur participation.