Actualités of Monday, 4 December 2023

Source: L’Indépendant

EDITORIAL : Amougou Belinga et Maxime Eko Eko, libres derrière les barreaux

Amougou Belinga et Maxime Eko Eko : libres derrière les barreaux Amougou Belinga et Maxime Eko Eko : libres derrière les barreaux

Coup de tonnerre le 1er décembre dernier dans la capitale. Ce qu’il convient désormais d’appeler‘‘ le feuilleton de l’affaire Martinez Zogo’’ connaît deux coups de théâtres : l’ordonnance de mise en liberté du Commissaire divisionnaire Léopold Maxime Eko Eko et de l’homme d’affaires Jean Pierre Amougou Belinga du juge d’instruction, le lieutenant-colonel Sikati II Kamwo Florent Aimé, est réfutée par lui-même en fin de soirée à la surprise générale. Le démenti remettant en cause l’authenticité de l’ordre de mise en liberté des principaux suspects, jette une lumière crue sur les grandes manœuvres autour de cette procédure à rebondissement.

Lorsque le 22 janvier 2023, le corps sans vie du célèbre animateur Martinez Zogo, alors chef de chaîne d’Amplitude FM, est retrouvé dans une banlieue de Yaoundé, la piste d’un crime d’Etat est plus que plausible. Les multiples rétractations du lieutenant-colonel Justin Danwe, chef des Opérations à la Direction générale de la recherche extérieure (Dgre) laissent transparaître un homme visiblement sous pression et psychologiquement instable. Au stade actuelle de nos investigations, et au regard des premières déclarations, les conseils des deux principaux mis en cause, il apparaît que l’ordonnance de mise en liberté provisoire, a été bel et bien délivrée au greffe du Tribunal militaire et dûment signé du greffier d’instruction, Jean Didier Nkoa et d’autre part d’un membre du conseil pour chacune des parties.

Ce document qui a fuité sur les réseaux sociaux, alors qu’il était encore soumis à la haute attention du chef de l’Etat, a aussitôt entraîné un branle-bas dans le sérail. Le démenti remettant en cause l’authenticité de l’ordre de mise en liberté des principaux suspects, jette une lumière crue sur les grandes manœuvres autour de cette procédure à rebondissement. En fin de soirée de cette folle journée du 1er décembre 2023, la déception est grande chez les parents, amis et autres collaborateurs accourus à la prison principale de Yaoundé, pour vivre de visu la libération de 02 des 14 suspects dans cette affaire. Une correspondance confidentielle du juge d’instruction près le Tribunal militai référence, de ne pas exécuter un quelconque ordre de mise en liberté sans en référer.’’ Il n’a échappé à personne que la signature du juge d’instruction n’est pas identique sur les différents documents. Pressions De toute évidence, on est en face d’une procédure judiciaire émaillée de diverses pressions politiques.

La détention de Léopold Maxime Eko Eko et de Jean Pierre Amougou Belinga n’est plus nécessaire

Il ne fait plus de doute que la procédure judiciaire est politiquement verrouillée depuis la mise sur pied d’une Commission d’enquête mixte police-gendarmerie par le chef de l’Etat. Sur la base des déclarations voltes faces, rebuffades et autres fuites en avant du lieutenant-colonel Justin Danwe, le Commissaire divisionnaire Léopold Maxime Eko Eko et l’homme d’affaires Jean Pierre Amougou Belinga, ont été livrés à la potence par une presse aux ordres, alimentée par un gourou sans scrupules, obnubilé par le pouvoir au prix de divers crimes. Le déficit de cohérence dans les déclarations du lieutenant-colonel Justin Danwe, et divers doutes apparus des confrontations au Tribunal militaire, auraient justifié que le juge d’instruction ait ordonné la mise en liberté du Commissaire divisionnaire Léopold Maxime Eko Eko et de l’homme d’affaires, Jean Pierre Amougou Belinga au motif : ’’Attendu que de tout ce qui précède, et rendu à ce stade de l’information judiciaire, la détention de Léopold Maxime Eko Eko et de Jean Pierre Amougou Belinga n’est plus nécessaire à la manifestation de la vérité ; que l’article 222 alinéa 1er du code de procédure pénale dispose fort opportunément que [Le juge d’instruction peut, à tout moment et jusqu’à la fin de l’information judiciaire, d’office, donner mainlevée du mandat de la détention provisoire] ;qu’il y a lieu d’y procéder en ce qui concerne les deux inculpés susnommés.’’ Il est apparu des diverses confrontations, que le juge d’instruction ne disposait pas d’éléments consistants à même de justifier le maintien en détention provisoire des deux principaux suspects. Justin Danwe été confondu lors de l’audition des différents témoins ayant défilé au Tribunal militaire.

Le lieutenant-colonel Sikati II Kamwo

Extrait de l’ordonnance :‘‘(…) Sur la bande audio attribuée à Martinez Zogo dans laquelle ce dernier insulterait et diffamerait Eko Eko Léopold Maxime, laquelle bande audio aurait été déroulée au cours d’une réunion au centre des situations de la Dgre ainsi que l’a soutenu Danwe Justin, le chef du centre de situations, le conseiller technique numéro 1, le chef de division de la surveillance électronique, le directeur des recherches, les deux ingénieurs chargés de faire passer les bandes sonores et visuelles lors de Yaoundé, le lieutenant-colonel Sikati II Kamwo, à l’adresse du Commissaire du gouvernement près le Tribunal militaire de Yaoundé, se veut plus que explicite : ‘‘(…) J’ai l’honneur de vous informer que l’ordonnance de mise en liberté en circulation sur les réseaux sociaux depuis cet après-midi concernant les nommés Eko Eko Léopold Maxime et Amougou Belinga Jean Pierre, n’est pas authentique. Les décisions éventuelles dans cette procédure interviendront en temps opportun.’’ Sans se faire prier, le Commissaire du gouvernement va répercuter au régisseur de la prison principale de Yaoundé, cette correspondance du juge d’instruction réfutant l’ordonnance de mise en liberté : ‘‘(…) J’ai l’honneur de vous faire tenir thermocopie de la lettre du juge d’instruction de ce jour qui atteste que le document en circulation sur les réseaux sociaux n’émane point de lui, il n’est donc pas authentique.

Je vous invite par conséquent, en réitérant les termes de ma lettre de première Eko Eko Amougou Belinga L’Indépendant N° 782 du lundi 4 décembre 2023 Page 7 Le Dossier des réunions au centre des situations, Eko Eko lui-même, ont unanimement déclaré qu’il n’en était rien, et qu’aucune réunion ne s’était jamais tenue au centre des situations de la Dgre avec pour objet le journaliste Martinez Zogo ; qu’en outre, aucun compte rendu de fin d’une telle réunion n’avait été fait ainsi qu’il est de coutume.’’ Justin Danwe disait avoir agi sur instructions du Dgre à qui il a fidèlement rendu compte de l’évolution des diverses opérations les 18 et 23 janvier 2023.A cet effet, l’ordonnance de mise liberté du 1er décembre 2023 relève que : ‘‘(…) Danwe ayant déclaré avoir rendu compte de l’exécution de la mission [Martinez Zogo] à son patron Eko Eko, les 18 et 23 janvier 2023, il est apparu qu’il n’en était rien ; qu’en effet, la secrétaire particulière du Directeur général de la Dgre par le bureau de laquelle il faut systématiquement passer pour entrer dans le bureau du Directeur général, a déclaré que depuis la note de service du 12 novembre 2023 qui désignait le Conseiller technique numéro 1 pour coordonner les activités de la direction des opérations, Danwe Justin n’était passé à son bureau que les 24 et 25 janvier 2023, respectivement par rapport à l’effectif des personnels à prendre en compte pour le quartier désigné, et pour prendre le drapeau qui devait servir pour la cérémonie de remise de médailles ; que même les images issues de la caméra de vidéo-surveillance, installée dans le bureau de Danwe Justin, montrent qu’il y est resté toute la journée du 23 janvier 2023.’’

Le juge d’instruction

L’ordonnance renseigne enfin que suite aux différentes interrogations et confrontations, aucune charge n’a été relevée contre Eko Eko Léopold Maxime, qui soit de nature à justifier son maintien en détention. Disculpation Pour ce qui est de Amougou Belinga, à qui il est reproché d’avoir aidé ou facilité la préparation ou la consommation du crime de torture reproché à Danwe Justin et autres, notamment en mettant des moyens financiers à sa disposition pour la dite opération, l’ordonnance relève : ‘‘(…) Amougou Belinga Jean Pierre a été interrogé au fond et a réfuté les faits mis à sa charge ;que Danwe a précisé que Amougou Belinga ne pouvait pas lui donner une quelconque mission concernant Martinez Zogo, car n’ayant pas qualité ;que lors de sa visite à Amougou Belinga, la mission [Martinez Zogo] avait déjà commencé ;attendu que lors de son interrogatoire au fond, Danwe Justin a disculpé Amougou Belinga Jean Pierre et déclaré que cet inculpé n’était en rien impliqué dans l’arrestation,la séquestration et la torture de Martinez Zogo ; que même la bande visuelle versée au dossier de l’enquête préliminaire et supposée l’incriminer, comporte des incongruités qui en altèrent la véracité, et partant, la recevabilité…’’ Le juge d’instruction, fort de ce qui précède, conclut : ‘‘Donnons, d’office, mainlevée des mandats de détention provisoire décernés à l’encontre des Sieurs Eko Eko Léopold Maxime et Amougou Belinga Jean Pierre ; Ordonnons en conséquence leur mise en liberté s’ils ne sont détenus pour autre cause.’’ Le juge d’instruction comme ponce Pilate a-t-il voulu se laver les mains en prenant l’opinion publique à témoin ? Difficile à dire ! En attendant le dénouement de cette affaire qui défraie la chronique depuis bientôt un an, un nouveau cap vient d’être franchi dans les diverses entraves à la procédure judiciaire.

Si les avocats des ayants droits de Martinez Zogo n’ont pas souhaité réagir jusque-là, les conseils du Commissaire divisionnaire Eko Eko et de Amougou Belinga ne décolèrent pas quant à eux. Ils mettent à l’index les pressions en haut lieu ayant empêché la mise en liberté provisoire de leurs clients. Me Charles Tchoungang, conseil de l’homme d’affaires Amougou Belinga, a la dent particulièrement dure contre ce qui apparait rien moins comme une insulte à l’intelligence et à l’indépendance de nos magistrats pourtant bien formés. Ce nouvel imbroglio judiciaire jette un voile épais sur les véritables mobiles, les auteurs, les commanditaires et les complices de l’assassinat du journaliste Martinez Zogo, il remet au goût du jour, le procès de la justice camerounaise. Accusez, levez-vous.

Max Mpandjo E/