Mamadou Faye et Lilaafa Amouzou, avec BBC Santé
Depuis sa tendre jeunesse, la chanteuse marocaine Abir el-Abed souffre de la trichotillomanie. Elle raconte à BBC Santé comment elle a souffert de cette pathologie qui lui a fait perdre la grande partie de ses cheveux.
Malgré sa popularité dûe à sa musique arabo-judéo-andalouse, la chanteuse marocaine Abir el-Abed a beaucoup souffert dans sa vie.
Derrière son visage rayonnant, dans les rues de Tanger où elle aime croiser ses nombreux fans, se cache un parcours douloureux.
"Il y a un proverbe en Arabe qui dit que 'la moitié de la beauté de la femme réside dans ses cheveux'. Imaginez quelqu’un qui n’a pas de cheveux, qui a 20 kilos de plus dans une société qui croit vraiment à la beauté. (Rires). C’était une vraie souffrance", raconte la chanteuse.
La jeune femme souffre depuis presque deux décennies d’une maladie peu connue : la trichotillomanie.
Cette pathologie se traduit par l’arrachage compulsive de ses propres cheveux, poils des cils, des sourcils ou encore d’autres parties du corps.
Quels sont les symptômes de la maladie et comment se manifeste-t-elle ?
el-Abed dit avoir commencé à présenter les signes de la maladie dès l’âge de 8 ans.Mais elle avait d'abord pris pour cibles ses pauvres poupées.
"J’arrachais les cheveux des poupées avant que je ne commence à m’arracher les cheveux", raconte-t-elle, montrant une de ses poupées qu'elle a gardée.
"C’était la dernière victime que j’ai gardée", confesse-t-elle dans un éclat de rire.
Ce qui était au départ un geste anodin est très vite devenu un véritable cercle vicieux.
"Je me souviens qu’au début, je me mettais devant le miroir et je trouvais des poils. Je commençais à les arracher. Je n’acceptais pas de voir les poils qui sortaient des autres qui étaient lisses et tout ça."
"Quand j’ai des problèmes ou bien j’ai une soirée et je pense à quoi faire, qu’est-ce qu’il faut préparer, qu’est-ce qu’il faut faire ; au moment que je réfléchis, je m’arrache les cheveux. Cela fait plaisir", dit-elle, les yeux pétillant de souvenirs douloureux.
"C’est ça le problème. C’est que c’est un cercle de plaisir et je n’arrive pas à m’arrêter. Si j’enlève un poil, je peux rester comme ça pendant des heures", poursuit la jeune musicienne.
Les principaux symptômes de la maladie sont caractérisés par un arrachage compulsif des cheveux dont la perte entraine des plaques chauves sur le cuir chevelu. Ce qui peut avoir des conséquences sociales et psychologiques.
Une pathologie synonyme de souffrances
Les recherches suggèrent que 0,5% à 2% de la population mondiale est atteinte de trichotillomanie.La psychothérapeute Dikra Raissouni explique les causes réels de la maladie.
"Les causes précises sont méconnues, mais il peut s’agir de multiples causes. C’est souvent des origines héréditaires, génétiques ou bien psychologiques, et aussi en lien avec les traumatismes et les espérances de vie de la personne", explique Mme Raissouni.
Selon elle, "ça n’a rien à voir avec la mauvaise habitude, mais c’est une vraie pathologie qui cause une souffrance importante à la personne."
"Cette maladie peut paraitre anodine, mais malheureusement on peut trouver des conséquences importantes, tant esthétiques que psychologiques."
Pour preuve, lorsqu’en 2020, Abir décide d’apparaitre, le crâne rasé, dans un post Instagram, ses fans sont choqués.
Elle voulait par là se défaire du lourd tribu des rumeurs qui lui attribuaient déjà un mauvais cancer.
En se montrant ainsi, l’artiste de 30 ans voulait simplement révéler qu'elle souffrait maladie chronique.
Le traitement de la trichotillomanie se traduit généralement par une thérapie comportementale et cognitive.
"La psychothérapie surtout la plus recommandée, c’est la thérapie cognitivo-comportementale et qui va aider le patient à mieux comprendre son processus de pensée mais aussi à rééduquer son anxiété", souligne la psychothérapeute Dikra Raissouni.
Au-delà de ce traitement psychothérapeutique, il est également recommandé de prendre des médicaments.
"Il y a aussi le traitement médicamenteux qui est recommandé. En tout cas pour les cas sévères, c’est recommandé de faire une association de traitement psychothérapeutique et médicamenteux", précise la spécialiste.
L'importance du soutien de l'entourage
Si l’aide d’un professionnel est indispensable pour les personnes atteintes de trichotillomanie, le soutien des proches est tout aussi important.Ils peuvent jouer un rôle dans la guérison du patient.
Abir el-Abed a pu compter sur le soutien de son petit ami qui l’a convaincue de ne plus cacher sa maladie.
"Au départ, témoigne celui-ci, quand j’ai commencé à enlever sa perruque, elle a commencé à pleurer vraiment à chaudes larmes. J’ai commencé à la consoler en lui disant : ce n’est rien, tu seras magnifique, fais moi confiance."
"Et après, quand tout était fini, elle s’était regardée dans le miroir et elle était stupéfaite. En fait, elle se plait comme ça. Elle a commencé à avoir ce sourire qu’elle a tout le temps sur le visage. Ce sourire innocent", raconte son petit-ami.