Au Gabon, la compilation des résultats est en cours après les élections générales de samedi 26 août.
Quelque 850.000 Gabonais étaient appelés aux urnes pour les élections présidentielle, législatives et municipales.
Ces élections se sont déroulées en l'absence des observateurs internationaux, africains comme européens et des médias étrangers qui se sont vu refuser des accréditations ou l'entrée dans le pays.
L'organisation internationale Reporters sans frontières (RSF) a dénoncé l'"interdiction" qui a été faite aux médias étrangers de couvrir ces scrutins.
Ali Bongo, 64 ans, brigue un troisième mandat face à Albert Ondo Ossa, son plus sérieux rival, derrière lequel s'est rangée la plus grande partie de l'opposition sous l'appellation d'Alternance 2023.
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Accusation de fraude
En sortant du bureau où il votait et qui venait d'ouvrir avec huit heures de retard faute de matériel de vote, Albert Ondo Ossa a fustigé "des fraudes orchestrées par Ali Bongo et ses partisans". "A la fin de la journée, Albert Ondo Ossa doit être déclaré vainqueur", avait-t-il tonné.De nombreux bureaux dans tout le pays ont ouvert très tardivement ou sont restés fermés, selon François Ndong Obiang, le président d'Alternance 2023.
De même, les bulletins au nom de Albert Ondo Ossa manquaient dans "beaucoup de bureaux" et ceux des candidats qui s'étaient officiellement désistés en sa faveur sont restés présents dans d'autres, a-t-il accusé, dénonçant une "organisation du scrutin préparée pour mettre le chaos".
Interrogé par nos confrères de l'AFP sur ces accusations, le Centre Gabonais des Elections (CGE), l'instance qui organise les scrutins, n'a pas voulu faire de commentaires.
De son côté, le parti présidentiel, le PDG, s'est félicité du bon déroulement des scrutins même s'il note toutefois des "manquements qui ne sont pas de nature à compromettre la crédibilité du vote".
Coupure d'internet et instauration d'un couvre-feu
Le gouvernement a coupé internet samedi soir et instauré un couvre-feu au Gabon en invoquant des risques de violences.Le ministre de la Communication, Rodrigue Mboumba Bissawou, a annoncé à l'antenne de la télévision d'Etat que le gouvernement instaurait un couvre-feu nocturne de 19h à 6h à compter de dimanche et l'obligation de demander une autorisation trois jours avant d'organiser toute réunion ou manifestation.
Il a également confirmé la "suspension" immédiate d'internet "jusqu'à nouvel ordre et sur toute l'étendue du territoire". Invoquant pour ce faire, au nom de l'"intérêt supérieur de la Nation", la nécessité de parer aux "appels à la violence" et aux "fausses informations" dans les réseaux sociaux, et de "prévenir tout débordement et assurer la sécurité" des populations.
L'ambiance est morose à Libreville, la capitale, et dans plusieurs autres villes du pays. Les populations redoutent une montée de violence à l'approche des résultats du vote de samedi.
Les forces de l'ordre ont été aperçues dans certains carrefours de la capitale et l'on note également une présence accrue de la police en patrouille.
Le Réseau des défenseurs des droits de l'homme en Afrique centrale (REDHAC) affirme que la coupure d'Internet et le couvre-feu imposés par les autorités gabonaises soulèvent de sérieuses inquiétudes quant à la transparence des élections de samedi.
La directrice exécutive de l'organisation, Maximilienne Ngo Mbe, a qualifié la situation dans le pays de "très préoccupante", ajoutant que "la coupure d'Internet et les restrictions imposées aux médias sont des preuves suffisantes que les élections ne sont pas équitables et transparentes".
Pour l'heure, les communications restent perturbées et plusieurs gabonais résidents à l'étranger ont encore du mal à joindre leurs familles.
Les ONG de défense des droits humains redoutent des conséquences encore lourdes. En 2022, les Nations Unies alertaient déjà que "couper l'internet cause des dommages incalculables, tant sur le plan matériel que sur celui des droits de l'homme"
Médias français suspendus
Les médias français RFI et France 24 ont exprimé leur "incompréhension" devant "la suspension provisoire de leur diffusion", samedi au Gabon.La Haute Autorité de la Communication (HAC), avait annoncé "l'interdiction provisoire de diffusion au Gabon des médias France 24, RFI et TV5 Monde" auxquels il est "reproché un manque d'objectivité et d'équilibre dans le traitement de l'information en lien avec les élections générales".
Dans un communiqué dimanche, France Médias Monde, groupe auquel appartiennent Radio France internationale et France 24, a "regretté et s'est étonné de cette suspension provisoire, sans fondement", et qui "prive les Gabonais de deux de leurs principales sources d'information fiables et indépendantes".
Face à cette coupure momentanée, France Médias Monde "réaffirme son attachement à la liberté d'informer, au pluralisme de l'information comme au travail professionnel et à la sécurité de ses journalistes et correspondants, au Gabon comme partout dans le monde".
Le groupe assure en outre se conformer "en tous points aux dispositions de la convention signée le 15 mars 2021 avec l'autorité gabonaise de régulation des médias".
Heurts à l'étranger
Près de 5.000 Gabonais ont signé une pétition réclamant la démission de l'ambassadeur du Gabon au Maroc, après des heurts au sein et devant l'ambassade à Rabat, autour des opérations de vote de samedi."Nous appelons à la démission immédiate de l'ambassadeur du Gabon au Maroc (Sylver Aboubakar Minko-Mi-Nseme), en raison de sa responsabilité présumée dans cette situation", indique la pétition qui dépassait les 4.600 signataires en fin d'après-midi dimanche.
Selon des témoins sur place, des heurts ont éclaté samedi soir entre des forces de l'ordre marocaines et des Gabonais qui ont tenté ou pour certains se sont introduits dans l'ambassade pour assister au dépouillement du vote pour la présidentielle.
Plusieurs personnes ont été interpellées avant d'être libérées dimanche, tandis que "d'autres sont toujours en état d'arrestation", selon plusieurs témoins.