Un résultat sans grande surprise : Paul Biya, 85 ans, est réélu président du Cameroun. C'est en effet le résultat proclamé ce lundi à Yaoundé par le Conseil constitutionnel. Département par département, l'institution a commencé à 11 heures la longue proclamation des résultats officiels et définitifs du scrutin dont le président sortant - chef du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC) et trente-cinq ans au pouvoir - était donné grand favori.
Dans l'Adamaoua, le Centre et l'Est - les trois premières régions citées sur les dix du pays -, il obtient respectivement 79,77 %, 71,10 % et 90,43 % des suffrages exprimés. Dans le Sud, Paul Biya obtient 92,91 % des voix. L'opposant Maurice Kamto arrive second, loin derrière, avec 2,15 %. Dans le Littoral, en revanche, son parti le Mouvement pour la renaissance du Cameroun (MRC) arrive en tête, avec 38,60 %. Cabral Libii y obtient, lui, 12,79 % des suffrages, le RDPC, 35,75 %. Les taux de participation sont assez disparates : si, dans la région du Nord-Ouest, seuls 5,36 % des inscrits sont allés voter, ils sont en revanche 73,77 % dans le Sud et 72,30 % dans l'Extrême-Nord.
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Cette annonce des résultats intervient deux semaines après le vote : au Cameroun, le Conseil constitutionnel étudie les recours postélectoraux avant de proclamer les résultats officiels quinze jours après le scrutin. Ils ne peuvent plus alors être contestés. Depuis mardi, le Conseil constitutionnel avait étudié 18 recours postélectoraux, qu'il a tous rejetés. Les trois principaux candidats de l'opposition - Maurice Kamto, Joshua Osih et Cabral Libii - avaient introduit des recours en annulation partielle ou totale du scrutin, dénonçant des « fraudes massives et systématiques ». Maurice Kamto, qui a revendiqué sa victoire au lendemain du scrutin, avait déposé un autre recours demandant la récusation de six membres du Conseil constitutionnel, les accusant d'être membres ou proches du parti au pouvoir.
Un contexte sécuritaire tendu
Parallèlement à l'annonce des résultats, un fort déploiement sécuritaire était visible à Yaoundé aux abords de la poste centrale, où certains avaient appelé sur les réseaux sociaux à manifester contre l'annonce des résultats, a constaté l'AFP. Des camions antiémeute, des militaires et des dizaines de policiers étaient stationnés dans le quartier. Un SMS pour dissuader de manifester à cet endroit a aussi été reçu par des usagers des réseaux camerounais à Yaoundé.
Dimanche, une manifestation à Douala, souhaitée par un député de l'opposition pour « dénoncer les fraudes massives et honteuses » qui ont marqué selon lui le scrutin, a été pareillement interdite et empêchée. Une trentaine de personnes ont été arrêtées sur les lieux. « Les personnes qui ont voulu braver [l'interdiction de la marche] ont été interpellées et répondront de leurs actes devant la justice », a indiqué à l'AFP une source administrative.
Deux journalistes ont été brièvement interpellés et le député à l'initiative de la marche, Jean-Michel Nintcheu, du Social Democratic Front (SDF), principal parti d'opposition, a été retenu chez lui par un déploiement policier, selon son parti.
Un « plan de défense » en zone anglophone
À Buea, la capitale de la région du Sud-Ouest frappée depuis un an par un conflit meurtrier entre des séparatistes anglophones et l'armée, des coups de feu ont été entendus, ont rapporté des témoins à l'AFP. Les tirs provenaient des quartiers Mile16 et Great Soppo, qui ont déjà été le théâtre d'affrontements entre les séparatistes et l'armée dans le passé, selon un autre témoin. Les coups ont ensuite cessé, selon les témoins. Une source sécuritaire a, elle, démenti à l'AFP que des combats avaient eu lieu dans la ville lundi.
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Dans les deux régions anglophones (Sud-Ouest et Nord-Ouest), l'armée a été déployée en nombre pour combattre des groupes épars de séparatistes qui réclament l'indépendance des régions à majorité anglophone de ce pays majoritairement francophone. Pour l'élection présidentielle, Yaoundé avait prévu pour Buea un fort « renforcement sécuritaire » et un « plan de défense » de la ville pour contrer les attaques et permettre aux habitants de voter, selon un haut gradé de l'armée camerounaise à l'époque.
Le taux de participation de la région table, lui, à 15,94 %, toujours selon les chiffres de la commission nationale de décompte des votes, et 5 % dans le Nord-Ouest. Les affrontements entre l'armée et des séparatistes sont devenus quotidiens dans ces deux régions, et ont déjà forcé plus de 300 000 personnes à fuir leur domicile. Vendredi, un lycée a été attaqué par des hommes armés présumés séparatistes, qui ont enlevé, selon des témoins, six élèves. Les autorités ont confirmé l'attaque, mais démenti l'enlèvement d'élèves.
Même si sa victoire est contestée par plusieurs figures de l'opposition, Paul Biya peut toujours compter sur ses alliés sur le continent. Son homologue équato-guinéen, Teodoro Obiang Nguema, a ainsi fait savoir ses « sincères et effusives félicitations » pour [sa] réélection... avant même la proclamation définitive des résultats.