Après plusieurs mois de présence non autorisée sur le territoire camerounais, le service internet par satellite Starlink se voit officiellement interdit d'opération. Une décision qui s'inscrit dans un mouvement plus large de méfiance de plusieurs pays africains face au géant américain.
Selon nos informations exclusives relayées par le lanceur d'alerte Boris Bertolt, le Cameroun a pour l'instant refusé d'octroyer une licence au fournisseur d'accès à internet par satellite Starlink, propriété du milliardaire Elon Musk. Cette décision intervient après plusieurs mois de tensions entre les autorités camerounaises et l'entreprise américaine qui opérait jusqu'ici sans autorisation officielle sur le territoire.
Dans une note de service datée du 15 avril dernier, Fongod Edwin Nuvaga, directeur des douanes camerounaises, avait déjà ordonné à ses services de procéder à des saisies « systématiques de tout équipement de télécommunication importé par les frontières camerounaises », visant principalement les kits Starlink qui entraient illégalement dans le pays.
Cette interdiction d'importation fait suite à une décision antérieure des autorités camerounaises qui avaient sommé Starlink de couper l'accès à ses services pour tous les utilisateurs basés au Cameroun. En conséquence, les abonnés ont reçu un message les informant qu'ils n'auraient plus accès à la connexion satellitaire : « Si vous utilisez un plan "Mobile-Regional" depuis plus de deux mois en dehors du pays où vous avez commandé Starlink, vous devez soit consulter les FAQ du support pour changer le pays associé à votre compte, soit retourner dans le pays où votre service a été activé. Dans le cas contraire, votre service sera limité. »
Malgré cette interdiction, la demande pour les services Starlink reste forte au Cameroun. Lassés de la qualité médiocre des services internet traditionnels, particulièrement après les incidents ayant provoqué la panne de quatre câbles sous-marins de fibre optique en mars dernier, de nombreux Camerounais n'hésitent pas à traverser la frontière nigériane pour acheter des kits satellitaires qu'ils peuvent installer et activer eux-mêmes.
Le coût de l'opération s'élève à environ 440 000 francs CFA (environ 670 euros) via des plateformes de e-commerce comme Konga, l'un des distributeurs officiels du matériel au Nigeria voisin, qui a récemment baissé ses prix.
La ministre de la Poste et des Télécommunications, Minette Libom Li Likeng, a explicité les préoccupations du gouvernement lors d'une sortie publique le 4 avril. Elle a notamment exprimé des craintes quant à la capacité de Camtel — l'opérateur public historique au Cameroun — à résister face à l'entrée sur le marché d'un concurrent aussi puissant que Starlink.
« Si Camtel ne se réveille pas pour être performante, Starlink va la balayer. Si vous laissez faire sans encadrement, c'est vous-mêmes qui serez balayés après, parce que vous serez dépendants de Starlink qui prend vos données et les gère avec tous les dangers possibles », a-t-elle expliqué.
Au-delà de la protection du monopole de Camtel, les autorités soulèvent également des questions de sécurité nationale et de protection des données personnelles des usagers camerounais.
Le Cameroun n'est pas le seul pays africain à s'opposer à l'expansion de Starlink sur son territoire. La République Démocratique du Congo, l'Afrique du Sud et la Côte d'Ivoire ont également pris des mesures pour interdire la vente et l'utilisation des équipements de l'entreprise américaine.
Cependant, d'autres nations du continent ont adopté une approche différente. Le Rwanda, le Bénin et cinq autres pays africains ont accepté la présence de Starlink, voyant dans cette technologie une opportunité de développer rapidement l'accès à internet dans des zones reculées.
Selon des sources proches du dossier, cette série de décisions serait néanmoins temporaire au Cameroun. Des négociations seraient en cours entre le gouvernement et l'entreprise américaine en vue d'une possible régularisation de la situation, sous certaines conditions qui restent à définir.