Les élections américaines de mi-mandat sont une affaire importante. Lors de ce scrutin, chaque siège de la Chambre des représentants, un tiers du sénat et des milliers de postes législatifs et exécutifs des États sont à pourvoir.
Les midterms, comme leur nom l'indique, interviennent à mi-parcours du mandat d'un président, et bien que le nom de Joe Biden ne figure pas sur le bulletin de vote, le scrutin déterminera en grande partie ce qu'il pourra faire au cours des deux dernières années de son mandat.
Un Congrès hostile entrave gravement la capacité du président à faire passer des lois ou à procéder à des nominations importantes pour des postes, notamment des juges de la Cour suprême.
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"Les gens du monde entier regardent la politique aux États-Unis parce qu'elle a de l'importance pour ce que les États-Unis font au-delà de leurs frontières", explique à la BBC le Dr Leslie Vinjamuri, directeur du programme États-Unis et Amériques à l'institut politique Chatham House, basé à Londres.
"Ces élections comptent plus que les autres parce que les candidats démocrates et républicains ont des opinions diamétralement opposées sur de nombreuses questions fondamentales."
Voici ce qui est en jeu le 8 novembre :
L'avortement
"C'est l'élection la plus importante pour les femmes américaines de mémoire d'homme", déclare Yasmin Radjy, une militante irano-américaine de l'organisation politique progressiste Swing Left.Ancienne directrice de Planned Parenthood, une ONG américaine qui fait campagne sur toute une série de sujets, dont l'accès à l'avortement, Mme Radjy prévient qu'il faudra se battre lors du scrutin contre "les extrémistes qui s'efforcent de faire reculer nos droits en matière de reproduction".
En juin, la Cour suprême des États-Unis a annulé une décision de 1973 connue sous le nom de Roe contre Wade, qui rendait légal l'avortement pour les femmes enceintes pendant les trois premiers mois de leur grossesse.
La décision de la Cour suprême a ouvert la voie à l'interdiction ou à la restriction sévère de l'accès à l'avortement dans certains États, et 13 l'ont fait depuis.
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Le 8 novembre, il y aura 36 courses de gouverneurs. Les Américains de quatre États (Californie, Kentucky, Montana et Vermont) se prononceront également sur des propositions d'avortement qui restreignent ou garantissent les procédures lors des élections de mi-mandat.
"La liberté est spécifiquement en jeu en ce qui concerne la liberté reproductive. Si les démocrates perdent la course au poste de gouverneur dans des États comme le Michigan, l'Arizona ou le Wisconsin, l'avortement pourrait littéralement devenir illégal du jour au lendemain", explique M. Radjy.
"Et si les démocrates perdent le Congrès, les républicains de la Chambre ont déjà un plan pour proposer une interdiction de l'avortement à l'échelle nationale."
Sur l'avortement, comme sur de nombreuses autres questions, ce qui se passe aux États-Unis peut être révélateur des tendances mondiales ou les influencer.
"Les États-Unis sont l'une des plus grandes démocraties du monde, donc les décisions qui y sont prises ont de l'importance pour le reste du monde", explique à la BBC Louise Chetcuti, analyste politique au think-tank Institut Montaigne, basé à Paris.
L'Ukraine
L'aide américaine à l'Ukraine à la suite de l'invasion russe est une question qui a uni les démocrates et les républicains, notamment au Congrès, où les programmes d'aide ont été massivement soutenus par les deux partis. Le Dr Vinjamuri estime que la politique étrangère est un domaine rare dans lequel les démocrates et les républicains sont plus alignés que divisés sur des questions clés.Toutefois, certains signes indiquent que cette position unifiée pourrait bientôt changer.
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Le leader républicain de la Chambre des représentants, Kevin McCarthy, avait auparavant déclaré au site web politique Punchbowl News que le Congrès ne "fera pas un chèque en blanc à l'Ukraine" si son parti triomphe.
"Nous devrons voir ce qu'il adviendra de la politique envers l'Ukraine, notamment au-delà de l'aide militaire", déclare à la BBC le Dr Peter Finn, politologue à l'université Kingston de Londres.
La politique étrangère est un domaine dans lequel l'exécutif exerce un contrôle considérable, mais si les républicains renversent la mince majorité de huit sièges des démocrates à la chambre basse, le soutien de Biden à Kiev pourrait se heurter à une opposition.
Le changement climatique
La présidence de Joe Biden ne pourrait pas mieux contraster avec celle de Donald Trump en termes d'approche du changement climatique : alors que son prédécesseur a boudé les traités internationaux d'atténuation tels que l'Accord de Paris, l'actuel occupant de la Maison-Blanche a adopté une législation historique pour lutter contre la crise climatique.- Climat : "les États-Unis reviendront"
"Il est plus que probable qu'ils bloquent les lois favorables au climat, surtout si elles sont coûteuses."
Les États-Unis sont le deuxième plus grand émetteur de gaz à effet de serre au monde, derrière la Chine.
L'immigration
L'immigration est l'une des questions qui divisent le plus les Américains, en particulier selon les partis : deux électeurs républicains sur trois, soit deux fois plus que les démocrates, considèrent la question de l'immigration comme "très importante", selon les derniers chiffres de l'institut de sondage Pew Research.- "90% de mes amis veulent partir" d'Afrique
"Il y aura certainement beaucoup plus de discussions sur l'immigration si les Républicains l'emportent", déclare le Dr Finn.
Le retour de Trump
Le 2022 se déroule à un moment particulièrement clivant de l'histoire politique américaine, marqué par les allégations sans fondement de Trump selon lesquelles le vote présidentiel de 2020 lui a été "volé".- Quelle est l'ampleur des problèmes juridiques de Trump ?
"Trump a l'ambition de se représenter à la présidence en 2024, et les performances des candidats qu'il soutient sont donc assez importantes pour un tel projet", déclare le Dr Finn.
"Ces élections le concernent aussi".
Un test pour la démocratie américaine ?
Ce seront les premières élections depuis les émeutes du Capitole de janvier 2021, lorsque les partisans de Trump ont pris d'assaut le Congrès pour tenter de contrecarrer la certification de la victoire de Joe Biden."En fin de compte, ces élections concernent la démocratie aux États-Unis, si elle continue de fonctionner, si les élections peuvent être menées librement et équitablement", soutient le Dr Vinjamuri.
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"Nous avons vu la montée en puissance des candidats anti-démocratiques dans le monde entier ces dernières années et ce sera significatif si un nombre important de négationnistes des élections arrivent au pouvoir", ajoute-t-elle.
Sanctionner le président
Depuis 1946, le parti du président en exercice a presque invariablement obtenu de mauvais résultats lors des élections de mi-mandat, surtout si la cote de popularité du président sortant est en chute libre.Dans le cas de Biden, une série de sondages d'opinion suggère que seulement 40 % environ des Américains approuvent les performances du démocrate.
Le site web américain FiveThirtyEight, spécialisé dans les sondages de suivi, prévoit que le parti républicain devrait renverser la majorité démocrate à la Chambre des représentants, mais il prévoit également une victoire démocrate au Sénat.
Le maintien du Sénat est très important pour le président car, par exemple, c'est cette chambre haute qui approuve les nominations pour les postes gouvernementaux et les juges de la Cour suprême. En outre, les sénateurs ont un mandat de six ans, contre deux ans pour les membres de la Chambre des représentants.
Mais le contrôle de la Chambre des représentants permettrait aux républicains de rendre beaucoup plus difficile l'adoption de toute loi importante par le président démocrate.
Cela donnerait également aux républicains le pouvoir de dissoudre la commission qui enquête actuellement sur les attaques du Capitole et ils pourraient même lancer leurs propres enquêtes sur Biden ou d'autres démocrates.
Ainsi, si la Chambre des représentants change de mains, cela pourrait modifier fondamentalement l'équilibre du pouvoir à Washington et affecter grandement la manière dont les États-Unis interagissent avec le reste du monde.