Alors que le Cameroun attend les résultats officiels du scrutin présidentiel, les deux principaux opposants à Paul Biya, au pouvoir depuis 36 ans, clament leur victoire et dénoncent les fraudes. Ces déclarations enflammées de Cabral Libii et Maurice Kamto vont-elles embraser le pays, comme semblent le craindre les partisans du Président sortant?
Imbroglio camerounais au lendemain de l'élection présidentielle du 7 octobre dernier! Kamto, Libii revendiquent chacun la victoire... Njoya qui était absent durant la campagne et qui est réapparu à la veille du scrutin crie aussi à sa victoire.
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Alors que le décompte des voix est en cours, les deux principaux candidats de l'opposition ont chacun à leur manière revendiqué la victoire et dénoncé de nombreuses irrégularités. Il s'agit de Cabral Libii, prétendant du parti Univers (Union nationale pour l'intégration vers la solidarité) et de Maurice Kamto, candidat du Mouvement pour la renaissance du Cameroun (MRC).
C'est surtout la déclaration de ce dernier qui enflamme les conversations dans le pays: il est présenté dans l'opinion comme le principal challenger du Président sortant, Paul Biya, 85 ans, dont 36 au pouvoir.
«J'ai reçu mission de tirer le penalty historique. Je l'ai tiré, le but a été marqué.»
C'est avec cette métaphore empruntée au football que Maurice Kamto a revendiqué la victoire 24 heures après le jour de vote, au cours d'une conférence de presse au siège de son parti dans la banlieue de Yaoundé.
Avant l'élection, il a scandé qu'il allait tirer le penalty et marquer. Au lendemain du scrutin présidentiel, il parle de mission accomplie.
«Je prends à témoin l'opinion nationale et internationale de l'événement historique qui a rendu possible dans notre pays une alternance démocratique… J'ai reçu du peuple camerounais un mandat clair que j'entends défendre fermement jusqu'au bout. J'invite le Président de la République sortant à organiser les conditions d'une transition pacifique du pouvoir afin de mettre le Cameroun à l'abri d'une crise post-électorale dont notre pays n'a nullement besoin.»
Par ces mots plus solennels, l'ancien ministre et principal opposant à Paul Biya confirme qu'il entend défendre sa possible victoire jusqu'au bout. Maurice Kamto n'est cependant pas le seul à avoir revendiqué sa victoire au lendemain de la présidentielle. Le plus jeune candidat de l'opposition, Cabral Libii, 38 ans, l'a également fait, le même lundi, sur sa page Facebook.
«Merci à tous mes compatriotes qui m'ont accordé leur préférence dans l'urne. Il n y'a pas de doute, je suis l'élu du peuple camerounais! Il reste comme je l'avais dit, à le prouver… Merci à tous ceux qui ont consenti d'indicibles sacrifices pour cette exaltante œuvre de ravivement politique au Cameroun»,
a-t-il déclaré. Le porte-étendard du parti Univers a également condamné les fraudes et irrégularités enregistrées dans le processus électoral.
«Les irrégularités auront été manifestes, ignobles (refoulement des représentants, bourrages, absence de nos bulletins dans les centres de vote, violences physiques, absence de noms sur les listes…). Nous rejetons d'ores et déjà les résultats issus de ces bureaux de vote entachés de fraude. Nous recevons les PV et nous publierons nos résultats dans les heures à suivre».
Des arguments réaffirmés par le jeune candidat, 24 heures plus tard lors d'une conférence de presse au quartier général de son parti, mardi soir.
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La page des batailles postélectorales est désormais ouverte. Le Code électoral au Cameroun prévoit pourtant que seul le Conseil Constitutionnel a le pouvoir de proclamer le verdict final dans un délai de 15 jours après la date du scrutin. Une institution présentée par ces protagonistes comme étant à la solde du président Biya.
Yaoundé est en ébullition depuis l'annonce du «penalty marqué» de Maurice Kamto. Dans le camp d'en face, ces multiples sorties ne sont pas restées lettre morte. Le parti au pouvoir s'est mis en branle et a multiplié les réactions pour condamner ces propos. Même si jusqu'à maintenant, le Président sortant n'a fait aucune déclaration comme à son habitude, les personnalités de son parti ont condamné l'attitude des opposants.
Jean Nkuete, le secrétaire général du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC), le parti au pouvoir, est monté au créneau dès le lundi 8 octobre.
Il a convoqué la presse pour réagir aux allégations, quelques heures plus tôt, de Maurice Kamto. Le secrétaire général du RDPC a invité les populations à ne céder à aucune forme de provocation. Pour lui, l'attitude de Maurice Kamto est une entorse aux règles de la démocratie qu'il veut défendre en accédant à la magistrature suprême.
«Alors que le peuple camerounais attend sereinement la proclamation des résultats par le Conseil Constitutionnel, devant intervenir dans 15 jours au plus tard selon le Code électoral, certains candidats tiennent des discours enflammés pour s'autoproclamer vainqueur et appellent au soulèvement des populations pour défendre leur prétendue victoire en créant un climat de tension, d'insécurité et de violence dans le pays», s'est insurgé Jean Nkuete.
Selon le secrétaire général du parti au pouvoir, «de tels comportements relèvent de l'immaturité et de la fébrilité politique. Ils traduisent par ailleurs, un mépris des règles du jeu démocratique et des institutions que leurs auteurs ambitionnaient de défendre en se portant candidat à l'élection présidentielle».
Alors que le Cameroun attend les résultats de la présidentielle prévus dans une dizaine de jours et que les accusations de fraudes et de bourrage des urnes ont été lancées par les candidats de l'opposition, une certaine tension s'est installée dans l'opinion et des risques de soulèvement populaire sont à craindre.