Pushpa, originaire du sud de l'Inde, a fait passer plus de 1 000 examens à des personnes malvoyantes, atteintes de maladies telles que l'infirmité motrice cérébrale ou le syndrome de Down, ou incapables de le faire elles-mêmes à la suite d'un accident. Elle explique à la BBC la satisfaction que lui procure son travail de bénévole et les raisons pour lesquelles d'autres personnes devraient tenter l'expérience.
En 2007, un aveugle a demandé à Pushpa de l’aider à traverser la route Bengaluru où il y a beaucoup de trafic. Le non- voyant a encore sollicité Pushpa. Une requête importante qui peut changer la vie de quelqu’un.
« Il m'a demandé si je pouvais passer un examen à la place de son ami non-voyant. », se souvient Pushpa.
Elle a accepté, mais le jour de l’examen, elle est devenue anxieuse. Elle n'avait pas suivi de formation de scribe et ne savait pas à quoi s'attendre.
« Ce fut trois heures de stress. Le candidat dictait les réponses très lentement et me demandait de relire les questions encore et encore", nous raconte-t-elle en étant allongée sur une chaise en bois dans son jardin à Bengaluru, dans le sud de l'Inde.»
Bonne nouvelle, Hema, 19 ans, a réussi ses examens avec brio.
Pushpa a rapidement reçu d’autres demandes d’aide de la part d'une ONG qui travaillent avec des personnes aveugles.
En 16 ans, elle a passé plus de 1 000 examens, tous gratuits.
« Les salles d'examen sont comme une seconde maison pour moi » explique-t-elle à la BBC.
Un nombre record d'examens
Outre les examens qu’elle a passé pour des élèves et des étudiants, elle a également aidé des demandeurs d’emploi à faire des entretiens d’embouche dans le service publique."Aujourd'hui, je me suis familiarisée avec ce job. Je ne ressens plus aucun stress", dit-elle, ajoutant que cette expérience lui a permis d'apprendre de nouvelles matières, comme l'histoire et les statistiques.
En plus des candidats aveugles, elle a aidé des personnes atteintes d'infirmité motrice cérébrale, de trisomie 21, d'autisme, de dyslexie et des étudiants handicapés à la suite d'un accident.
Au début, elle a eu du mal à comprendre les personnes atteintes d'infirmité motrice cérébrale.
"Je devais me concentrer. Je regarde le mouvement de leurs lèvres et j'essaie de comprendre les mots".
Malgré des débuts difficiles, Pushpa s'est présentée à un nombre record d'examens pour Karthik, qui se déplace en fauteuil roulant.
"Pour son examen de fin d'études, pour son diplôme d'administration des affaires, j'ai passé au total 47 examens pour lui ", explique Pushpa.
« Quand je passais mon examen scolaire, Pushpa était venue pour aider une autre personne. A l’époque, j'avais un autre scribe, qui est parti brusquement. Après avoir terminé son travail, Pushpa est venue passer l'examen à ma place », raconte Karthik.
Ce jeune homme de 25 ans apprécie grandement le soutien sans faille qu'elle lui apporte.
« Nous ne savons pas écrire. Et la plupart d'entre nous ne maitrisent pas l'informatique parce que les mouvements de nos mains sont très lentes.»
« J'ai de la chance d'avoir un scribe comme Pushpa", poursuit-il. Les scribes sont vraiment comme des dieux pour nous. »
Le fait de travailler ensemble pendant des années leur a permis de mieux se comprendre - Karthik a maintenant obtenu son diplôme et se prépare pour un entretien d’embauche dans un service du gouvernement.
"J'ai passé de nombreux examens pour étudiants malvoyants et chacun a une histoire unique", explique Pushpa.
Une assistance qui change des vies
Au cours de la troisième semaine de mars, elle a rédigé un examen universitaire pour Bhoomika Valmiki, âgée de 19 ans.En tant qu’aveugle, Valmiki utilise des outils qui convertissent le texte en audio pour étudier ses leçons, mais le système éducatif indien n'est pas prêt à utiliser de telles applications pour les examens.
« J’ai besoin du soutien de Pushpa pour aller de l’avant dans ma vie »déclare Valmiki, émue.
« Pushpa était très patiente et attendait que je termine mes réponses. Elle ne m'a jamais distraite », ajoute-t-elle.
L'aide a ses limites
La plupart des personnes qui sollicitent l'aide de Pushpa ont eu du mal à entrer à l'université, mais elle affirme que son empathie n'entame pas son intégrité."Mon travail se limite à écrire ce qu'ils disent", dit-elle avec assurance.
" Je ne peux pas intervenir s’ils me demandent de cocher une mauvaise réponse ou qu'ils me dictent une phrase grammaticalement incorrecte. Je ne peux pas intervenir.
"Parfois, les élèves [qui parlent d'autres langues] ont du mal à comprendre les mots anglais. Je traduis pour eux. C'est la seule aide que je peux leur apporter.
Il y a un surveillant par élève et une caméra. Les scribes ne sont pas autorisés à faire passer des matières qu'ils ont eux-mêmes étudiées à l'université.
L’avantage d’aider
Pushpa est issue d'une famille pauvre et son père a été victime d'un accident sur son lieu de travail. Sa mère travaillait dur pour nourrir Pushpa et son frère.« À un moment donné, mon frère et moi avons dû abandonner l'école parce que nous ne pouvions pas payer les frais de scolarité », se souvient-elle.
Un étranger est intervenu et a payé les frais de scolarité. Pushpa affirme que son travail bénévole est une façon pour elle d’être reconnaissante.
Après avoir fini les études, son frère et elle ont travaillé dans une entreprise de messagerie. Pushpa a obtenu sa licence par le biais de l'enseignement à distance et a également passé un diplôme en informatique.
Ces dernières années ont été particulièrement difficiles. En 2018, son père est décédé. En 2020, son frère est décédé au début de la pandémie de Covid - les causes de son décès ne sont toujours pas claires.
Un an plus tard, Pushpa, qui était alors au chômage, a reçu une autre mauvaise nouvelle.
"En mai 2021, ma mère décède. Quelques mois plus tard, en août, j'ai passé 32 examens. Certains jours, je faisais deux examens."
Pour elle, le fait d’aider les gens est une thérapie, et l’aide à surmonter son chagrin.
Reconnaissance
Son travail inlassable n'est pas passé inaperçu. Elle a remporté un prix national pour avoir favorisé l'autonomisation d'autres femmes."Le 8 mars 2018, j'ai reçu le prix des mains du président de l'Inde."
Elle a également rencontré le Premier ministre Narendra Modi avec d'autres lauréats.
Pushpa travaille aujourd'hui dans une start-up technologique et donne des conférences de motivation lors d'événements d'entreprise.
Elle continue à faire passer des examens à ceux qui ne le peuvent pas, et comme elle maitrise cinq langues (tamoul, kannada, anglais, télougou et hindi) elle est très sollicitée.
"Je donne de mon temps et de mon énergie. Si je fais passer un examen à quelqu'un, cela peut changer sa vie", dit-elle.