Le professeur Maurice Kamto assure qu’il a souffert au début du règne de Paul Biya. Dans le long entretien qu’il vent d’accorder à la télévision en ligne JMTV+, le président du Mouvement pour la renaissance du Cameroun (MRC) a raconté une mésaventure qu’il a connue au milieu des années 1980. Sa critique d’une œuvre du philosophe Hubert Mono Ndjana lui avait valu un interrogatoire dans les services des renseignements généraux et une brève privation de liberté.
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A cette période-là Mono Ndjana vient de publier « l’idée sociale chez Paul Biya », un livre paru en 1985. Croyant que Kamto qui a l’habitude de publier articles d’opinion dans la presse est un journaliste, il lui demande s’il peut en faire une note de lecture dans son journal. L’enseignant de l’IRIC (Institut des relations internationales du Cameroun) accepte l’offre à la condition d’en dire exactement ce qu’il en pense. Il rapporte à notre confrère Jacky Moiffo qu’il est « catastrophé » à un moment par ce qu’il lit dans le livre. Il « cite de mémoire » l’extrait qui lui pose problème : « il ne faut pas démanteler les appareils répressifs légués par Ahidjo. Il faut préserver les appareils répressifs pour les utiliser contre ceux qu’on soupçonne d’être contre le Renouveau. C’est aux pages 220 ou 230, quelque chose comme ça », rapporte le juriste.
Dans ses impressions de lecture, Kamto trouve inacceptable qu’après la période 1960-1982 caractérisée par une chape de plomb qu’il faille maintenir l’appareil répressif mis en place par le régime précédent. Il assimile cela à l’attitude de Pol Pot, génocidaire cambodgien qui massacra 3 millions de personnes sur la seule base des soupçons. Maurice Kamto dit avoir aussi écrit que l’on ne peut pas célébrer une idée d’un président avant qu’elle soit mise en œuvre, qu’il vaut mieux attendre.
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L’enseignant de l’IRIC d’alors va être happé chez lui un vendredi soir. Ses visiteurs lui feront croire que le président de la République veut le voir mais l’emmèneront au CENER (Centre national d’études et de recherches), services de contre-espionnage du Cameroun à l’époque. Là-bas, il subit un interrogatoire auquel assiste le directeur de l’IRIC. L’on l’accuse d’avoir insulté le chef de l’Etat. Puis il est transporté à la Brigade mixte mobile (BMM), l’actuelle prison centrale numéro 2 de Yaoundé, où il sera enfermé.
Maurice Kamto raconte qu’il sort de prison grâce au professeur Joesph Marie Bipoun Woum, président du jury de soutenances de mémoires qui exige que le directeur de ces mémoires, conformément à la déontologie de l’enseignement supérieur, soit là. C’est ainsi que le jeune universitaire recouvre la liberté. Kamto parle de ses malheurs comme étant la résultante d’un zèle qui caractérisait ses geôliers sous le régime Ahidjo. « Nous racontons cela pour l’Histoire, pour que cela ne se répète pas », termine-t-il son évocation.