Actualités of Wednesday, 12 February 2025

Source: Kand Owalski

Entretien avec Kamto : douche froide pour Valery Ndongo

L'artiste essuie des critiques L'artiste essuie des critiques

Dans un contexte comme le nôtre, où la culture est en souffrance au Cameroun, où les artistes manquent de soutien et où l’État a, depuis 43 ans, déserté toute politique culturelle digne de ce nom, on aurait pu s’attendre à ce que ceux Koppo et Moustique, qui ont eu une tribune rare, l’utilisent pour poser les vraies questions, en lieu et place des plaintes périphériques, des diversions vides de sens qui trahissent, parfois sans le vouloir un désir de plaire à un pouvoir quelconque.
En effet, avoir Maurice Kamto pour soi, candidat déclaré à l'élection présidentielle prochaine, avoir l'opportunité d'élever le débat vers des préoccupations capitales, et choisir quand-même de lui demander… pourquoi il ne « controle » pas ses partisans sur Internet, c'est manquer complètement d'intelligence.
Soyons clairs : il n'y a rien de plus normal qu'un leader politique suscite des débats, des critiques, voire des passions. C'est le jeu. Mais qu'en 2025, à un moment aussi crucial pour le destin de notre pays, des artistes supposément éclairés ne trouvent rien de plus essentiel à demander qu'un appel à la discipline des troupes virtuelles, appel qui par ailleurs a été lancé à mainte reprise, cela en dit long sur l'état de notre culture politique.
On ne peut s'empêcher de voir derrière cette question apparemment anodine, une réalité plus grande et récurrente : celle de la place qu'occupe le futile dans nos débats publics. Il y avait tant de choses à dire, tant de fronts à ouvrir. On aurait pu demander à Maurice Kamto ce qu'il pense de la précarité des artistes camerounais, de l'absence de politique culturelle cohérente, de la censure insidieuse qui gangrène l'espace public. On aurait pu l'amener à se positionner sur le rôle de la création artistique dans l'édification d'un imaginaire collectif solide. Mais non. Ce qui préoccupe ces messieurs, c'est le ton des internautes qui répondent à d'autres internautes insolents, gonflés de haine et de mépris... gonflés d'arrogance à l'image de celle de Koppo.
Plutôt que de profiter de cette opportunité pour éclairer l’avenir de leur propre secteur, ils ont fait le choix d’un petit règlement de comptes à l’échelle des réseaux sociaux.
Ce qui est fascinant – et profondément révélateur –, c’est cette déconnexion totale entre l’urgence des questions culturelles qu'ils auraient pu soulever, et l’insignifiance du sujet abordé. Des artistes, qui sont censés être les premiers à souffrir du désengagement de l’État, se retrouvent à reprocher à un opposant politique de ne pas être le modérateur en chef d’Internet. Une ironie d’autant plus cruelle que ces mêmes artistes, qui demandent à Kamto de discipliner ses partisans, sont les premiers à réagir au quart de tour à la moindre insulte sur leurs propres pages.
Cette obsession pour l'écume plutôt que pour la mer, cette volonté pathétique de s'accrocher aux marges du débat, n'est finalement que le reflet ou de la petitesse de leurs ambitions, ou de l'hypertrophie de leur égoïsme, eux qui estiment avoir gravi quelques échelons de l'ascenseur social, et qui arrivent bon gré mal gré, à tracer leur voie au milieu du chaos, dans les décombres de notre culture à la dérive. Et c'est là, exactement ce qui nous empêche d'avancer, de voir au-delà de l'insignifiance.
Si nous voulons sortir de la grande nuit, il nous faut plus que jamais nous engager dans une quête de maturité collective. Un pays qui élève au rang de débat national des querelles d’ego virtuelles est un pays qui, consciemment ou non, se distrait de son propre naufrage en transformant l’anecdotique en essentiel, le bruit en pensée, la diversion en programme.
Un tel pays court à sa perte non par fatalité, mais par une incapacité chronique à nommer ses véritables plaies et à en formuler les remèdes. Il se condamne à l’immobilisme, englué dans une dramaturgie perpétuelle où la conflictualité stérile tient lieu de politique et où les véritables enjeux sont relégués aux bords de la conscience collective.

La conquête de cette maturité collective suppose que nous cessions de nous complaire dans le dérisoire pour viser le buzz. Car un peuple qui se laisse distraire par le frivole, qui se contente de commenter la surface des choses sans jamais en interroger les fondements, est un peuple qui abdique face aux forces qui le maintiennent en servitude.

Oui, si nous voulons sortir de cette grande nuit, nous devons refuser de confondre l’essentiel et l’accessoire, la victime au bourreau. Nous devons réapprendre à parler en adultes, à penser en architectes du futur, à nous projeter dans l’histoire avec la gravité de ceux qui savent que l’avenir n’est pas un hasard, mais une responsabilité, et, à l'échelle d'une nation, une responsable collective qui nous hisse au-delà des considérations partisanes dans les périodes de grande tourmente, telle que celle que nous traversons aujourd'hui.