Actualités of Monday, 10 June 2024

Source: Olivier Vallée

ETOUDI : le BIR redistribue les rôles dans la succession de Paul Biya

Une chronique d’Olivier Vallée, Mondafrique Une chronique d’Olivier Vallée, Mondafrique

Le Bataillon d’Intervention Rapide (BIR) au Cameroun est placé sous les ordres directs de Paul Biya, le président au pouvoir depuis 1984. Le bataillon, encadré par des conseillers israéliens, est réputé pour la rigueur de l’entraînement qu’il impose à ses troupes, l’armement supérieur auquel il a accès et les traitements inhumains qu’il fait subir à ses adversaires. Cette unité constitue une arme de guerre redoutable qui surveille la loyauté de l’armée camerounaise à l’égard d’un pouvoir autocratique, lui-même issu d’un coup d’État.Avec ou sans coup d’état, cette garde prétorienne aura une influence déterminante sur la succession du vieux dictateur, Paul Biya, qui passe l’essentiel de son temps désormais en Suisse où il se fait soigner.

Une chronique d’Olivier Vallée, Mondafrique

Le BIR désigne aujourd’hui un ensemble de forces spéciales aux fonctions multiples, de l’action en mer et sur rivière au maintien brutal de l’ordre. Il s’agit d’au moins une dizaine de bataillons qui opèrent le plus souvent à l’échelle de la compagnie ou de la section.

Dès 2011, la force d’élite de la marine américaine, les Navy SEALs appuyée par l’unité de soutien spécialisée dans la formation au combat, le Naval Special Warfare Unit 10 (NSWU-10), a entrainé sur le terrain le 9èmeBIR camerounais. Les équipes du NSWU-10 sont revenues en 2012 pour former le 8ème BIR alors que le Département d’État américain rapportait que les membres du BIR se livraient à la violence, usait d’arrestations et faisait disparaitre les détenus. En 2013, c’est le tour du 1er BIR de recevoir pendant 6 mois un entrainement avec les SEALs

L’après 11 Septembre

L’engagement américain correspond à la doctrine occidentale[8] de l’après 11 septembre qu’il faut favoriser des unités spécialisées et développer leurs capacités à détruire le terrorisme. Le BIR est mis au niveau de forces comme la brigade Danab et le commando Gorgone soutenu en Somalie par la Turquie. Cette assimilation néglige que le combat du BIR n’a pas l’intensité de celui qui existe en Somalie. Mais le secrétaire d’État à la défense Chuck Hagel entend bien poursuivre une mission sur le terrain ultra secrète au Cameroun au nom de code “Obsidian Cobra”. Dans ce cadre 300 soldats américains seront déployés au Cameroun jusqu’en 2020

Outre le soutien américain et français, relayé par Israël et la Grande Bretagne, le Cameroun, avec le péril Boko Haram, a pu relever sa capacité d’agir au nord du pays. La Multinational Joint Task Force (MNJTF) ou Force Multinationale Conjointe est composée de forces armées béninoise, camerounaise, nigérienne, nigériane et tchadienne. Cette force d’intervention conjointe est composée de 8700 militaires, policiers et civils et son quartier général est à N’Djamena. On parle aussi depuis 2015[9] de Force Multinationale Mixte (FMM) dont le commandement opérationnel est assuré par un général nigérian, Illyah Abbah. En dépit du palmarès peu brillant en matière des droits de l’homme des armées composant cette Force conjointe, l’Union européenne, avec le martial Josep Borrel en tête, n’hésitera pas à financer cette construction. Malgré cela Boko Haram a instauré une seconde économie à la frontière du Nigéria et du Cameroun qui expose la population d’une part aux taxations des groupes armés et à la violence du BIR.

Avril 1984, le ver dans le fruit
Tout débute au Cameroun par le coup d’État d’avril 1984, qui a invité la violence au palais présidentiel, contraint Paul Biya désigné président par son successeur à donner la part belle aux militaires loyalistes qui lui ont sauvé la vie : ce « droit du sauveur » aurait entraîné une « prétorialisation » du régime ». Le président Biya échappant par miracle moins de deux ans après son arrivée au pouvoir, à ce coup d’État va liquider une partie de sa potentielle contestation.

Une partie de la gendarmerie nationale et de la garde républicaine est à l’origine du putsch du 6 avril 1986. L’armée lance une contre-offensive avec le soutien d’officiers réservistes dans tout le pays. Les jours suivants, une impitoyable purge visa notamment les officiers peuls et kirdis du Nord.

L’ancien président Ahmadou Ahidjo, originaire de Garoua, fut accusé d’être le commanditaire du putsch. Les conspirateurs furent arrêtés, présentés aux juges militaires et fusillés par dizaines. Au total, près de 1 000 personnes périrent dans l’aventure. Depuis cet événement fondateur Biya consolide un pouvoir qui s’établit sur la subordination des militaires à un combat permanent contre les ennemis de la nation.

Tout (re) commence à Bakassi
Depuis l’Indépendance camerounaise, l’analyse des menaces de la frontière nigériane était, à Yaoundé, l’exercice obligé de l’officier d’État-major. Cela est devenu plus vrai avec la fusion des deux Cameroun, l’anglophone et le francophone. Avant l’Indépendance, c’est la France de Bigeard et des parachutistes coloniaux qui mène une guerre sans pitié contre les Bamilékés regrpupés au sein de l’Union du Peuple du Cameroun. Les commandos français opèrent souvent à partir de Bouar en Oubangui-Chari et le Nigéria considéré comme hostile n’est pas au centre des préoccupations stratégiques.

L’enjeu pétrolier va faire éclater un conflit dans la presqu’ile de Bakassi, une zone limitrophe du Nigeria et du Cameroun où se trouvent des gisements marins d’hydrocarbures. La France apporte un soutien logistique et d’armes aux forces camerounaises mais n’intervient pas sur le terrain à l’exception de certains largages lors de difficultés de l’armée camerounaise.

En 2006[1], le Cameroun se voit reconnaitre un partage des eaux qui lui attribue Bakassi. Et les relations déjà lâches avec les militaires français se distendent encore plus. Et d’une certaine façon Nigérians et Camerounais, au mépris des doctrines camerounaises de défense, se rapprochent face à un supposé retour de l’irrédentisme Biafrais.

De plus les deux armées sont restées présentes sur l’ancien espace de leur rudes affrontements en respectant la nouvelle frontière. Elles ont des points communs. De plus en plus la gouvernance militaire à la britannique[2] pénètre l’armée camerounaise comme l’armée nigériane. Le caractère central de la gouvernance militaire réside dans l’importance de la planification et la programmation du budget et de son exécution (PPBS en anglais).

Cela fait certainement rire les esprits forts mais les résultats sont là, la sphère militaire, au Cameroun, mobilise, à présent, pas loin d’un demi-milliard d’US$ par an[3]. La guerre en Ambazonie et dans le Nord du pays contre Boko Haram exige de plus en plus de ressources et l’appétit d’une haute hiérarchie d’octogénaires généraux ne faiblit pas. L’autre rapprochement à faire entre les deux forces d’occupation du Sud-Ouest camerounais est bien sûr leur pratique du commerce et du trafic en se jouant des douanes et du fisc.

La Biafra National League dans le viseur nigérian
L’armée nigériane lutte principalement pour sa part contre la Biafra Nations League (BNL), fondée par aout 2016 et vise l’indépendance du peuple de Bakassi. C’est un mouvement suffisamment aguerri pour affronter la « 13th Brigade Nigerian Army » basée à Efut Esighi, siège du gouvernement local du Bakassi nigérian. Mais il y aurait d’autres forces clandestines à l’œuvre et qui seraient le réseau clandestin de la Biafra Nations League.

Sur le terrain en 2016 l’armée du Nigéria a récupéré de l’agresseur des douilles de munitions de 7.62 mm, des RPG et des ceintures d’explosifs. L’armée nigériane rechercher les camps du BFF et les attaque incidemment. Elle tend ainsi à laisser la BNL trouver sa base politique et son ancrage militaire chez les Camerounais.

De l’autre côté de la frontière, le Bataillon d’Infanterie Rapide camerounais, la force d’élite aujourd’hui encadrée par les Israéliens (la plupart également de nationalité française) et les Britanniques (SAS) combat ceux que l’on désigne comme pirates. Ce seraient des trafiquants de drogue et d’armes qui utilisent indifféremment le franc CFA et la naira. Les deux armées collaborent de plus en plus étroitement pour contrôler d’autres flux que les leurs sur et autour de la péninsule de Bakassi qui est soustraite à l’autorité civile de fait.

Les groupes armés se renouvellent et prolifèrent comme la milice de la BNL qui a causé des pertes fatales au BIR dans la localité d’Isangele en 2021. A Abana, sur la péninsule, la milice biafraise décroche le drapeau camerounais et les signes de la République. La marine camerounaise tombe dans des embuscades et ses hommes sont désarmés. On assiste à une montée en puissance de la BNL chez les Camerounais malgré les coups de butoir du BIR. Les compagnies exploitant les hydrocarbures sont menacées et sommées d’évacuer Bakassi. Par la voie maritime le BIR a tenté en 2022 de pénétrer le camp de la BNL à Isangele mais enregistra cinq morts.

Ces opérations inspirées de la méthode nigériane « Kill and Go » causent beaucoup plus de morts « collatérales » dans la population. Les civils et les indépendantistes d’Ambazonie sont morts par milliers et les soldats et agents de l’État comptent des pertes par centaines.

Le théâtre de Bakassi est à présent relié à l’immense conflit de l’Ambazonie qui menace de sécession le Cameroun. Bakassi et les ressentiments de ceux que l’on nomme les Anglo-Bamilékés ont nourri, avec le mépris du régime de Paul Biya, une véritable déflagration. En effet, la vie politique camerounaise est basée sur une configuration communautaire largement fabriquée par le parti dominant le RDPC. Le SDF (Social Democratic Front), a été ainsi qualifié de parti des «Anglo-Bami» (ethnie bamiléké de la région de l’Ouest et anglophones des régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest) (Menthong 1998). Le SDF est rongé de l’intérieur par les dissensions, la mort de son leader historique. Cela a réveillé face au candidat de la « Force de l’expérience », Paul Biya, de nouvelles figures de l’opposition camerounaise, notamment celles de Maurice Kamto, le « Tireur de Pénalty », leader du MRC (Mouvement pour la Renaissance du Cameroun) et de Cabral Libii li Ngué, du parti Univers. Dans les régions du Littoral et de l’Ouest, la percée du MRC s’est avérée fulgurante, à cause de l’érosion politique du SDF. Le MRC dont les leaders sont emprisonnés est menacé, en cas de succession difficile de Paul Biya, d’une véritable répression de nature militaire.

La guerre contre l’Amazonie prend de formes de plus en plus absurdes et générationnelles. Des témoins en 2022 ont vu le BIR arrêter un convoi funèbre et son escorte de motocyclettes, non loin de la bourgade de Ndop. La sélection de ceux qui furent battus et arrêtés était déterminée par le port de dreadlocks qui serait le signe d’appartenance au Amba-boys, les sécessionistes.

D’autres éléments de l’armée comme le 53ème Bataillon d’Infanterie Motorisée (BIM) à Missong en 2022 (1er juin) ont tué neuf personnes dont un bébé de 18 mois. C’étaient des représailles.

Les techniques de l’armée camerounaise dans une guerre civile, dont elle est une des parties prenantes, empruntent au Nigéria, mais aussi à la doctrine de l’OTAN de violence totale contre le terrorisme.

Partenariat létal
Le Nigéria n’est plus un adversaire mais un partenaire militaire, à Bakassi mais aussi au Nord du Cameroun. La menace extérieure et le banditisme ont permis au régime de Paul Biya, qui règne depuis 40 ans, de créer discrètement le BIR[4] à la fin des années 1990. De bonnes fées[5] se sont ont encouragé la formation de cebataillon. Au nom de l’anti-terrorisme et de la lutte contre Boko Haram la France a fourni des blindés légers.

Jusqu’en 2019 le gouvernement américain a entrainé, formé et aide le BIR à tuer et à torturer les supposes membres d’organisations extrémistes violentes[6]. Le programme américain de soutien au BIR portait le numéro 127 selon la nomenclature de la ligne budgétaire qui le finance. Il s’agit d’envoyer dans des pays aidés par les EUA des Forces spéciales composées d’un large spectre de spécialistes de la contre-guérilla : Army Green Berets, Navy SEALs, et Marine Raiders qui doivent créer et former des groupes militaires nationaux ou locaux qui combattront à leur place (Proxy). Ce sont des missions inconnues du public américain, d’autant plus qu’elles se déroulent dans des pays où les EUA ne sont pas officiellement en guerre.

Salak accueille une base de cette unité. Celle-ci déploie autour de Maroua, ville du nord du Cameroun, près de 5000 hommes. C’est également sur ce terrain que sont utilisés les blindés français qui sont stationnés à Salak. Construits par la société Acmat, une filiale de l’industriel français Arquus, ces blindés ont été commandés en septembre 2015 par le commandement américain en Afrique (AFRICOM). Le contrat d’un montant de près de 25 millions de dollars portait sur la livraison de 62 Bastion destinés à plusieurs pays africains, dont le Cameroun. 23 véhicules ont été livrés à l’armée camerounaise entre 2015 et 2016, selon SIPRI. Soit après que les crimes du B.I.R aient été documentés.

« Plusieurs de ces engins sont entre les mains du B.I.R. Le bataillon s’en sert dans notamment lors de ses opérations dans le nord du pays, comme le suppose une photographie prise en octobre 2017 par un journaliste progouvernemental. Sur ce cliché, on peut voir cinq véhicules soigneusement alignés, dont deux Bastion. La photo est légendée « garage du B.I.R à Maroua Salak ». Une information que Disclose et ses partenaires sont parvenus à confirmer.[7]»

Le BIR est aujourd’hui l’appellation générique d’un ensemble de forces spéciales à fonctions multiples, de l’action en mer et sur rivières au maintien brutal de l’ordre. Il s’agit d’au moins une dizaine de bataillons qui opèrent le plus souvent à l’échelle de la compagnie ou de la section. Dès 2011, la force d’élite de la marine américaine, les Navy SEALs appuyés par l’unité de soutien spécialisée dans la formation au combat, le Naval Special Warfare Unit 10 (NSWU-10), ont entrainé sur le terrain le 9èmeBIR camerounais. Les équipes du NSWU-10 sont revenues en 2012 pour former le 8ème BIR alors que le Département d’État américain rapportait que les membres du BIR se livraient à la violence, usait d’arrestations et faisait disparaitre les détenus. En 2013, c’est le tour du 1er BIR de recevoir pendant 6 mois un entrainement avec les SEALs

L’engagement américain correspond à la doctrine occidentale[8] de l’après 11 septembre qu’il faut favoriser des unités spécialisées et développer leurs capacités à détruire le terrorisme. Le BIR est mis au niveau de forces comme la brigade Danab et le commando Gorgone soutenu en Somalie par la Turquie. Cette assimilation néglige que le combat du BIR n’a pas l’intensité de celui qui existe en Somalie. Mais le secrétaire d’État à la défense Chuck Hagel entend bien poursuivre une mission sur le terrain ultra secrète au Cameroun au nom de code “Obsidian Cobra”. Dans ce cadre 300 soldats américains seront déployés au Cameroun jusqu’en 2020

Outre le soutien américain et français, relayé par Israël et la Grande Bretagne, le Cameroun, avec le péril Boko Haram, a pu relever sa capacité d’agir au nord du pays. La Multinational Joint Task Force (MNJTF) ou Force Multinationale Conjointe est composée de forces armées béninoise, camerounaise, nigérienne, nigériane et tchadienne. Cette force d’intervention conjointe est composée de 8700 militaires, policiers et civils et son quartier général est à N’Djamena. On parle aussi depuis 2015[9] de Force Multinationale Mixte (FMM) dont le commandement opérationnel est assuré par un général nigérian, Illyah Abbah. En dépit du palmarès peu brillant en matière des droits de l’homme des armées composant cette Force conjointe, l’Union européenne, avec le martial Josep Borrel en tête, n’hésitera pas à financer cette construction. Malgré cela Boko Haram a instauré une seconde économie à la frontière du Nigéria et du Cameroun qui expose la population d’une part aux taxations des groupes armés et à la violence du BIR.

La manipulation sécuritaire

Cependant la guerre de propagande du régime de Paul Biya est parvenue à mobiliser des soutiens de la population. Celle-ci à travers des manifestation bien organisées se déclare solidaire de l’armée et accuse la France d’être complice des désordres au Cameroun. Le 28 février 2015 des milliers de Camerounais, à Yaoundé, se joignent à la « Grande Marche Patriotique ». Les tee shirts distribués affichent « Solidarité aux populations et soutien à l’Armée Camerounaise » ? Plusieurs ministres de poids assistant à la marche, ce qui n’est pas de leurs habitudes, ni de leur goût : le ministres de la défense Edgard Alain Mebe Ngo’o, de la communication, Issa Tchiroma), des sports Adoum Garoua, du travail et de la sécurité sociale Grégoire Owona, des finances, Alamine Ousmane Mey. Des diplomates osent se présenter à cette marche nationale, dont Christine Robichon, ambassadrice de France, alors que la foule chante « Non à la France, la France est derrière[10]». Biya réussit, une fois de plus, sous couvert militaire, à se présenter comme victime de conspirations françaises inspirées du bellicisme de François Hollande qui fait intervenir l’armée française au Mali et à Bangui. Il demeure le président des Camerounais face aux dangers extérieurs. Il faut saluer l’artiste qui en faisant huer la France réussit un tour de passe-passe sécuritaire. L’armée « régulière » camerounaise se serait constituée un capital social en raison des faveurs que reçoit le BIR qui en contrepartie multiplie les violences arbitraires, élimine des handicapés, insulte des religieux dans le Nord. Une armée « régulière » plus mesurée serait donc un palliatif au BIR et un éléments de l’après Biya ? « The army-society relationship in Cameroon is evolving in a complex and hard-to-predict manner. How it all plays out will likely depend on how strategic civil society forces are going to exploit their growing closeness with the military establishment. It is not unlikely that some political actors will want to seize their proximity to forge alliances with key elements in the army, with consequential impact on the transition.»

Cette hypothèse semble une élucubration tant la différence de nature entre les composantes de l’armée camerounaise est impalpable. Le BIR n’est pas qu’un rassemblement de brutes. On y trouve les meilleurs et les plus jeunes des officiers[12] du Cameroun avec un double cursus chinois et américain. Beaucoup de cette élite martiale formée à l’américaine adhère à la gouvernance des forces armées telle que la Grande Bretagne entend la mettre en œuvre chez elle et ses alliés africains.

Il s’agit surtout par ces manifestations de faire savoir à l’armée qu’elle est honorée devant la nation mais qu’elle sache que le BIR est à l’œuvre. Le BIR reste le maitre de la sécurité, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du Cameroun. A ce propos, la disgrâce violente du patron de la DGRE, un des hommes de confiance de Paul Biya, a été provoquée par des notes de renseignement des Israéliens. Le Président a retiré ainsi à la DGRE la prééminence de l’espionnage comme à l’armée le privilège du front. Le BIR avec ses « Predators » écoute les ambassades comme Boko Haram. La DGRE et le CEDOC se retrouvent aussi marginalisés dans le même temps.

Le système sécuritaire de Paul Biya repose donc sur les 9 bataillons d’intervention rapide (BIR) [13], dont celui de la capitale, installé au cœurs du quartier Bastos, qui abrite les ambassades. La garde présidentielle est finalement mineure face au dispositif des BIR bien formé à tous les terrains de combat et qui relève directement du Président et de ses conseillers israéliens et britanniques.

La surveillance policière est l’autre domaine réservé de Paul Biya avec la Délégation Générale à la Sécurité Nationale, un ensemble de services tournés vers l’espionnage et la délation animé secrètement par le CEDOC. La gendarmerie, sous la tutelle du Secrétariat à la Défense (le SED), participe à la lutte contre les opposants ou les suspects de corruption en les détenant dans ses locaux du centre de Yaoundé. La politique d’épurations successives de Paul Biya trouve avec la guerre intestine des organes de sécurité l’occasion de rappeler le caractère transitoire de ses faveurs. Ainsi en janvier 2023, le directeur général de la Recherche Extérieure ( DGRE) Maxime Eko Eko, pourtant considéré comme un des successeurs potentiels du vieux Président, a été mis en détention au Secrétariat d’État à La Défense ( SED). «Le patron de la DGRE, n’a pas été brutalisé jusqu’ici. Il est bien traité mais l’on redoute qu’il soit liquidé compte tenu de ce qu’il sait. Et plus grave sa cellule se trouve juste en face des Ambazoniens» confiait une source du service des enquêtes de la gendarmerie[14].

Les Américains en retrait
Les nouveaux coopérants extérieurs militaires du Cameroun ont trouvé un BIR formé à la lutte contre le terrorisme et doté de matériels autorisant un déploiement sur plusieurs fronts, dont celui d’un coup d’État à Yaoundé. Les Américains gênés par les massacres[15] de la région anglophone n’aident plus au sol l’armée camerounaise. Celle-ci, ou plutôt le BIR, a reçu cependant des drones et bénéficie de la couverture aérienne des drones et avions américains.

Mais infatigable quand il s’agit de garantir les déséquilibres internes et prolonger la terreur politique, le vieux président, qui séjournait jadis sans bouger des mois durant en Suisse, a fait le voyage de Saint Pétersbourg. Ainsi le numéro un camerounais a participé au Deuxième Sommet Russie-Afrique, qui s’est tenu du 27 au 28 juillet 2023, au pays de Poutine. Paul Biya et son homologue russe, Vladimir Poutine ont eu un tête à tête dans l’une des salles de réunion aménagée à l’Expo forum. Ils ont parlé du Tchad et de la RCA, des voisins du Cameroun. Le président camerounais veut clôturer avec le Russe et Wagner (qui resterait toutefois hors du Cameroun) le cordon sanitaire régional qui protège une succession compliquée.