Le Cameroon people’s party regrette l’absence d’audition des victimes et le fait qu’il semble ignorer toute responsabilité du gouvernement dans le déraillement de train survenu depuis près de sept mois.
Sept mois après que le drame d’Eseka soit survenu et qu’une commission d’enquête ait été mise en place, le Président de la République a enfin rendu public, ce mardi 23 Mai 2017, les résultats de l’enquête officielle et les mesures qu’il entend mettre en œuvre relativement à cet évènement malheureux.
Le Cameroon People’s Party réaffirme sa compassion et sa solidarité à l’égard des victimes de cette catastrophe ferroviaire.
Le CPP attire l’attention des Camerounais sur les points suivants :
Sur la gestion de la catastrophe par le chef de l’Etat et son gouvernement, il est important de rappeler que :
1- comme dans bien des cas dramatiques tels que Mbanga Mpongo, la guerre contre Boko Haram et d’autres catastrophes, Le chef d’Etat n’a pas jugé nécessaire de se rendre sur les lieux du drame pour rendre hommage aux victimes. Nous ne le rappellerons jamais assez, ceci est un mauvais usage de la charge symbolique dont il est investi et un signe du peu de considération à l’égard de ses compatriotes frappés par le malheur.
2- La communication des ministres concernés par cette catastrophe a été plus qu’approximative et caractérisée par des flous et des contrevérités sur les faits, le nombre de victimes et la réalité des mesures mises en œuvre pour la gestion des conséquences de cet accident.
3- Les dispositifs de prévention et d’intervention en cas de catastrophes du pays restent largement inopérants et loin d’être à la hauteur des différents risques déjà répertoriés.
Sur la commission d’enquête et sa méthodologie de travail, il est nécessaire de rappeler les points suivants :
4- Elle ne remplissait pas les conditions de crédibilité, d’objectivité et d’impartialité attendus à la suite d’un tel drame. Elle était composée essentiellement de membres du Gouvernement qui sont eux-mêmes remis en cause pour leur implication dans d’autres crises en cours. Une telle commission, du fait de l’implication de certains membres du Gouvernement dans la gestion de la catastrophe ferroviaire et parce que l’Etat du Cameroun est actionnaire de Camrail, ne pouvait pas être juge et partie. En vertu du principe de solidarité gouvernementale, dans notre contexte, comment des membres du Gouvernement pourraient mettre en cause leurs collègues ou le Gouvernement ? Son travail était donc biaisé dès le départ.
5- Une commission d’enquête indépendante a été proposée au lendemain de la catastrophe par plusieurs acteurs y compris la plateforme Stand Up For Cameroon. Cette commission d’enquête aurait pu être inclure des personnes de la société civile, des institutions religieuses et autres acteurs clés de la société. Ce qui aurait été une démonstration éclatante de la volonté du Gouvernement de faire la lumière et de rendre justice aux victimes.
6- Le travail de cette commission d’enquête aurait pu également être plus crédible si, comme proposé, on avait procédé à :
L’audition de l’ensemble des victimes (En petits groupes si nécessaire) et des représentants des familles éprouvées. Les concernés devant être au centre des de cette enquête.
La création de canaux par lesquels les lanceurs d’alerte auraient pu fournir des informations cruciales de manière anonyme. Aussi bien au sein de l’Administration que de Camrail, il y a certainement des personnes qui détiennent des informations essentielles à cette enquête.
La présentation du rapport de manière publique en présence des victimes et de leurs familles ainsi que des médias avec la possibilité pour ces publics de poser des questions et d’obtenir des réponses aussi bien sur la méthodologie que le contenu du rapport.
Sur les résultats de la commission d’enquête, il est important de souligner les éléments suivants :
7- Ce rapport ne nous apporte fondamentalement rien de nouveau en ce qui concerne les causes et les responsabilités relatives au drame survenu le 21 Octobre 2017 à Eseka. L’essentiel des causes présentées étaient déjà connues du public quelques dizaines de jours après le drame. On se demande pourquoi prendre autant de temps pour communiquer les résultats de cette enquête si ce n’est une volonté de ne pas tirer rapidement toutes les conséquences de ce drame.
8- Ce rapport semble dédouaner de toute responsabilité les différents ministères en charge des différents aspects de cette crise. Allusion est ici faite au ministre des Transports qui a ordonné à Camrail de transporter les populations sans avoir mis en place tout le dispositif de suivi et vérification des normes de sécurité dans ce type de circonstances extraordinaires. Ministre des Transports dont la communication sur le sujet a été pour le moins catastrophique. Allusion est aussi faite aux Ministres de la Santé et de l’Administration Territoriale dont les mesures de secours et de prise en charge des victimes laissaient à désirer. Une intervention plus rapide et plus efficace aurait certainement évité certains morts. Allusion peut enfin être faite aux causes indirectes telles que l’effondrement d’un tronçon routier sur l’axe lourd Douala – Yaoundé du fait du non entretien du réseau routier par le Ministères des Travaux Publics.
9- Le communiqué de la Présidence ne fait pas état des disparus. Il ne revient pas sur les chiffres relatifs aux victimes décédées et blessées qui, au moment de leur communication par le Gouvernement, étaient largement contestés par bien des personnes présentes dans le train. Ce qui n’augure pas d’un processus d’indemnisation serein.
Sur la gestion des victimes aussi bien par le Gouvernement que par le CAMRAIL, on ne peut ne pas relever que :
10-Le recensement de ces victimes n’a pas été optimal et les chiffres avancés par le Gouvernement, d’après de nombreuses victimes, restent en dessous de la réalité.
11- La prise en charge a bien des égards a été insuffisante voire défaillante aussi bien à Yaoundé, Douala qu’Eseka. Sachant par ailleurs que certaines victimes ne résidaient dans aucune de ces villes, il a manqué d’étendre les mesures spéciales de prise en charge aux personnes vivant ailleurs qu’à Douala, Yaoundé et Eseka.
12- La dimension psychologique et les séquelles à long terme de cet accident restent le parent pauvre du dispositif mis en place à la suite de la catastrophe.
13- Les sommes forfaitaires proposées par Camrail en guise de dédommagement ne sont pas acceptables au regard de la réglementation en vigueur et des normes internationales en vigueur en matière de prise en charge des victimes de catastrophes.
14- L’appui de un milliard de franc cfa annoncé par l’Etat Camerounais est insignifiant. Si l’on s’en tient aux chiffres officiels de 79 morts et de 550 blessés, cette somme correspond à environ 1 589 825 par personne. Ce qui n’est pas loin du ridicule. Dans cette optique, l’Etat doit agir pour que Camrail indemnise proprement et substantiellement les victimes et leurs ayants droits puisque, d’après le rapport, cette entreprise serait la principale responsable.
Sur les mesures annoncées par le Chef de l’Etat, il convient de souligner les réserves suivantes :
15- Si l’on a pris 6 mois pour rendre un communiqué à la suite du rapport déposé un 25 Novembre 2016, on peut avoir des doutes sur la vitesse d’exécution de certaines mesures prescrites par le Président de la République. A cette allure, il faudra des années pour transmettre le dossier à la justice et des années pour que cette dernière instruise les procès. Si pour une fois, ce Gouvernement pouvait démentir les «sceptiques» et les «critiques», on ne pourrait que s’en réjouir pour les victimes.
17- L’expression «à brève échéance» utilisée dans le communiqué pour indiquer le délai de mise en place de la société de gestion du patrimoine du chemin de fer est plus que problématique. Le Président de la République vient, une fois de plus, de rater une occasion de corriger une des tares de son régime : le fait d’agir toujours en retard, en réaction et de renvoyer à des calendes grecques des mesures plus qu’urgentes à mettre en œuvre.
18- Sur l’audit de la convention et deux avenants signés avec Camrail, ainsi que sur l’ouverture de discussions devant conduire à une plus grande présence de l’Etat au sein de Camrail, nous ne sommes pas dupes. En principe et dans un fonctionnement normal, ce ne sont pas des activités qui doivent attendre des catastrophes pour être menées. En plus, dans le contexte de gouvernance opaque et peu performante actuel, ces deux exercices ont de fortes chances d’accoucher d’un programme de réformes qui maintiennent le statu quo.
Sur les enseignements à tirer de cette catastrophe, le Cameroon People’s Party réitère les points ci-dessous :
Le gouvernement, à travers les différents ministres concernés par cette catastrophe, est responsable. Responsable parce qu’il a en charge la régulation de ces secteurs d’activités. Responsabilité du choix des concessionnaires et du suivi de l’exécution scrupuleux par ces derniers de leurs cahiers de charges. Responsable du respect des normes et règlements en vigueur dans tous les secteurs.
19- Cette catastrophe est la conséquence de défaillances graves en termes :
D’investissements publics dans le domaine des transports (ferroviaire et routier) ;
De régulation du secteur (Suivi du respect effectif des cahiers de charges et des normes dans le domaine) ;
De gestion des catastrophes (réactivité et dispositif d’accompagnement des victimes) ;
20- Cette catastrophe est aussi une énième preuve de l’échec de la politique de privatisation des secteurs stratégiques de la vie nationale. Privatisation hasardeuse qui a vu la cession d’un secteur tel que le transport ferroviaire à une entreprise dont l’incapacité à fournir des services excellents et à développer le réseau national n’est plus à démontrer.
21- Les Camerounais.es, plus que jamais, ont besoin d’un nouveau leadership et d’un système de gouvernance plus efficace et transparent. Ceci n’est plus possible avec le régime actuel qui, dans la gestion de cette énième crise, vient de faire la démonstration de son incapacité à se réformer et à tirer les vraies leçons de ses échecs répétés.
Plus que jamais, nous avons besoin d’une refondation de la gouvernance dans notre pays. Ce besoin est de plus en plus pressant. Il se justifie par l’accumulation et l’augmentation inquiétante des dysfonctionnements et des crises diverses. Cette refondation ne pourra pas se faire, en dehors d’un processus de transition dans lequel les Camerounais.es pourront, dialoguer, se réconcilier et redéfinir les bases de notre vivre ensemble.
Un meilleur Cameroun est possible mais il exige, de la part de tous.es, des actes de forts au-delà des constats impuissants.
Pour le Cameroon People’s Party
(è) Kah Walla
Présidente Nationale